Les victoires militaires sur « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) doivent être suivies d'une stratégie et de politiques qui traitent les causes profondes de l'extrémisme, ont estimé la semaine dernière les intervenants lors du Forum d'Amman sur la lutte contre l'extrémisme violent.
Ce forum d'une journée, qui s'est tenu le 9 octobre à Amman, était organisé par le Centre militaire jordanien de lutte contre le terrorisme et l'extrémisme (MCCTE) et parrainé par Spirit of America, en coordination avec l'ambassade des États-Unis.
Cet événement a réuni des responsables, des universitaires, des dirigeants d'entreprises et des représentants de la société civile venus échanger les bonnes pratiques et les leçons apprises dans la lutte contre l'extrémisme violent.
« Des actions et des efforts incessants sont nécessaires pour lutter contre l'extrémisme violent et les idéologies radicales, qui débouchent sur des actes terroristes », a déclaré le général de brigade Abdoullah Shdaifat, commandant du Collège de défense nationale jordanien.
Pendant des années, la Jordanie a souffert des conséquences de l'extrémisme violent, a-t-il rappelé aux participants à cette conférence, et a perdu des centaines de personnes dans cette lutte.
« Nous avons besoin de politiques et de stratégies pour renforcer les principes de la modération et de la tolérance en vue de protéger les générations futures », a-t-il notamment déclaré.
« Cette conférence intervient au lendemain de défaites successives militaires et idéologiques infligées aux gangs terroristes dans la région », a-t-il indiqué, soulignant que ces défaites « ne signifient pas nécessairement la fin des gangs ni leur disparition ».
La lutte contre ces groupes appelle des efforts régionaux et internationaux concertés et intensifs en vue de mettre sur pied une stratégie globale avec des objectifs clairs et précis pour lutter contre l'extrémisme violent, a-t-il expliqué.
« Des politiques clairement définies doivent être élaborées, et la coopération régionale et internationale doit être renforcée pour combattre l'extrémisme », a-t-il ajouté.
Traiter les problèmes sociaux
« Lutter contre la pauvreté, le chômage et la corruption sont parmi les manières les plus importantes et les plus efficaces de combattre l'extrémisme », a expliqué à Al-Mashareq le major général Adeeb al-Sarayreh, analyste stratégique et officier à la retraite.
« Dans leurs efforts de recrutement, les groupes terroristes profitent des situations difficiles et du manque d'espoir chez les jeunes », a-t-il déclaré.
Il est par conséquent nécessaire d'accorder une plus grande attention aux jeunes et de trouver des solutions tangibles aux problèmes qu'ils rencontrent pour faire la différence dans la lutte contre le terrorisme, a-t-il estimé.
Le recrutement des jeunes par les groupes terroristes est une question qui doit être prise en compte dans toute stratégie de lutte contre l'extrémisme, a expliqué à Al-Mashareq le professeur de sociologie Hussein al-Khuzai.
Pour recruter les jeunes, a-t-il poursuivi, les groupes extrémistes dénaturent les textes religieux et les sortent de leur contexte pour servir leurs propres desseins.
« Les groupes terroristes comptent sur les jeunes pour recruter d'autres jeunes dans leur famille ou parmi leurs amis », a-t-il ajouté, ce qu'ils font en déformant les textes religieux pour les accuser d'être des kouffar (infidèles) et en exerçant ainsi de fortes pressions sur eux.
Les extrémistes ciblent également l'affectif des jeunes en produisant et en diffusant des vidéos et d'autres contenus destinés à alimenter leurs sentiments religieux et à tirer parti de leurs mauvaises connaissances de la vraie religion, a-t-il précisé.
Ce type de contenu est persuasif et sème des idées nuisibles dans leurs esprits, a-t-il ajouté.
Cette idéologie corrosive exploite l'ignorance et le sentiment de désespoir, et favorise l'idée qu'ils cherchent à construire un État idéal, a-t-il encore ajouté, alors qu'en fait, ils ne cherchent qu'à détruire à la fois les gens et leurs pays.
Dans nombre de ceux-ci, des familles luttent contre les retombées de ces tactiques de recrutement et de ces manipulations, a-t-il poursuivi, et ont perdu leurs enfants à cause de ces discours trompeurs et déformés.
Al-Khuzai a appelé à ce soient développés des plans d'action visant spécifiquement les jeunes, pour les empêcher de commettre des erreurs qui pourraient leur coûter leur avenir, et éventuellement leur vie.
Le rôle essentiel des médias
Les médias joueront un rôle crucial dans la prochaine étape de la lutte pour éradiquer l'extrémisme, qui sera « une guerre de la pensée et de l'idéologie », a expliqué à Al-Mashareq le spécialiste des médias Omar Maharma.
Après la défaite militaire de l'EIIS, « ce sont les médias qui mèneront désormais la bataille pour sensibiliser, diffuser des idées de modération et de tolérance et de rejet de la violence et de la barbarie, et faire apparaître au grand jour les complots et les objectifs des terroristes », a-t-il expliqué.
« Les médias doivent s'attacher dans la période qui s'ouvre aux causes de la propagation de ces idées extrémistes, et y répondre en coopération avec les autorités compétentes », a-t-il ajouté.
Il a mis en garde sur le fait que depuis leur défaite sur le terrain, plusieurs extrémistes se sont cachés, formant des cellules dormantes qui pourraient à l'avenir constituer une menace.
La présence de ces cellules dormantes extrémistes nécessite que soient poursuivies des campagnes de sensibilisation qui traitent de l'extrémisme violent, a ajouté al-Sarayreh.
Il a conclu en soulignant l'importance de mener ces campagnes sur les réseaux sociaux, soulignant que les groupes extrémistes exploitent ces plateformes pour attirer de nouvelles recrues et propager leur idéologie extrémiste.