Des réalisateurs syriens vivant en Jordanie ont récemment projeté une série de documentaires courts au cinéma Arc-en-ciel d'Amman. Ces films ont mis en lumière la vie des Syriens ayant été contraints de fuir leur pays.
« Histoires de Syrie », une anthologie de onze documentaires courts, est le résultat d'une collaboration entre le British Council, Bidayyat pour les arts audiovisuels et l'Institut écossais du film documentaire.
Ce projet a eu pour but de « soutenir les nouveaux réalisateurs syriens vivant au Liban, en Jordanie et en Turquie afin de développer leurs compétences de création de documentaires », a déclaré Stephanie Twigg, directrice des arts syriens au British Council à Amman.
Les cinéastes ont été encouragés à remettre en question les stéréotypes et à partager leurs expériences et leurs perspectives avec le reste du monde, a-t-elle expliqué à Al-Mashareq.
« Ces documentaires racontent les histoires silencieuses qui ne sont généralement pas vues dans les actualités de la guerre », a-t-elle rapporté, notant qu'ils humanisent des inconnus et mettent en avant les histoires personnelles derrière les gros titres.
Ils ne parlent pas uniquement de faits et de chiffres, a-t-elle ajouté, mais « ils nous aident à mieux comprendre le monde qui nous entoure et la vie des autres ».
Développement d'histoires personnelles
Entre mars et juillet 2017, le programme « Histoires de Syrie » a offert à 35 réalisateurs deux semaines de formation intensive dans des ateliers à Beyrouth, Amman et Istanbul.
Les cinéastes ont été encouragés à développer des histoires personnelles permettant aux spectateurs de voir l'impact de la crise sur des Syriens ordinaires.
Heba Hmeidy, réfugiée venue d'Alep, a créé un film avec Mohammed Labbad racontant ce qu'a vécu sa famille depuis le début de la guerre en 2011.
Ce film de dix minutes, «Al-Hayah al-Muaallaqa » (Vie suspendue), raconte l'histoire du père de Hmeidy, qui a quitté l'armée syrienne.
Il a été difficile de convaincre son père d'être filmé, a raconté Mohammad Abdallah, l'un des réalisateurs.
« C'était un militaire puissant, et le filmer maintenant en tant que réfugié loin de son foyer de Zarka [Jordanie] n'a pas été facile, parce qu'il ne voulait pas être vu dans une position de faiblesse », a-t-il indiqué à Al-Mashareq.
« Nous avons beaucoup ri et pleuré pendant le tournage », a rapporté Hmeidy à Al-Mashareq.
« Mon film parle de mon père, mais l'idée est de raconter l'histoire de nombreuses personnes comme lui ; ceux qui ont quitté l'armée nationale et qui à cause de cela ont été privés de beaucoup de leurs droits humains et politiques », a-t-elle déclaré.
Partager des expériences et des émotions
Dans un autre film, « Al-Entezar » (L'attente), Abdallah et Mohammad Maslameh racontent l'histoire d'un ami photojournaliste blessé lors d'une frappe aérienne en Syrie.
Il montre les difficultés du protagoniste à accepter sa vie en Jordanie, où il souffre de souvenirs du conflit, après l'amputation d'une de ses jambes.
« Dans un contexte où nous sommes habitués à voir des images de destruction et de désespoir, les films nous montrent des histoires plus calmes », a affirmé Twigg.
« Ils nous amènent jusque chez les réfugiés et les montrent comme des êtres humains », a-t-elle ajouté. « Ils nous racontent à quoi ressemblent leurs vies, les lieux où ils se rendent, leur travail et comment ils interagissent avec leurs voisins. »
Bien que les réfugiés syriens soient traumatisés par ce qu'ils ont vu et ce qu'ils ont vécu, il reste de la positivité et de l'espoir, a-t-elle indiqué, et cela se voit dans ces films.
Chacun des réalisateurs connaît une certaine insécurité et incertitude, que ce soit au Liban, en Turquie ou en Jordanie, a-t-il expliqué, notant que la plupart d'entre eux n'ont quitté la Syrie que récemment, et tentent encore de trouver leurs marques dans leur nouveau pays de résidence.
« Ce programme a été l'occasion de réfléchir à leurs expériences et leurs émotions, ainsi que celles d'autres Syriens déplacés », a conclu Twigg.