Droits de l'Homme

Le Yémen au bord d'une famine « sans précédent »

Par Faisal Darem à Sanaa

Une Yéménite mendie avec son fils sur un trottoir de Sanaa. [Faisal Darem/Al-Mashareq]

Une Yéménite mendie avec son fils sur un trottoir de Sanaa. [Faisal Darem/Al-Mashareq]

Les réserves alimentaires du Yémen sont à leur niveau le plus bas, et le pays est confronté à une « famine sans précédent », a prévenu le Norwegian Refugee Council (NRC) la semaine dernière.

« Je suis profondément choqué par ce que j'ai vu et entendu ici, dans un Yémen frappé par la guerre et la faim », a fait savoir le secrétaire général du NRC Jan Egeland le 3 mai, après une visite de cinq jours à Sanaa, Aden et Omran.

Les importations commerciales de nourriture n'ont jamais été aussi réduites, ce qui a fait augmenter d'un tiers en moyenne le prix des produits de base, a indiqué le NRC, laissant 60 % de la population en situation d'insécurité alimentaire.

Près de sept millions de personnes ne savent d'où viendra leur prochain repas.

« Ce n'est pas la faute d'une sécheresse », a ajouté Egeland. « Cette catastrophe qui aurait pu être évitée a été créée de A à Z par la main de l'homme. »

Le NRC a appelé toutes les parties au conflit à conclure un cessez-le-feu, à mener des pourparlers de paix sérieux, et à permettre à l'aide urgente d'atteindre les 19 millions de Yéménites dans le besoin, et il a demandé une augmentation du financement pour les efforts humanitaires.

Demande d'augmentation du financement

Le mois dernier, les efforts humanitaires menés par le Programme alimentaire mondial (PAM) n'ont permis de nourrir que trois millions de Yéménites sur les sept millions qui sont au bord de la famine, a déclaré Egeland.

Le PAM a publié en avril un rapport sur l'insécurité alimentaire au Yémen basé sur la récente Emergency Food Security and Nutrition Assessment (EFSNA), la première enquête nationale auprès des ménages menée depuis l'escalade du conflit.

Cette évaluation a été effectuée conjointement par le PAM, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) et le Yemen Food Security and Agriculture Cluster (FSAC), en partenariat avec les autorités yéménites.

Elle estime que 17 millions de Yéménites, soit 60 % de la population du pays, sont en situation d'insécurité alimentaire et ont besoin d'une aide humanitaire urgente.

Parmi eux, environ 10,2 millions sont en situation critique, et 6,8 millions sont en phase d'urgence, selon le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), une norme internationale qui hiérarchise la sévérité et l'amplitude de l'insécurité alimentaire.

Au niveau national, la population en phases de crise ou d'urgence a augmenté de 20 %, par rapport aux résultats de l'analyse IPC de juin 2016, a précisé le rapport.

L'évaluation a aussi révélé que vingt gouvernorats sur vingt-deux ont atteint les niveaux d'urgence et de crise d'insécurité alimentaire, et que plus des deux tiers des Yéménites sont menacés de famine et ont un besoin urgent d'aide pour sauver leurs vies et leurs moyens de subsistance.

La sécurité alimentaire est en jeu

« La sécurité alimentaire au Yémen est en phases de crise et d'urgence à cause de la détérioration des conditions économiques », a indiqué à Al-Mashareq l'économiste Abdoul Jalil Hassan.

La baisse des dépenses publiques, notamment pour les salaires des fonctionnaires et la crise du manque de liquidités qui en a résulté, associées à la dépréciation du riyal yéménite ont impacté de manière négative la capacité des citoyens à acheter de la nourriture à leurs familles, a-t-il expliqué.

« Il faut que la communauté internationale s'unisse pour négocier la paix et mettre fin à la guerre », a-t-il poursuivi.

Les organisations internationales d'aide travaillent pour soulager les souffrances des Yéménites, mais la sécurité alimentaire reste menacée, a déclaré Mohammed al-Masuri, ministre adjoint de la Planification et de la Coopération internationale.

« Peu importe l'importance du soutien apportée aux organisations d'aide internationales par les donateurs, ils ne peuvent pas [à eux seuls] assurer la sécurité alimentaire des Yéménites », a-t-il affirmé à Al-Mashareq.

Le ministère fait de son mieux pour communiquer avec les organisations internationales d'aide et leur offrir un appui logistique malgré les difficultés, a-t-il fait savoir.

Il travaille aussi à fournir des bases de données à jour sur la sécurité alimentaire, basées sur des pratiques internationales standards afin de mobiliser le soutien, a-t-il ajouté.

Dégradation des conditions de santé

Le risque de famine menace jusqu'à 80 % de la population, a déclaré à Al-Mashareq le porte-parole du ministère de la Santé, Abdoul Hakim al-Kahlani.

La malnutrition rend la population plus vulnérable aux épidémies comme le choléra, la dengue et le paludisme, a-t-il prévenu, appelant les organisations internationales à soutenir le secteur de la santé au Yémen.

De nombreux centres médicaux ont mis fin à leur activité au cours des deux dernières années à cause des coupures de courant répétées, du manque de produits pétroliers, ou parce que les générateurs électriques ne sont pas entretenus, a-t-il rapporté.

« Quatre cent douze établissements de santé ont été partiellement ou complètement détruits, ce qui compromet la fourniture de services de santé et impacte encore plus la situation humanitaire », a-t-il expliqué.

Al-Kahlani a souligné que les institutions sanitaires devaient être impartiales en ce qui concerne le conflit et la guerre.

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1 COMMENTAIRE (S)

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Si ce sont les conditions des Yéménites eux-mêmes, comment est alors la souffrance des réfugiés au Yémen!

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