Les forces libanaises travaillent pour contenir une récente flambée de violence dans le camp de réfugiés palestiniens d'Aïn al-Hilweh près de Sidon, qui a vu s'affronter le Fatah et des factions extrémistes antigouvernementales, ont indiqué des responsables à Al-Mashareq.
Les affrontements ont commencé comme des escarmouches mineures le 23 février et sont devenus de violentes confrontations, qui se sont poursuivies jusqu'à ce qu'un cessez-le-feu soit conclu le 28 février. Ces incidents ont fait un mort et huit blessés parmi les civils et en ont déplacé des dizaines.
Les combats se sont déroulés entre le Fatah, qui contrôle les décisions prises dans le camp, et des factions extrémistes agissant sous les auspices du groupe extrémiste antigouvernemental Osbat al-Ansar.
Bien que l'Accord du Caire de 1969, qui stipulait que l'armée libanaise n'entrerait pas dans les camps palestiniens, ne soit plus en vigueur, l'armée n'exerce en général aucun contrôle dans les camps.
Ces camps sont contrôlés par des factions palestiniennes, et bien que l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) assure des services dans les camps, il ne les administre pas et n'y fait pas la police.
Dans une déclaration du 28 février , l'UNRWA a fermement condamné ces violences.
La violence armée récurrente continue d'impacter la population civile du camp, y compris les enfants, indique cette déclaration, annonçant que tous les services de l'UNRWA avaient été suspendus les 27 et 28 février.
Le 24 février, deux bâtiments de l'UNRWA pour les services de santé et d'aide ont aussi été fermés à cause des violences.
Examen de sécurité de haut niveau
Le Premier ministre libanais Saad Hariri a convoqué le 28 février une réunion des responsables des ministères de l'Intérieur et de la Défense et des chefs de l'agence de sécurité pour examiner la situation à Aïn al-Hilweh.
« Les agences de sécurité jouent leur rôle pour prendre des mesures de précaution, lancer des appels et contenir la situation dans le camp », a déclaré le ministre de l'Intérieur Nohad Machnouk, qualifiant les efforts entrepris jusqu'ici de « réussis ».
Le 28 février, le général de brigade Abbas Ibrahim, directeur de la Sûreté générale libanaise, a rencontré Azzam al-Ahmad, membre du comité central du mouvement Fatah et l'ambassadeur palestinien Ashraf Dabbour pour parler de la situation de sécurité.
Dans une déclaration publiée par la National News Agency (NNA), ils ont tous deux exprimé leur désir « de garantir la sécurité et la stabilité » et d'améliorer la coopération avec l'État libanais « à tous les niveaux politiques et de sécurité ».
Ils se sont également engagés « à annuler la couverture politique de ceux qui perturbent la sécurité ».
Avec le général de brigade Khodr Hammoud, chef de la branche de renseignements de l'armée dans le sud, ils ont discuté d'un mécanisme pour la création d'une force de sécurité et pour la remise des individus recherchés dans le camp.
Individus dangereux en liberté
Osbat al-Ansar a remis Mohammed al-Siddiq, résident du camp et leader palestinien recherché par les autorités, a fait savoir la NNA le 27 février, tandis qu'un autre Palestinien recherché s'est rendu le 2 mars.
Des sources palestiniennes ont informé l'Agence d'information centrale Al-Markaziya le 3 mars que le fugitif recherché Shadi al-Mawlawi se déplaçait dans le camp portant une ceinture d'explosifs.
Al-Mawlawi, qui est recherché par les autorités pour ses liens présumés avec des extrémistes et son rôle dans les attentats à la bombe de 2013 à Tripoli, aurait indiqué aux responsables du camp qu'il refusait de se rendre à l'armée.
Des sources palestiniennes ont également fait savoir à l'agence que Fadl Shaker, qui est sous la protection du groupe Abou Quatada, refuse de se rendre. L'armée demande qu'il soit traduit en justice, avec l'imam radical Ahmed al-Assir – aujourd'hui sous les verrous – pour leur implication dans les affrontements à Abra en 2013.
Al-Mawlawi et l'extrémiste recherché Bilal Badr « ont été vus priant ensemble à la mosquée al-Safsaf dans le camp », a rapporté Al-Markaziya.
Mettre fin au chaos
Des fugitifs libanais et palestiniens recherchés pour des accusations criminelles et terroristes se cachent dans le camp, a indiqué le général de brigade Nizar Abdel Kader, expert en stratégie et sécurité et ancien officier de l'armée libanaise.
« La situation pourrait devenir incontrôlable à tout moment à cause de l'état de non-droit que provoquent les combats entre ces groupes », a-t-il affirmé à Al-Mashareq.
Depuis mi-2013, a-t-il expliqué, certains éléments extrémistes ont utilisé le camp comme refuge et comme base pour mener des actes terroristes, dont l'attentat à la bombe contre l'ambassade iranienne en novembre 2013.
Des plans de secours ont été conçus pour empêcher qu'un scénario comme celui de la flambée de violence de 2007 entre les forces libanaises et les factions extrémistes au camp de Nahr al-Barad à Tripoli ne se répète à Aïn al-Hilweh, a fait savoir Abdel-Kader.
Celui-ci a souligné le besoin de mettre fin « au chaos dans le camp grâce à la mise en place de mesures claires et d'une bonne compréhension entre l'État et les responsables du camp ».
Les mesures de sécurité actuellement en place dans le camp sont bonnes, a-t-il poursuivi, mais elles doivent être renforcées, car elles « ne sont pas suffisantes pour mettre fin au non-droit et aux assassinats dans le camp » ou pour empêcher l'entrée de terroristes.
Plans sécuritaires de secours
Aïn al-Hilweh accueille 80 000 réfugiés palestiniens et 20 000 Palestiniens déplacés de Syrie, a indiqué à Al-Mashareq le général de brigade et ancien commandant du régiment parachutiste de l'armée, George Nader.
« De temps en temps, le camp connaît une profusion de groupes armés comme Osbat al-Ansar, les Brigades Abdoullah Azzam, l'Organisation de la jeunesse musulmane, 'l'État islamique en Irak et au Levant' (EIIL) et le FAN », a-t-il confié.
Il a aussi servi de refuge à des fugitifs comme al-Mawlawi, a-t-il ajouté.
Chacun de ces groupes recrute ses membres chez les pauvres et les démunis.
La 1re brigade de l'armée et la branche des renseignements ont « imposé des mesures strictes autour du camp et à ses entrées », a fait savoir Nader, et les agences de sécurité ont conçu des plans de secours antiterroristes.
Si les fugitifs recherchés acceptaient de se rendre aux autorités, « cela serait positif pour le camp, ses résidents et le Liban », a-t-il affirmé.
Mais le danger demeurera si les terroristes et les fugitifs recherchés par la justice, dont certains sont ouvertement fidèles à l'EIIL et à al-Qaïda continuent à chercher refuge dans le camp, a-t-il poursuivi.
Lutte pour la domination
Le récent conflit à Aïn al-Hilweh « est pour la domination du camp », a affirmé Hassan Qutb, directeur du Centre libanais pour la recherche et le conseil.
Les factions rivales sont le Fatah, Osbat al-Ansar, le Mouvement du Jihad islamique et de petits groupes affiliés loyaux aux régimes syriens et iraniens et possédant des liens forts avec le Hezbollah, parmi lesquels al-Jihad al-Islami et Ansar Allah, a-t-il détaillé à Al-Mashareq.
La raison donnée pour ces affrontements est « l'assassinat il y a deux mois de deux éléments, dont un était étroitement associé à Osbat al-Ansar », a-t-il indiqué.
La raison officieuse « est le désir de chaque faction de mettre le camp et ses ressources militaires et humanitaires sous son contrôle, sa gestion et son autorité et de mettre le Fatah sur la touche, qui contrôle actuellement tos les mécanismes décisionnaires », a-t-il expliqué.
« Toutes les forces utilisent leurs liens internes et externes pour maintenir la tension dans le camp, ce qui nécessite la présence d'une autorité politique et sécuritaire unique dans le camp pour contrôler la situation et coordonner les relations avec les agences de sécurité libanaises », a-t-il déclaré.