L'établissement d'une armée électronique du Golfe aiderait à endiguer la diffusion des groupes terroristes, lesquels utilisent l'internet et les réseaux sociaux dans leur recrutement, leurs communications et leurs opérations de financement, ont expliqué des experts à Al-Mashareq.
Bien que la création d'une armée électronique exige une préparation et des ressources considérables, elle faciliterait l'arrestation de terroristes ou de ceux qui propagent l'idéologie extrémiste ou sympathisent avec elle, ont-ils indiqué.
Le Conseil de coopération du Golfe (CCG) a récemment approuvé une étude scientifique présentée par l'expert saoudien en informatique légale Abdoulrazaq al-Morjan intitulée « Observatoire du Golfe et armée électronique [...] Un outil pour combattre les activités de cyberterrorisme».
L'étude d'al-Morjan, présentée lors d'une conférence sur l'antiterrorisme organisée au Koweït du 15 au 17 janvier, a abordé le besoin de répondre aux défis régionaux en surveillant activement les activités extrémistes en ligne grâce à la création d'unités d'armée électronique du CCG.
Ces unités surveilleraient les comptes en ligne de groupes terroristes et extrémistes, ainsi que l'extrémisme dans les Etats du Golfe, traqueraient les opérations de recrutement en ligne «et travailleraient pour démanteler les groupes terroristes», a-t-il déclaré.
Les unités publieraient des rapports mensuels sur les activités extrémistes des Etats du Golfe, a-t-il expliqué, et aideraient à concevoir des programmes de formation basés sur ces constatations.
Idée innovante
« Le concept d'une armée électronique du Golfe pour combattre le terrorisme est moderne et important », a déclaré Salman Dahi, professeur à l'université du Roi-Saoud spécialisé dans l'évolution du réseautage social.
Il devrait être mis en place « d'une façon bien réfléchie reflétant la réalité », a-t-il indiqué à Al-Mashareq.
Les groupes terroristes dépendent désormais d'internet pour leurs opérations de recrutement, les communications internes, la planification d'attaques et comme moyen d'obtenir des ressources financières et des dons, a-t-il ajouté.
Cela est particulièrement le cas ces temps-ci, lorsque les activités terroristes « dépendent fortement d'attaques individuelles menées par des loups solitaires dans des réseaux éclatés », a-t-il poursuivi.
Les communications en ligne sont un lien essentiel entre ces individus et déterminent le succès ou l'échec de leurs opérations, a-t-il indiqué, notant « qu'ainsi, la lutte contre le terrorisme doit se faire avec les mêmes outils ».
La plupart des Etats membres du CCG disposent d'équipes électroniques affiliées à des institutions de sécurité et dont la tâche est de surveiller et de traquer les terroristes, de soumettre des rapports sur ces activités et de coordonner avec les organismes de sécurité internes et externes.
La question de la coordination entre les pays est un élément clef « compte tenu du fait que le terrorisme est devenu une [menace] transfrontalière qui n'est pas liée à un Etat unique », a-t-il déclaré.
« Ainsi, la création d'une armée électronique unifiée consoliderait les efforts de sécurité électronique et ferait gagner du temps et des efforts nécessaires pour garantir la réussite des opérations de surveillance et d'arrestations », a affirmé Dahi.
Ce n'est pas une proposition facile, car un tel système demande une préparation méticuleuse et le développement d'une formule juridique qui facilite l'intervention sur le terrain lorsqu'une menace terroriste est détectée, a-t-il ajouté.
La guerre numérique est un long processus
La création d'une armée électronique dont la mission est de lutter contre le terrorisme est une question à la fois sensible et complexe, a fait savoir Fadel al-Hindi, superviseur au Centre pour la recherche sociale et en sciences humaines de l'université du roi Abdoulaziz.
Surveiller des terroristes ou des recrues doit également comprendre la surveillance des groupes qui font l'apologie du terrorisme sur les forums en ligne et les réseaux sociaux, a-t-il expliqué.
« Surveiller les partisans de l'idéologie terroriste et les recruteurs est une priorité dans la guerre contre le terrorisme », a-t-il poursuivi. « Par conséquent, l'armée électronique doit mener une contre-propagande en surveillant les comptes des terroristes et en leur répondant avec des preuves et de la logique pour dévoiler [leurs] mensonges et leur falsification des faits. »
Cela nécessite que l'armée électronique contienne « un groupe de prêcheurs de confiance ayant la capacité de répondre rapidement pour contrer les idées que les groupes terroristes essaient de disséminer en ligne », a-t-il déclaré.
De nombreux pays mènent une surveillance électronique à une large échelle, a indiqué Mahmoud Shaheen, professeur de communications à l'université de Helwan et conseiller technique d'une entreprise de télécommunications égyptienne.
Beaucoup de ces efforts sont bien fondés, a-t-il rapporté à Al-Mashareq, ajoutant que de nombreuses arrestations avaient eu lieu grâce à cette surveillance électronique.
Les armées électroniques surveillent les activités en ligne, y compris des communications avec des terroristes, de l'apologie de l'idéologie extrémiste et la consultation de sites internet tenus par des groupes terroristes, ou des forums dédiés à la fabrication d'armes ou d'explosifs, a-t-il détaillé.
La guerre numérique n'est pas facile, a déclaré Shaheen, car les terroristes du monde entier ne communiquent pas toujours grâce « au réseau conventionnel connu de tous, mais plutôt grâce au Web profond ou au Web sombre ».
Ils utilisent des sites qui sont cachés au public et requièrent des compétences ou des instructions spéciales pour y accéder, a-t-il ajouté.
La guerre informatique nécessitera des communications et une coopération rapprochées avec d'autres armées électroniques dans le monde pour parvenir aux résultats escomptés, a-t-il prévenu.
Il faudra aussi une coopération rapprochée avec les entreprises de réseaux sociaux et les hébergeurs de sites pour suspendre les comptes dont il a été prouvé qu'ils propagent une idéologie extrémiste ou font la promotion de la violence, a-t-il précisé.
« Ce n'est pas une tâche aisée parce qu'elle nécessite l'examen méticuleux de ces comptes afin de les signaler rapidement, surtout comme des milliers de comptes apparaissent et disparaissent chaque jour à cause de ces poursuites », a déclaré Shaheen.