Originaire de Kobani, Jihad Mahmoud a été détenue par « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) pendant 257 jours avant d'être relâché lors d'un échange de prisonniers avec les forces kurdes de protection du peuple (YPG et YPJ).
Mahmoud, âgé de 32 ans, a déclaré avoir constamment vécu dans la peur d'être tué au cours de sa détention, ajoutant que la nouvelle de l'échange lui avait donné l'espoir de revoir sa femme et sa jeune fille.
Après sa libération, il s'est installé dans la ville de Malataya en Turquie.
Dans une interview avec Al-Shorfa, il a décrit les circonstances brutales de son incarcération.
Al-Shorfa : Décrivez votre arrestation.
Mahmoud : Le 19 février 2014, alors que je me rendais au travail dans la région kurde d'Irak, j'ai été stoppé avec un grand groupe de voyageurs à un point de contrôle tenu par l'EIIL dans la province d'al-Hasakeh, dans al zone du silo d'Aliya , près de la ville de Ras al-Ain.
J'ai plus tard découvert que 155 personnes étaient retenues sur ce point de contrôle, dont trois femmes. L'EIIL a ensuite relâché les femmes avec leurs maris et un chauffeur. À ce moment, tous les prisonniers étaient kurdes, sauf un, qui était arabe.
Les éléments de l'EIIL ont également saisi treize véhicules, ainsi que tout notre argent, pour un total de 80 000 dollars.
Plus tard dans la soirée, suite à notre détention, nous avons été amenés dans une prison à Tal Abyad, dans la province d'al-Raqa.
Deux jours plus tard, le prisonnier arabe a été relâché, et nous avons été déplacés, attachés et les yeux bandés, vers un endroit inconnu. Nous avons plus tard réalisé que c'était la centrale électrique d'al-Thawra, dans la même province.
Al-Shorfa : Décrivez les interrogatoires que vous avez subis.
Mahmoud : Ceux-ci peuvent être décrits au minimum comme très brutaux, et ils étaient menés par des monstres qui n'ont rien d'humain.
Les premières sessions ont eu lieu après notre déplacement vers al-Thawra, où toutes les formes de torture, de coups et d'humiliations ont été utilisées contre nous.
Les éléments de l'EIIL ont tué deux hommes devant nous pour nous intimider. Les interrogatoires et l'intimidation se sont poursuivis pendant six jours consécutifs. Les questions variaient, certaines portant sur les positions des forces militaires kurdes.
Lors de ces interrogatoires, notre connaissance de l'islam a été testée. Nous avons ensuite été divisés en deux groupes. Le premier groupe comprenait ceux qui priaient, soit 63 personnes. J'étais dans celui-ci. Ils nous ont dit que nous serions relâchés, mais ils nous ont dit plus tard que nous étions sur une liste d'échange.
L'autre groupe incluait ceux qui ne priaient pas, soit 82 personnes. Ils ont été amenés dans la province d'al-Raqa pour être inspectés par l'émir chargé des affaires de la charia. Nous sommes restés au même endroit pendant un mois.
Al-Shorfa : Avez-vous été torturé ?
Mahmoud : Bien sûr. J'ai été battu pendant toute ma détention.
Le passage à tabac le plus violent a eu lieu dans la ville de Tal Abyad, deux jours après ma capture. La deuxième fois était pendant la période de six jours à al-Thawra. Des éléments de l'EIIL nous battaient, soit individuellement dans la salle d'interrogatoire, soit collectivement dans la pièce où nous dormions.
Ils étaient créatifs dans leurs méthodes de torture. Ils utilisaient par exemple des câbles électriques, des chaînes métalliques, des tuyaux en plastique et des bâtons en bois.
Mon corps a été maltraité, et les signes de torture étaient encore clairement visibles après la libération.
Al-Shorfa : Qui supervisait les interrogatoires et la torture ?
Mahmoud : Lors des interrogatoires , les interlocuteurs étaient arabes, mais ils changeaient constamment. Ils étaient de différentes nationalités, et ils avaient avec eux des étrangers qui parlaient à voix basse pour leur donner des questions, attendant la traduction des réponses. Pendant la torture, ceux aux nationalités variées participaient aux châtiments corporels.
Al-Shorfa : Comment étaient vos conditions sur le lieu de détention ?
Mahmoud : Nous étions 63 dans une pièce de sept mètres sur huit. Il n'y avait que quelques couvertures. La pièce était très encombrée et nous n'avions qu'une salle de bains. Nous n'avons jamais vu la lumière du jour, et la pièce manquait d'air.
Quant à la nourriture, il y avait un repas par jour, ce qui n'était pas du tout suffisant. Nous avons essayé de partager la nourriture entre nous pour qu'il y en ait pour tous. Il était évident que les membres de l'EIIL avaient peur d'entrer dans la pièce. L'un d'eux restait à la porte et un autre apportait la nourriture, la plaçait près de la porte, puis ils repartaient rapidement.
Il y avait beaucoup de vieux et de malades parmi nous, mais les éléments de l'EIIL refusaient de les soigner ou de leur donner les médicaments dont ils avaient besoin.
Al-Shorfa : Comment vous et les autres prisonniers vous en sortiez psychologiquement ?
Mahmoud : Lors des premiers jours de l'incarcération, je pensais que la mort était inévitable, à cause de ce que nous avions entendu sur les crimes et les exécutions de l'EIIL.
Mais, au fur et à mesure, nous avons été séparés et on nous a dit que nous pourrions être échangés contre des membres de l'EIIL arrêtés par les forces kurdes.
Penser à l'échange était le seul espoir qui nous a permis, moi et les autres, d'attendre le jour promis.
Cette période a été très difficile car l'échange a échoué plus d'une fois. Nous étions submergés par la déception, et nous avons pensé pendant un moment que nous resterions prisonniers ou que nous serions exécutés.
Al-Shorfa : Comment avez-vous été relâché ?
Mahmoud : Le 22 mars 2014, nous avons été amenés à al-Mansoura dans la province d'al-Raqa. Nous y sommes restés jusqu'au 17 juin, puis nous avons été déplacés vers la ville de Manbij. On nous a dit que l'échange aurait lieu le 20 juin.
Nous avons été rassemblés avec d'autres détenus, un total de 300 prisonniers venant des prisons de Manbij et d'al-Bab. Le jour venu, nous avons attendu pendant de longues et difficiles heures, mais nous sommes malheureusement revenus au centre de détention de Manbij.
Le 11 juillet, une autre tentative d'échange a eu lieu. À cet instant, nous étions environ 450, dont quelque 250 étudiants. Nous avons attendu jusqu'au coucher du soleil, mais nous sommes à nouveau revenus dans nos sombres prisons sans espoir.
Nous avons attendu jusqu'au 1er novembre, et nous avons de la même façon été amenés à al-Raqa. Deux jours plus tard, le 3 novembre, nous avons été relâchés.
Quant aux détenus restants, les 82 qui ne priaient pas, ils sont toujours portés disparus. Les dernières nouvelles que nous avons entendu les concernant venaient d'une personne relâchée de prison à al-Raqa il y a trois mois.
Il nous a confirmé qu'ils étaient toujours prisonniers.
Je vous souhaite du succès!
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