Yulia Oshana, une Assyrienne chrétienne de la région de la rivière Khabour, dans le nord-est de la Syrie, est arrivée au Liban à la mi-mars 2015, fuyant l'incursion de « l'État islamique » (Daech).
Elle était épuisée, a-t-elle raconté à Al-Mashareq, et le choc et le traumatisme de son aventure ont changé sa vie et son comportement envers les membres de sa famille et les gens autour d'elle.
Oshana, âgée de 48 ans, qui était une femme calme et compréhensive avant son calvaire, est devenue extrêmement nerveuse et pétrifiée par la peur.
Une inquiétude excessive pour la sécurité de ses enfants l'a amenée à les surprotéger, a-t-elle relaté, leur interdisant de quitter leur nouvelle maison du district d'al-Fanar à Beyrouth, ce qui a causé des désaccords permanents au sein de la famille.
Oshana a déclaré à Al-Mashareq qu'elle attribue son comportement à son « inquiétude extrême pour eux après l'horreur véritable lorsque Daech nous a encerclés et que l'on parlait de la possibilité qu'ils nous tuent tous ».
« Nous avons été déplacés de force de nos maisons, et nous avons été traumatisés, comme beaucoup d'autres familles de notre village et d'autres dans la région de la rivière Khabour », a-t-elle rapporté.
« La peur m'a hantée »
« La peur m'a hantée pendant longtemps, même après notre arrivée au Liban, à tel point que je ne savais pas comment m'occuper de mes enfants ou des problèmes quotidiens que je rencontrais », a indiqué Oshana.
Aujourd'hui, sa vie est devenue meilleure, a-t-elle ajouté.
« Je suis libérée de ma peur et j'ai retrouvé mon calme. Je suis capable de gérer mes problèmes quotidiens et, ce qui est encore plus important, je sais ce qui dérange mes enfants et ce dont ils ont besoin », a-t-elle expliqué.
Oshana a attribué son amélioration à sa participation à une session d'aide psychologique organisée par le Comité de soutien de l'Église assyrienne au Liban, en coopération avec l'Institute for Development, Research, Advocacy and Applied Care (IDRAAC), une organisation à but non lucratif dédiée à la santé mentale.
« Cette session m'a aidé à reprendre confiance en moi et à dissiper la peur que j'avais », a-t-elle déclaré.
Oshana fait partie des nombreux Assyriens qui ont été déplacés de leurs villes et leurs villages en Syrie et en Irak par Daech.
Le groupe a envahi des villages assyriens, tuant et capturant plusieurs habitants tandis que d'autres ont réussi à s'échapper.
Ceux-ci sont parvenus à s'enfuir vers le Liban, mais ils n'ont pas pu se débarrasser de la peur née en eux.
Aide psychologique et sociale
Pour aider ce segment de la population réfugiée, l'IDRAAC a lancé un projet pour leur fournir une assistance médicale et psychologique, en collaboration avec l'Église assyrienne de l'Est au Liban, et avec un financement de l'ambassade française.
Ce projet de deux ans, qui s'est terminé fin octobre, a aussi apporté une aide psychologique et sociale à des enfants, des adolescents et des adultes assyriens qui avaient été soumis à la violence de groupes terroristes en Irak et en Syrie.
« Notre travail dans ce projet a pris fin car le financement a été interrompu », a expliqué le président de l'IDRAAC Elie Karam à Al-Mashareq.
« Nous avons œuvré pendant deux ans pour bâtir les capacités de bénévoles et d'enseignants assyriens, et nous avons organisé des sessions de formation pour identifier les problèmes de santé mentale chez toutes les tranches d'âge », a-t-il précisé.
Des bénévoles ont été formés à enseigner aux mères des stratégies pour élever leurs enfants afin d'éviter l'apparition de violences verbales ou physiques, et des enseignants ont été formés pour leur apprendre des techniques visant à les aider à surmonter le stress psychologique.
L'IDRAAC a cherché à aider les réfugiés syriens à faire face à la « peur et l'insécurité qu'ils ressentaient à leur arrivée au Liban à cause du déplacement forcé et des violences qu'ils ont subies aux mains de Daech », a ajouté Karam.
Briser le cercle de la peur
L'IDRAAC a également aidé des Assyriens à gérer la frustration qu'ils ressentent au Liban « à cause de l'absence d'un avenir qui leur assure un retour chez eux », a déclaré Karam.
« Leur peur et leurs frustrations ont affecté leur état d'esprit et la façon dont ils se comportent dans leurs vies de tous les jours », a-t-il fait remarquer. « Nos études ont montré que 70 % d'entre eux ressentent une grande frustration, ce qui a nécessité notre intervention pour apporter des soins de santé mentale. »
Plusieurs programmes et ateliers d'aide psychologique ont cherché à libérer les enfants, les adultes et les personnes âgées de leur peur et à renforcer leur résistance.
D'autres programmes ont appris aux enseignants à développer les compétences des enfants, a poursuivi Karam.
Il a expliqué que ce projet avait pour but de développer les compétences des bénévoles du Comité de soutien de l'Église assyrienne, ainsi que celles des enseignants, pour leur permettre d'apporter les soins psychologiques et sanitaires nécessaires à des communautés épuisées par le terrorisme.
Mais en dépit de ces actions, a-t-il poursuivi, les initiatives « n'ont pas complètement réussi à briser le cercle de la peur autour de ceux qui étaient exposés à la violence et qui ont connu des moments d'horreur aux mains des groupes terroristes ».
« Ils ont besoin d'un soutien considérable pour se libérer des moments de peur qui les hantent », a-t-il ajouté.
Réduire l'anxiété et la dépression
Le Comité de soutien assyrien continue de mener des programmes d'aide psychologique pour les Assyriens qui ont été soumis à la violence de groupes terroristes en Irak et en Syrie, a rapporté le président du comité Jack Jendo à Al-Mashareq.
« Bien que deux années se soient écoulées depuis leur arrivée au Liban, certains d'entre eux ont encore besoin de soins de santé, que ce soient les enfants ou les personnes âgées », a-t-il fait savoir.
« Nous continuons aujourd'hui ce que nous avons commencé avec l'organisation IDRAAC, qui a assuré pour nous la continuité de l'aide psychologique et de santé à la clinique de l'Hôpital St George d'Achrafieh », a-t-il indiqué.
Le comité continue son travail auprès des mères et des familles grâce à des campagnes de sensibilisation, pour les aider à surmonter le traumatisme de leur expérience, a-t-il déclaré.
Il travaille également à plusieurs projets en liaison avec l'UNICEF, World Vision et une organisation allemande « pour créer une atmosphère appropriée pour les enfants qui ont connu les conséquences des guerres et des attentats terroristes », a-t-il poursuivi.
Le comité et ses organisations partenaires, avec l'aide de bénévoles, ont organisé de nombreuses activités pour les enfants, afin de les aider à faire face aux séquelles de la violence et répondre aux dégâts psychologiques, a-t-il expliqué.
« L'on peut dire que les programmes que nous menons pour traiter les séquelles des pratiques violentes de Daech ont réduit le niveau d'anxiété, de frustration et de dépression chez les réfugiés assyriens au Liban », a-t-il affirmé.
« Mais nous devrons faire bien plus pour éliminer complètement ces émotions négatives. »
Que tous ceux qui ont des choses installées dans leur pays y retournent; nous ne pouvons plus supporter.
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