La Russie a bâclé son intervention dans le conflit syrien en accordant par inadvertance plus de liberté de mouvement aux extrémistes d'Idlib et en ne parvenant pas à protéger les civils dans la dernière enclave échappant au contrôle du régime, ont expliqué plusieurs militants et observateurs syriens à Diyaruna.
En septembre, la Russie et la Turquie avaient négocié une trêve dont le but était de protéger la région d'Idlib contre une importante offensive du régime syrien.
Mais cet accord s'est délité, et Tahrir al-Sham a pris le contrôle total de la région en janvier, les populations souffrant de l'oppression et de l'État de non-droit dans la région et du renforcement des bombardements depuis l'extérieur.
Depuis que cet accord est entré en vigueur, Idlib a vu Tahrir al-Sham s'étendre « au détriment d'autres groupes de l'opposition armée présents dans la région », a expliqué à Diyaruna le journaliste syrien Mohammed al-Abdoullah.
Cet accord a donné plus d'influence à l'alliance extrémiste, a-t-il poursuivi, et lui a permis de prendre le contrôle des ressources économiques, de lever des impôts et de contrôler les échanges de produits essentiels comme les produits alimentaires et pétroliers.
En conséquence, a-t-il ajouté, Tahrir al-Sham est « devenu plus puissant qu'il ne l'était avant la mise en œuvre de la trêve, après qu'il eut bénéficié d'un lieu sûr qui lui permet de consolider sa présence militaire et politique ».
La région d'Idlib est également devenue un refuge pour d'autres groupes extrémistes affiliés à al-Qaïda et à « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS), a précisé al-Abdoullah.
« Cette trêve a été un échec »
« Une rapide comparaison entre la région dans laquelle les Russes sont intervenus et la zone d'intervention de la coalition montre une énorme différence dans la réalité sur le terrain », a-t-il poursuivi.
La coalition internationale a soutenu les Forces démocratiques syriennes (FDS) dans leur lutte contre l'EIIS et a permis le rétablissement des services dans les régions libérées du groupe, a-t-il ajouté.
Ces régions sont aujourd'hui administrées par des conseils locaux qui assurent les services, fournissent l'aide et gèrent les travaux de reconstruction, a-t-il continué, tandis qu'Idlib est devenu un terreau pour les extrémistes et que ses habitants souffrent du manque de services essentiels.
« Les civils de la région d'Idlib estiment que cette trêve a été un échec depuis le premier jour, car la plupart des zones sont encore bombardées quotidiennement », a expliqué Haisam al-Idlibi, un militant d'Idlib, à Diyaruna.
La majorité de ces bombardements ont visé des quartiers résidentiels et non les positions tenues par Tahrir al-Sham, a-t-il poursuivi, dans l'intention de contraindre les civils à migrer vers l'intérieur de la province afin de vider totalement la zone.
Ce cessez-le-feu « était censé apporter une assistance humanitaire aux civils ou d'importantes fournitures de biens de base, mais le contraire s'est produit et cette aide n'est jamais entrée dans la région d'Idlib », a ajouté al-Idlibi.
La plupart des gens vivent en dessous du seuil de pauvreté sans moyen de subsistance ni travail, et les prix ont fortement augmenté en raison de la pénurie aiguë de nombreux produits de base, a-t-il précisé.
L'État syrien « sur le point de s'effondrer »
Les médias russes continuent de présenter l'intervention de leur pays en Syrie comme une initiative « qui vise à aider les Syriens et à vaincre le terrorisme », a expliqué l'avocat syrien Bashir al-Bassam à Diyaruna.
« Mais la réalité sur le terrain montre clairement autre chose », a-t-il poursuivi, soulignant que le seul succès des Russes a été de maintenir Bashar al-Assad au pouvoir.
Par ailleurs, l'État syrien est sur le point de s'effondrer, a-t-il ajouté, et la Russie « n'est pas du tout intervenue pour aider l'économie de la Syrie ».
Les régions contrôlées par le régime sont en grande partie aux mains du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) et de ses milices affiliées, ou aux mains de l'armée syrienne appuyée par la Russie et les milices appuyées par celle-ci, a précisé al-Bassam.
« Ces milices suivent directement les ordres du commandement russe, non du commandement syrien, qui réfute les allégations russes selon lesquelles il supporte l'État syrien et son armée », a-t-il poursuivi.
Pour l'heure, la principale préoccupation de la Russie est de sécuriser les installations pétrolières sur lesquelles elle a mis la main, en plus d'un certain nombre de mines dans la région syrienne de Badiya (désert) et de Badiyat Tadmor (désert de Palmyre), a-t-il précisé.
La Russie a conclu des contrats de long terme portant sur nombre des ressources de la Syrie, et elle cherche à y investir pour pouvoir en tirer parti pendant longtemps, a-t-il conclu.