Sécurité

Surdimensionné à l'étranger, le CGRI ne protège pas le territoire et le peuple iraniens

Ardeshir Kordestani

Un couloir du Madjles iranien après l'attentat de l'EIIS en 2017. [Photo d'ISNA]

Un couloir du Madjles iranien après l'attentat de l'EIIS en 2017. [Photo d'ISNA]

Le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) s'est très largement étendu au Moyen-Orient et au-delà, laissant la patrie elle-même vulnérable, ont expliqué des analystes à Al-Mashareq.

Depuis plus de 40 ans, les responsables du CGRI affirment que leurs interventions militaires dans la région et leurs activités sur le territoire national visent à protéger l'Iran de ses ennemis.

Le CGRI a pratiquement paralysé les forces armées iraniennes conventionnelles (l'Artesh), s'appropriant les ressources, accaparant la majeure partie du budget militaire annuel et le pouvoir de décision. Des postes importants et sensibles, non seulement dans le domaine militaire mais aussi dans les domaines politique et économique, sont confiés à des responsables du CGRI.

Toutefois, une série d'incidents survenus au sein du CGRI ces dernières années, notamment l'incapacité à protéger les frontières de l'Iran et à protéger ses programmes nucléaires et de missiles contre d'éventuels sabotages, soulèvent des questions sur la dépendance de Téhéran à l'égard du CGRI et sur ses dépenses, mettent en garde des analystes.

L'idéologie prime sur l'expertise et la technologie

« Le CGRI valorise l'idéologie plus que l'expertise », a indiqué un analyste naval iranien à la retraite qui a demandé à conserver l'anonymat.

« Cette force a été créée au début de l'ère révolutionnaire (début des années 1980), pour suppléer l'armée de métier que les révolutionnaires considéraient comme déloyale et parfois même bienveillante envers l'Occident », a-t-il rapporté à Al-Mashareq.

Désormais, elle a engagé l'Iran dans des guerres par procuration au Yémen, en Irak et en Syrie, tout en utilisant ses intermédiaires pour répandre la doctrine du Wilayat al-Faqih (Tutelle du Juriste). Elle a également organisé des activités terroristes hors de l'Iran contre des cibles occidentales et l'opposition iranienne, notamment en Allemagne.

Mais tout cela a un coût.

L'accent mis par le CGRI sur l'idéologie plutôt que sur l'expertise l'a affaibli militairement, comme en témoigne la frappe américaine qui a tué son principal commandant militaire, Qassem Soleimani, à Bagdad en janvier.

Sur le plan national, le CGRI n'a pas été capable de protéger des installations militaires, des centrales nucléaires et électriques essentielles contre des actes de sabotage présumés.

De plus, cinq activistes iraniens ont lancé le 7 juin 2017 une attaque armée contre le bâtiment du parlement iranien (Madjles) et le mausolée de Rouhollah Khomeini, fondateur de la République islamique, à Téhéran.

Ces attaques ont fait 17 morts et 43 blessés parmi les civils. Deux jours plus tard, Mohammad-Ali Jafari, alors commandant du CGRI, déclarait que l'Iran était en possession de « renseignements précis » indiquant que l'Arabie saoudite « avait commandité » ces attaques, et qu'Israël et les États-Unis les avaient soutenues. Il laissait entendre que l'Arabie saoudite avait fait appel à des membres de « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) pour les attaques.

« Je doute que les Saoudiens ordonnent une attaque directe sur le sol iranien en utilisant des affiliés de l'EIIS », a déclaré l'analyste naval iranien à la retraite. « L'EIIS est une menace pour eux, comme pour tous dans le monde musulman. »

Indépendamment des accusations du CGRI contre Riyad, le fait que les terroristes aient pu perpétrer cette attaque montre une faiblesse dans la capacité de collecte de renseignements du CGRI, car des « renseignements précis » ne sont guère utiles après coup, a-t-il déclaré.

« En représailles, le CGRI a tiré des missiles sur Deir Ezzor, mais ces frappes ont échoué », a rapporté à Al-Mashareq Shahin Mohammadi, un journaliste iranien vivant aux États-Unis.

À l'époque, la province syrienne de Deir Ezzor subissait un siège à grande échelle imposé par l'EIIS.

Attaques à l'intérieur de l'Iran

De mémoire récente, l'attentat de 2017 en Iran n'a pas été le seul de ce type.

Le 22 septembre 2018, des activistes déguisés en membres du CGRI ont attaqué un défilé militaire à Ahvaz, tuant 25 personnes, dont des civils, et en blessant au moins 60 autres, selon les médias d'État.

L'EIIS et la Résistance nationale d'Ahvaz, un mouvement antigouvernemental ethnique arabe en Iran, ont tous deux revendiqué l'attentat. Aucun des deux groupes n'a fourni de preuves pour étayer ses affirmations.

Le ministre des Affaires étrangères Javad Zarif a accusé des « terroristes payés par un régime étranger ».

Un porte-parole militaire iranien a quant à lui affirmé que ces attaquants « ont été entraînés et organisés par deux pays du Golfe » et avaient des liens avec les États-Unis et Israël.

En réponse, le CGRI avait, le 1er octobre, tiré des missiles contre un quartier général « terroriste » en Syrie qui, selon lui, abritait « 40 hauts dirigeants » de l'EIIS. Le groupe a déclaré que l'attaque avait tué tous les membres de l'EIIS.

L'agence de presse iranienne Fars avait rapporté que les missiles avaient frappé la ville frontalière syrienne d'al-Boukamal, dans la province de Deir Ezzor.

Le Pentagone avait quant à lui précisé que ces missiles n'avaient causé « aucun dommage ».

« Le CGRI manque de technologie radar guidée fiable qui permettrait de réussir de telles frappes de missiles », a expliqué l'analyste naval iranien à la retraite.

« Ils achètent du matériel d'occasion à la Chine et à la Corée du Nord ou font des copies de qualité inférieure à ce qu'ils peuvent obtenir », a-t-il indiqué, ajoutant que le CGRI a essayé de compenser ces lacunes en donnant la priorité à la quantité de missiles dont dispose l'Iran plutôt qu'à leur qualité.

Absence de mesures de protection

Même si le CGRI se targue de posséder un grand nombre de missiles pour dissuader les ennemis présumés de l'Iran, il n'a pas réussi à mettre en place des mesures appropriées pour protéger son programme de missiles.

Le 25 juin, une explosion survenue dans l'installation de missiles Khojir, l'un des plus grands et des plus complexes dépôts d'armes d'Iran, a secoué la région à l'est de Téhéran.

Les responsables du CGRI ont attribué la déflagration à une fuite de gaz non identifiée, mais cette explosion était l'une des trois grandes explosions survenues à peu près au même moment, dont celle de l'usine de production de centrifugeuses de Natanz, dans la province d'Ispahan, le 2 juillet.

Entre fin juin et mi-octobre, au moins dix autres incidents majeurs ont été signalés, dont des incendies et des explosions dans des installations pétrochimiques et des centrales électriques.

Le CGRI et les autres centres de pouvoir de la ligne dure en Iran « préfèrent dépenser des sommes importantes pour la propagation du chiisme à l'étranger plutôt que d'investir dans la modernisation et la protection des infrastructures technologiques iraniennes », a déclaré l'analyste naval.

De plus, ni le CGRI ni les autres factions extrémistes du régime ne semblent vraiment vouloir protéger le public et lui donner la priorité sur les politiques expansionnistes de Téhéran, a-t-il conclu.

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