Terrorisme

Daech se livre au trafic de Captagon pour financer ses activités

Par Waleed Abou al-Khair au Caire

Le Tramadol, un médicament opioïde, est l'une des substances dont se servent abondamment les combattants de « l'État islamique ». [Photo fournie par Mustafa Bali]

Le Tramadol, un médicament opioïde, est l'une des substances dont se servent abondamment les combattants de « l'État islamique ». [Photo fournie par Mustafa Bali]

Les éléments de « l'État islamique » (Daech) utilisent, produisent, trafiquent et font le commerce de médicaments illégaux comme le Captagon pour lutter contre la fatigue liée aux combats et augmenter les revenus du groupe, expliquent des responsables syriens à Diyaruna.

Daech aurait tenté de justifier cette activité illicite en lançant une fatwa dans laquelle il autorise l'utilisation de ce stimulant au prétexte qu'il « facilite le djihad ».

Ces pilules sont prisées des combattants parce qu'elles confèrent un sentiment d'euphorie et sont très efficaces pour maintenir leur usager alerte pendant de longs moments, selon ceux qui connaissent bien ce médicament. Elles sont également relativement simples à produire.

« Du fait de la nature prolongée du conflit en Syrie, plusieurs fléaux ont fait leur apparition dans plusieurs parties du pays, y compris une addiction à ce médicament », a expliqué Marwan al-Shihabi, commandant d'une faction de l'ALS basée à al-Bab.

La police syrienne montre de la drogue et des pilules de Captagon saisies, dans les locaux de l'Agence de lutte contre la drogue à Damas, le 4 janvier 2016. Ce médicament illicite a proliféré au milieu du chaos de la guerre en Syrie. [Louai Beshara/AFP]

La police syrienne montre de la drogue et des pilules de Captagon saisies, dans les locaux de l'Agence de lutte contre la drogue à Damas, le 4 janvier 2016. Ce médicament illicite a proliféré au milieu du chaos de la guerre en Syrie. [Louai Beshara/AFP]

Elle est particulièrement courante parmi les combattants, dont un grand nombre consomme du Captagon pour rester éveillé, et du Tramadol pour soulager la douleurs des blessures, a-t-il expliqué, ajoutant que l'euphorie induite par ces pilules donne aux combattants un sentiment de pouvoir absolu.

Les pilules de Captagon sont particulièrement prisées des combattants de Daech, a expliqué al-Shihabi, car « son usage n'est pas interdit, parce que, selon eux, il aide pour le djihad ».

Fabrication et distribution

Les émirs de Daech faisaient auparavant appel à des intermédiaires pour obtenir ces pilules, qui les faisaient entrer en contrebande en Syrie et les distribuaient aux combattants, a expliqué al-Shihabi.

« Toutefois, il semblerait que le groupe ait été en mesure de monter ses propres usines de fabrication dans le contexte d'embargo quasi total qui lui est imposé », a-t-il ajouté.

Ces pilules ne sont pas difficiles à produire, car les matières premières utilisées dans leur fabrication sont relativement faciles à obtenir, a-t-il expliqué.

Al-Shihabi a affirmé avoir appris que les pilules fabriquées par Daech venaient au départ d'Irak, et étaient appelées officieusement les pilules de « Falloujah », en référence à leur source.

« Ces pilules ont ensuite disparu du marché, et un nouveau type de pilules fabriquées en Syrie a fait son apparition sur le marché, similaire aux précédentes, à la seule différence de leur couleur jaunâtre », a-t-il précisé.

La plupart des centres de production de ces pilules sont situés à Deir Ezzor, a-t-il poursuivi, où elles sont vendues en grandes quantités et de manière quasi publique par les trafiquants et les contrebandiers qui les obtiennent de Daech.

Plusieurs dizaines de fois, alors que les Forces démocratiques syriennes (FDS) ratissaient les régions du nord de la Syrie libérées de Daech, Wael Jaber, membre des FDS, a expliqué avoir trouvé des boîtes de Captagon abandonnées sur des bases de Daech et dans les maisons de ses combattants.

« De petits sacs contenant dix à quinze pilules de Captagon ont été découverts lors de fouilles de corps de combattants de Daech abattus », a expliqué ce natif d'al-Hasakeh à Diyaruna.

De nombreux combattants blessés de Daech ne présentaient aucun signe de douleur proportionnée aux blessures souvent très sérieuses qu'ils présentaient, a-t-il dit, ajoutant qu'il avait appris des médecins que cela était dû au fait que leur corps était complètement drogué.

« Pilules du djihad »

La sécurité du camp d'al-Rukban, un camp de réfugiés non officiel situé dans la zone militaire fermée entre la Jordanie et la Syrie, a récemment arrêté un homme qui vendait des pilules de Captagon, selon Tariq al-Nuaimi, travailleur humanitaire dans ce camp.

Ce dealer a expliqué que ces pilules avaient été obtenues dans les zones contrôlées par Daech, et a révélé que « le groupe fournit ces pilules à des prix très bas à ceux qui souhaitent les vendre dans le camp » ou ailleurs, a expliqué al-Nuaimi à Diyaruna.

Il a également révélé que des trafiquants vendent ces pilules en dehors de Syrie en énormes quantités, a poursuivi al-Nuaimi.

« Ce trafic de pilules est devenu la principale activité des contrebandiers, en raison de la facilité à se les procurer auprès de gens proches du groupe ou des éléments du groupe eux-mêmes », a-t-il indiqué.

Connu comme la « pilule du djihad », le Captagon produit dans les zones contrôlées par Daech « se distingue par sa couleur jaunâtre, contrairement aux pilules venant des zones non contrôlées par le groupe, qui sont de couleur blanche », a-t-il précisé.

Les prix varient d'une région à une autre, les dealers vendant leurs pilules pour un dollar l'unité dans les camps, et jusqu'à deux dollars dans les régions plus riches.

« Le prix d'un sachet de dix pilules s'échelonne de trente à cinquante dollars, selon la quantité et la région dans laquelle il est écoulé », a ajouté al-Nuaimi.

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