Sécurité

Au Yémen, dernier combat pour Marib

AFP

Hadi Ahmed, qui a été obligé à fuir sa maison dans le dernier bastion du gouvernement du nord, soumis à une pression intense par les Houthis, avec ses enfants dans le camp de déplacés de Suweida de la province de Marib, le 16 septembre. [AFP]

Hadi Ahmed, qui a été obligé à fuir sa maison dans le dernier bastion du gouvernement du nord, soumis à une pression intense par les Houthis, avec ses enfants dans le camp de déplacés de Suweida de la province de Marib, le 16 septembre. [AFP]

Hadi Ahmed monte une tente dans la province de Marib au Yémen, après avoir fui les combats dans le dernier bastion du gouvernement dans le nord du pays, qui est soumis à une forte pression de la part des Houthis (Ansarallah) soutenus par l'Iran.

Les Houthis tiennent Sanaa, qui se trouve à seulement 120 km, depuis qu'ils ont lancé un coup d'État en septembre 2014, et ils mènent une campagne féroce pour prendre le contrôle de cette province riche en pétrole.

S'ils réussissent, ce serait un désastre pour le gouvernement et pour les centaines de milliers de personnes déplacées qui ont trouvé refuge dans des camps de fortune qui devraient à nouveau s'enfuir pour sauver leur vie.

Les combats entre les deux parties se sont intensifiés ces dernières semaines et menacent maintenant les camps, notamment celui de Suweida, au nord de la ville de Marib, où Hadi, sa femme et leurs sept enfants sont arrivés en août.

Une vue générale montre le camp de fortune de Suweida pour déplacés internes, dans la province yéménite de Marib le 16 septembre. [AFP]

Une vue générale montre le camp de fortune de Suweida pour déplacés internes, dans la province yéménite de Marib le 16 septembre. [AFP]

Ils partagent un terrain d'un kilomètre carré avec 700 autres familles et ont essayé de faire de leur tente à armature métallique une maison du mieux qu'ils peuvent, en installant un réfrigérateur qu'ils espèrent brancher à un générateur.

« Nous avons déjà fui cinq fois », a raconté Hadi, avec ses enfants assis près de leurs maigres biens pendant qu'il réparait leur dernier logement. « Nous sommes arrivés dans ce camp où il n'y a pas de produits de première nécessité pour survivre. »

Hadi a expliqué qu'ils avaient été forcés de fuir leur maison à Nihm, au nord de Sanaa, à l'approche du conflit.

« Chaque fois que nous avons fui [...] j'ai essayé de les rassurer sur le fait que nous allions nous installer quelque part », a-t-il rapporté. « Nous laissons à chaque fois beaucoup de choses derrière nous, parce que nous ne pouvons pas porter nos affaires. »

Sanctuaire passé

Jusqu'au début de l'année 2020, la ville de Marib avait été épargnée par le plus gros du conflit, en raison de son importance stratégique avec ses riches réserves de pétrole et de gaz, et de sa situation près de la frontière avec l'Arabie saoudite.

Elle était devenue un sanctuaire pour beaucoup de gens au cours des premières années de cette guerre de cinq ans, accueillant ceux qui espéraient un nouveau départ ; mais cette stabilité relative a aujourd'hui disparu et ses habitants sont dans la ligne de mire, car les deux camps se battent pour le contrôle.

Parmi ceux qui ont fui la ville se trouvent des médecins et de riches hommes d'affaires, et peu après leur arrivée les prix de l'immobilier ont augmenté.

Les affaires ont commencé à prospérer avec l'ouverture de restaurants et d'autres projets, jusqu'aux combats qui ont éclaté cette année, menaçant tout ce qui avait été créé, qui risquait de tomber entre les mains des Houthis.

Selon des sources militaires gouvernementales, les Houthis se rapprochent de la ville sur trois côtés et envoient des centaines de soldats au combat.

Maged al-Madhaji, du Centre d'études stratégiques de Sanaa, a déclaré que ce conflit « constitue le taux le plus élevé de combats au Yémen en termes de nombre de batailles ».

Ce qui se déroule en ce moment est une « guerre d'usure », a-t-il expliqué.

Comme dans d'autres régions du Yémen, où des dizaines de milliers de personnes ont été tuées et près de 3,3 millions de personnes ont été déplacées, ce sont les civils qui paient le prix le plus élevé.

Si Marib tombe, ce serait à un moment où les Nations unies ont été contraintes de réduire leurs programmes au Yémen à cause du tarissement des financements, car le coronavirus ralentit l'économie des pays donateurs.

« Si le pire se produit et qu'ils sont obligés de fuir, nous ferons tout notre possible pour les aider, mais ce sera difficile », a fait savoir Lise Grande, coordinatrice humanitaire des Nations unies pour le Yémen.

« Nous n'avons pas assez de capacités sur le terrain et nous manquons de financements. »

« Fatigués de la vie »

Le nombre de déplacés internes (DI) à Marib n'est pas vraiment connu. Il est difficile de compter les personnes qui séjournent dans les communautés d'accueil et chez des proches, et certaines personnes ont fui vers des zones désertiques hors de portée des agences humanitaires.

Avec 140 camps actuellement en activité, certaines sources évaluent le nombre de déplacés à un million, et avant les derniers troubles, les Nations unies estimaient ce nombre à environ 750 000.

« Près de 80 % des nouveaux arrivants au cours du dernier mois n'ont nulle part où aller et ont dû s'installer dans des camps de déplacés déjà extrêmement surpeuplés », a rapporté Olivia Headon, porte-parole de l'Organisation internationale pour les migrations.

« C'est une préoccupation majeure, car l'hygiène et l'éloignement physique sont essentiels dans la lutte contre la COVID-19 », a-t-elle ajouté.

Le fils de Hadi s'est marié, et les jeunes mariés vont bientôt partager leur tente avec l'enfant qu'ils attendent.

« J'accepte la situation grâce à ma foi en Dieu, mais le moral de ma femme et de mes enfants est bas. Ils sont fatigués de la vie », a-t-il déclaré.

« Si nous fuyons à nouveau, ce sera vraiment un désastre. Où irons-nous ? »

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