Alors que l’Iran est aux prises avec une crise économique aggravée par les sanctions américaines, sa capacité à aider ses intermédiaires régionaux connaît des revers importants, ont fait savoir des experts.
Dans le même temps, ont-ils noté, l’intermédiaire le plus puissant de l’Iran, le Hezbollah libanais, subit lui-même une pression nationale et internationale croissante, et les intermédiaires de Téhéran en Irak connaissent également des revers.
Cette année, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont pris des mesures punitives supplémentaires contre le Hezbollah, des mesures notées par l’Iran, dont les dirigeants ont exprimé une inquiétude croissante face à la détermination internationale de plus en plus forte contre leur pays.
Dans un récent entretien avec une agence de presse iranienne, le député iranien Ahmad Salek Kashani, qui représente Ispahan, a observé que « ces mesures prises par les pays européens sont un signe pour Téhéran et une pression pour limiter le rôle de l’Iran dans la région ».
« Quel que soit les désaccords des pays occidentaux sur l’Iran, ils sont assez unanimes pour limiter la puissance de l’Iran en Asie occidentale et au Moyen-Orient », a-t-il poursuivi.
Recul de l’influence en Irak
« L’Iran connaît des revers répétés dans toute la région et perd progressivement tous les acquis obtenus au fil des ans », a rapporté le politologue Karim Samadian à Al-Mashareq.
De la Syrie et du Liban à l’Irak, « les défaites politiques et militaires se suivent comme des dominos, et elles ne semblent pas être sans rapport », a-t-il déclaré.
« Je crois que bien que ces échecs aient commencé sous le commandement de Qassem Soleimani, [...] il ne fait aucun doute que les échecs de l’Iran ont augmenté depuis sa mort, qui a marqué une nouvelle défaite pour l’Iran », a-t-il ajouté.
L’influence politique de l’Iran en Irak a subi des revers, comme en témoigne l’approbation du gouvernement du Premier ministre Moustafa Kadhemi, a noté Samadian.
Suscitant la colère de l’Iran et de ses milices alliées en Irak, Kadhemi a remis le général Abdoul Wahab al-Saadi à la tête du Service anti-terrorisme, après qu’il a été brusquement licencié par le précédent Premier ministre Adel Abdoul Mahdi en septembre.
Al-Saadi est méprisé par la Kataeb Hezbollah et d’autres factions soutenues par l’Iran en Irak.
Échecs militaires en Irak
« Alors que les échecs politiques de l’Iran en Irak ont été scrutés par les médias, les échecs militaires de l’Iran sont moins visibles », a précisé Samadian.
Le commandant de la Force al-Qods du CGRI, Esmail Qaani, « n’a pas l’influence dont se vantait autrefois Soleimani », a-t-il déclaré, notant que lors de sa récente visite en Irak, Qaani n’a pas pu rencontrer le responsable religieux populiste Moqtada al-Sadr.
Il n’a pas non plus rencontré le principal imam chiite d’Irak, Ali al-Sistani.
En plus des problèmes de l’Iran en Irak, les milices irakiennes pro-iraniennes opérant sous les auspices des Forces de mobilisation populaire (FMP) « n’acceptent pas l’autorité de Hadi al-Amiri », a-t-il ajouté.
Al-Amiri, qui dirige l’Organisation Badr, a été nommé pour succéder au chef adjoint des FMP, Abou Mahdi al-Mouhandis, tué avec Soleimani.
Al-Mouhandis avait équilibré le pouvoir entre les milices dans le but de promouvoir l’agenda iranien en Irak, mais avec sa mort, les milices sont maintenant dans la tourmente, a-t-il indiqué.
Le régime iranien est de plus en plus freiné par la « crise financière sans précédent » à laquelle le pays est confronté, en partie à cause des sanctions américaines, qui ont rendu difficile pour l’Iran de payer « les coûts énormes de ses interventions dans la région », a-t-il déclaré.
Défaillances au Liban
Les échecs de l’Iran au Liban, où les manifestations populaires ont fait apparaître des sentiments anti-Hezbollah, sont un autre exemple de ses revers croissants.
Certains manifestants ont appelé au désarmement du Hezbollah, « provoquant une grande inquiétude en Iran, où certains médias officiels tels que l’agence de presse gouvernementale IRNA condamnent ces slogans », a déclaré Samadian.
« Parallèlement, la pression sur le Hezbollah a également augmenté dans le monde entier, signe d’opposition à l’influence de l’Iran », a-t-il ajouté.
Cela est important, car le Hezbollah est considéré comme « la meilleure réussite » de la stratégie iranienne consistant à créer des groupes intermédiaire pour exercer une influence dans la région, qu’il a cherchée à reproduire dans d’autres pays, a-t-il expliqué.
Les échecs du Hezbollah reflètent l’échec du modèle d'influence du régime iranien et mettent à mal des décennies d’expansionnisme.
« La pression exercée par la communauté internationale pour réduire l’influence de l’Iran dans la région a augmenté les pressions sur le Hezbollah », a fait savoir le militant politique Siavash Mirzadeh, qui vit à Téhéran.
Les manifestants scandent des slogans contre la milice dans presque toutes les manifestations libanaises, a-t-il dit à Al-Mashareq, ajoutant que les attaques du Hezbollah contre les manifestants ont affaibli sa position au Liban.
« Il n’y a plus d’argent »
La position du Hezbollah au Liban a été encore affaiblie par son intervention dans le conflit syrien au nom du régime, au mépris de la politique de dissociation du Liban, a déclaré Mirzadeh.
« En tant que groupe d’origine iranienne, le Hezbollah a étendu son influence au Liban pendant des années grâce aux millions de dollars dépensés par l’Iran », a indiqué Mirzadeh.
Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a admis avoir reçu de l’argent de l’Iran à plusieurs reprises, a-t-il fait savoir, « mais il semblerait qu’il n’y ait maintenant plus d’argent à dépenser ».
La milice libanaise « est au cœur de l’interventionnisme iranien dans la région », a-t-il ajouté. « Si la communauté internationale peut rendre [le Hezbollah] inefficace, cela ouvrira la voie pour contrecarrer les actions déstabilisatrices de l’Iran dans toute la région. »
Les Libanais « voient clairement que les problèmes et les intérêts nationaux du Liban ne sont pas importants pour le Hezbollah, et que ce n’est qu’un groupe obéissant à des ordres étrangers », a déclaré Mirzadeh.
« Le Hezbollah libanais est confronté à un déclin historique, et ce sera la plus grande défaite pour l’Iran », a-t-il conclu.