Économie

Les Libanais reprochent au Hezbollah d'exacerber la crise financière

Nohad Topalian à Beyrouth

Un mur construit pour tenir les manifestants loin du parlement libanais, le 17 février. [Nohad Topalian/Al-Mashareq]

Un mur construit pour tenir les manifestants loin du parlement libanais, le 17 février. [Nohad Topalian/Al-Mashareq]

Alors que le Liban est confronté à une crise économique et financière qui a vu la valeur de sa monnaie s'effondrer, beaucoup reprochent au Hezbollah de s'allier au régime iranien, de s'impliquer dans la guerre avec la Syrie et d'ignorer les problèmes nationaux.

« Le parti a porté préjudice au Liban et aux Libanais », a affirmé l'ancien commerçant Moustafa Hamad, du quartier de Tariq al-Jdideh à Beyrouth, qui campe sur la Place des Martyrs depuis le début des manifestations le 17 octobre.

« Il est vrai que les gouvernements successifs depuis 1990 ont mené de mauvaises politiques financières, mais ils n'ont pas autant nui au Liban que le Hezbollah a nui au Liban et à son peuple avec les guerres dans lesquelles il a entraîné le pays », a-t-il déclaré à Al-Mashareq.

« La participation du Hezbollah dans les guerres de la région a amené les pays arabes amis du Liban à mettre fin à leur soutien et les États-Unis à imposer des sanctions », a-t-il indiqué.

Le grand poing qui domine la Place des Martyrs de Beyrouth est devenu le symbole des manifestations qui ont éclaté au Liban le 17 octobre. [Nohad Topalian/Al-Mashareq]

Le grand poing qui domine la Place des Martyrs de Beyrouth est devenu le symbole des manifestations qui ont éclaté au Liban le 17 octobre. [Nohad Topalian/Al-Mashareq]

Des Libanais marchent près des tentes de manifestants sur la Place des Martyrs à Beyrouth le 17 février. [Nohad Topalian/Al-Mashareq]

Des Libanais marchent près des tentes de manifestants sur la Place des Martyrs à Beyrouth le 17 février. [Nohad Topalian/Al-Mashareq]

Le 9 juillet, le Trésor américain a imposé de nouvelles sanctions contre le Hezbollah, désignant pour la première fois des élus du mouvement.

Les députés libanais Amin Sherri et Mouhammad Hasan Raad ont été inscrits sur une liste noire liée au terrorisme, accusés « d'exploiter le système politique et financier du Liban » au profit du Hezbollah. Wafiq Safa, un haut responsable du Hezbollah proche du chef du parti, Hassan Nasrallah, figurait également sur la liste noire.

Ces trois responsables « mettent à profit leurs positions pour faciliter les efforts malveillants du Hezbollah et du régime iranien afin de saper la souveraineté du Liban », avait alors déclaré le secrétaire d'État américain Mike Pompeo.

Les actions du Hezbollah et sa mauvaise appréciation de leurs conséquences « se sont répercutées négativement sur le Liban, et nous les payons aujourd'hui par un effondrement financier et économique », a expliqué Hamad.

« Le Hezbollah a contribué à l'effondrement économique en faisant passer en contrebande des marchandises par des passages illégaux, privant le Trésor [libanais] de recettes douanières, sans parler de la livre, qui a perdu de sa valeur face au dollar », a-t-il poursuivi.

L'économie parallèle sape le Trésor

« Le Hezbollah a créé une économie parallèle au Liban et a profité de l'économie souterraine », a déclaré le journaliste et militant politique Hanna Saleh à Al-Mashareq.

« Il fait de la contrebande et dirige des opérations et des transactions importants, privant le Trésor d'environ un tiers de ses revenus annuels », a-t-il déclaré, notant que le Hezbollah fait passer des marchandises illégalement par le port syrien de Tartous vers le Liban sans payer de frais de douane.

Il utilise la banlieue sud de Beyrouth, un bastion du Hezbollah, comme « point de distribution des marchandises de contrebande », et utilise l'aéroport, le port et près de 140 points de passage illégaux de la frontière terrestre de la ville pour le trafic, a-t-il rapporté.

Depuis 2006, le Hezbollah contrôle une grande partie des ressources du pays, « nuit au Liban et l'a entraîné dans sa pire crise économique et financière, avec des répercussions importantes sur les services de l'État », a-t-il fait savoir.

« Le Hezbollah possède aujourd'hui une capacité militaire, un contrôle militaire et un droit de veto sur les décisions économiques au Liban », a déclaré Saleh.

Le Hezbollah porte une responsabilité majeure

La crise économique et financière au Liban montre que le Hezbollah « est très éloigné de la réalité politique libanaise », a déclaré Charles Jabbour, directeur des médias et des communications des Forces libanaises.

« Les indicateurs de l'effondrement ne sont pas apparus soudainement, et pourtant rien n'a été fait pour l'empêcher », a-t-il indiqué à Al-Mashareq.

« L'esprit politique du Hezbollah se trouve hors du Liban », a-t-il déclaré. « Il n'a pas accordé la plus grande importance à la situation économique et financière, ni insisté sur la nécessité de limiter l'attention aux questions économiques et financières. »

Malgré ses discours sur la lutte et l'arrêt de la corruption, il a déclaré que le parti « n'a pas fait preuve de sérieux » dans la poursuite de son action.

« Toutes ses prises de position sont destinées aux médias, car il n'a pris aucune mesure concrète pour remédier aux [pénuries] d'électricité, à la traversée illégale de frontières et aux problèmes de douane », a-t-il déclaré.

Le Hezbollah « porte une grande partie de la responsabilité » de la crise économique, a affirmé Jabbour, lui demandant de se retirer des conflits dans la région, qui ont eu un impact négatif sur le Liban, et de « dévoiler ses partenaires corrompus ».

Le Liban a atteint le point d'effondrement financier, a déclaré Tony Issa, un analyste politique qui travaille pour le journal al-Joumhouria.

Les circonstances actuelles exigent « que le Liban obtienne le soutien des institutions internationales, à commencer par le Fonds monétaire international (FMI) » s'il veut résoudre sa crise économique, a-t-il expliqué à Al-Mashareq.

Cela signifie « qu'il devra se conformer aux exigences de transparence et de réforme, éradiquer la contrebande et l'évasion fiscale, et mettre fin au favoritisme [partisan] dans le secteur public », a déclaré Issa.

Si le Hezbollah ne se conforme pas aux exigences internationales, a-t-il averti, « tout le pays se noiera, et personne ne pourra le supporter ».

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