Confronté à des sanctions américaines paralysantes, le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) iranien a désormais recours à des opérations de trafic de pétrole sur le marché noir dans une tentative désespérée de générer des revenus pour ses activités, ont fait savoir les économistes régionaux.
« Les sanctions imposées par les États-Unis à l'Iran et aux entreprises affiliées au CGRI ont porté leurs fruits », a déclaré Fathi al-Sayed, chercheur au Centre Al-Sharq d'études régionales et stratégiques et spécialiste des affaires iraniennes.
Les sanctions ont été « un outil essentiel pour couper les ressources financières du CGRI », a-t-il expliqué à Al-Mashareq, mais l'Iran tente continuellement de les contourner par des opérations de contrebande terrestre et maritime.
En plus de la contrebande de pétrole enfreignant les sanctions, a-t-il ajouté, « l'Iran va tenter d'accroître les tensions dans la région » par d'autres moyens.
Il n'est pas surprenant que le CGRI tente d'introduire clandestinement du pétrole en Syrie et en Irak, a-t-il indiqué, étant donné que l'Iran s'efforce d'établir son influence dans ces pays.
Le trafic se fait par voie terrestre et maritime par l'Irak, a-t-il déclaré, « car il est possible de faire passer des camions-citernes d'Iran en Irak, puis vers la Syrie afin de vendre le pétrole sur le marché noir et répondre aux besoins de carburant du régime syrien ».
Il s'agit d'une violation des sanctions, a-t-il déclaré, notant que celles-ci ne se limitent pas à la seule partie iranienne, mais aussi à la Syrie, elle-même soumise à de nombreuses sanctions, notamment celles imposées à son secteur pétrolier.
Opérations sur le marché noir
« Plusieurs superpétroliers sont soupçonnés d'avoir fait passer du pétrole brut iranien en contrebande vers certains pays pour contourner les sanctions américaines », a déclaré à Al-Mashareq Sami Gheit, chercheur au Centre Al-Sharq d'études régionales et stratégiques.
« Les soupçons portent surtout sur les pétroliers Grace 1 et Destiny, ce dernier étant commandé par le capitaine Naeem Asghar Awan, un ressortissant pakistanais, a-t-il précisé.
« La destination initiale serait normalement des ports turcs, puis les pétroliers se déplaceraient vers la côte syrienne, une fois les transpondeurs des navires éteints, pour ensuite décharger leur cargaison dans des ports syriens tels que Banias et Latakia, a expliqué Gheit.
« Les responsables iraniens et syriens ont admis ces opérations, les vantant comme une réussite, alors qu'elles pourraient être accusées de crimes internationaux », a-t-il déclaré.
Cela est dû au fait qu'elles « impliquent la contrebande sur le marché noir, ce qui est interdit par les sanctions internationales , a-t-il expliqué.
Les opérations de contrebande maritime peuvent se faire avec des superpétroliers via les eaux territoriales, a-t-il indiqué, « et ces pétroliers peuvent transférer leur cargaison vers d'autres pétroliers ou changer leur identifiant ».
« Sur terre, il est possible pour l'Iran d'assembler une grande flotte de camions-citernes circulant entre les pays de la région pour transporter ses exportations de pétrole », a-t-il déclaré.
Gheit a déclaré que la contrebande maritime et terrestre exige des méthodes sophistiquées, ainsi que des entreprises qui ne sont pas surveillées par les agences de contrôle, afin de créer des ordres de transport et de livraison de pétrole et modifier les certificats du pays d'origine.
Le CGRI en difficulté
« Il est difficile de déterminer le chiffre réel des exportations pétrolières iraniennes à l'heure actuelle, car elles se font en dehors des protocoles officiels », a déclaré à Al-Mashareq Shaher Abdoullah, professeur d'économie à l'université Ain Shams.
Cela implique de contourner les systèmes de surveillance internationaux en désactivant les transpondeurs et les dispositifs qui permettent de suivre les mouvements des navires-citernes, a-t-il indiqué.
L'Iran qualifie sa contrebande pétrolière de « vente sur le marché gris, car il le fait par l'intermédiaire de sociétés privées spécialisées dans la contrebande », a-t-il déclaré, notant qu'il baisse ses prix pour attirer les acheteurs.
Abdoullah a ajouté que l'Iran et le CGRI se trouvent « dans une véritable impasse, car les exportations de pétrole étaient une importante source de revenus en devises étrangères et l'Iran occupait le troisième rang des pays de l'OPEP pour les exportations de pétrole, avec 2,5 millions de barils par jour ».
Mais après les sanctions, les exportations de pétrole ont chuté à leur niveau le plus bas.
« La contrebande est devenue la meilleure solution pour Téhéran, bien qu'elle ne génère pas les mêmes recettes, car les prix mondiaux du pétrole continuent de baisser », a-t-il fait savoir.
De plus, a-t-il indiqué, l'Iran est contraint de vendre son pétrole à des prix « qui sont presque la moitié des prix mondiaux officiels, et donc ces opérations de contrebande, si elles réussissent, ne rapporteront que des sommes modestes dans les coffres du CGRI ».
Ce n'est « pas suffisant pour sortir le pays de sa crise », a-t-il conclu.