Après la défaite de « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS), al-Qaïda tente de se réaffirmer comme la principale force extrémiste de la région et de rallier ses partisans derrière sa direction actuelle, ont expliqué des experts à Al-Mashareq.
Au cœur de cet effort se trouve l'opération de propagande qu'il a récemment développée avec le lancement d'un nouveau magazine par l'intermédiaire de la Fondation al-Sahab, son bras médiatique.
Ce magazine, intitulé « Umma Wahida » (Une nation), a été publié pour la première fois en mars, a fait savoir Mazen Zaki, directeur du Centre Ibn al-Waleed d'études et de recherches sur le terrain.
« Le moment choisi pour la publication de ce magazine suggère qu'al-Qaïda cherche à s'approprier l'héritage médiatique de l'EIIS, la production médiatique de ce dernier ayant considérablement diminué », a-t-il déclaré à Al-Mashareq.
Il semble qu'avec le lancement de ce nouveau magazine, al-Qaïda tente de « combler ce vide pour reprendre le contrôle des médias extrémistes », a-t-il indiqué.
Rumeurs de querelles internes
Le magazine, diffusé par des sites internet extrémistes et des réseaux sociaux, a suscité la controverse sur le leadership d'al-Qaïda, au vu de la montée d'Hamza ben Laden, fils de l'ancien dirigeant d'al-Qaïda Oussama ben Laden, a déclaré Zaki.
Une étude récente publiée par l'Observatoire des fatwas Dar al-Ifta d'Égypte donne foi à cette théorie.
Dans son étude, cet observatoire affirme que le nouveau magazine d'al-Qaïda « révèle les luttes internes dont souffre le groupe, tandis qu'Ayman al-Zawahiri, le leader d'al-Qaïda, craint d'être renversé ».
Des rumeurs ont circulé à propos de tentatives de remplacement d'al-Zawahiri par Hamza ben Laden, a-t-il précisé.
Pour réfuter ces rumeurs, le magazine a cité des vétérans d'al-Qaïda, comme Oussama ben Laden et Abdoullah Azzam, pour souligner que le groupe suit toujours leur direction.
L'Observatoire des fatwas a décrit cela comme « un effort pour appeler les éléments du groupe à resserrer les rangs et à obéir à ses ordres ».
Recrutement d'éléments de l'EIIS
Ce nouveau magazine « est une tentative d'al-Qaïda d'attirer des éléments vétérans qui ne sont plus affiliés à une autorité particulière après la chute de l'EIIS en Syrie et en Irak », a déclaré l'expert militaire égyptien Abdoul Karim Ahmed à Al-Mashareq.
Il espère clairement influencer les anciens combattants d'al-Qaïda passés à l'EIIS et qui pourraient maintenant réintégrer leur groupe d'origine, a-t-il indiqué, et attirer de nouvelles recrues.
Al-Zawahiri aurait écrit l'éditorial du magazine, a rapporté Ahmed, l'utilisant pour appeler à « mettre fin aux luttes intestines et rejeter les désaccords ».
Cela montre qu'al-Qaïda est en crise par rapport à l'autorité d'al-Zawahiri, a-t-il affirmé.
Au fil de ses 43 pages et de ses 18 articles et reportages, le magazine contient de nombreuses incitations aux actes de violence, a fait savoir Ahmed, contre l'Occident et divers pays de la région.
Il a mis en garde contre le fait que dans sa tentative de retour comme acteur majeur, al-Qaïda pourrait commettre des attentats terroristes afin de rétablir son image et se repositionner en tant que groupe extrémiste important.
Guerre idéologique contre l'extrémisme
« La publication de ce nouveau magazine par al-Qaïda souligne l'importance des médias et de la guerre idéologique contre les groupes extrémistes », a déclaré Fadel al-Hindi, du Centre de recherche en sciences sociales et humaines de l'université du roi Abdoulaziz.
Ces groupes dépendent en effet des médias pour obtenir des fonds et des recrues, a-t-il expliqué à Al-Mashareq.
Tant que les groupes extrémistes seront en mesure de diffuser leur message par le biais des médias, « les dons arriveront d'une manière ou d'une autre, et des jeunes seront recrutés pour mener des attaques », a-t-il prévenu.
« Les articles du magazine répètent le discours de base d'al-Qaïda mis en avant à l'époque d'Oussama ben Laden et d'Abdoullah Azzam », a-t-il déclaré.
Dans son éditorial, al-Zawahiri a mis en garde les soldats du groupe contre les émirs et a de nouveau demandé obéissance, a noté al-Hindi.
Cela semble refléter « la situation interne d'al-Qaïda et ses divisions, et l'incapacité potentielle d'al-Zawahiri à contrôler tous les émirs », a-t-il conclu.