La France surveille toute utilisation d'armes chimiques interdites en Syrie et est déterminée, avec ses partenaires de la coalition, à punir toute action du régime syrien, indiquent des responsables français.
Le 1er mars, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) a confirmé que du chlore avait été utilisé en 2018 dans la ville syrienne de Douma aux mains de l'opposition, dans un rapport attendu depuis longtemps sur cette attaque meurtrière, a rapporté l'AFP.
Cet organisme basé à La Haye a fait savoir que deux cylindres, contenant probablement du chlore, s'étaient écrasés dans un quartier résidentiel de la ville, ajoutant qu'il est « probable » que du chlore réactif ait été utilisé comme arme le 7 avril dernier.
Une grande partie de la communauté internationale a accusé le régime du président syrien Bachar el-Assad et ses soutiens russes d'être responsables de l'incident, et la France, le Royaume-Uni et les États-Unis ont répondu par des frappes aériennes contre des installations militaires.
« Le régime syrien a utilisé des armes chimiques lors d'attaques militaires depuis 2012, non seulement dans la Ghouta, mais aussi à Khan Sheikhun, al-Lataminah, Saraqeb et Douma, tuant et blessant des milliers de personnes », a affirmé le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian dans une déclaration faite le 1er mars.
« Je répète ma condamnation la plus ferme contre l'utilisation d'armes chimiques où que ce soit et dans toutes les circonstances, et la détermination de la France à combattre l'impunité », a-t-il fait savoir.
La ministre française de la Défense Florence Parly s'est faite l'écho de l'engagement de sa nation contre les armes chimiques le 18 mars lors d'un discours à Washington.
« Lorsqu'Assad a utilisé des armes chimiques, la France et le Royaume-Uni étaient là avec les États-Unis pour effectuer des frappes de précision contre les installations chimiques », a-t-elle déclaré, faisant référence aux frappes punitives contre le régime d'Assad en avril 2018 pour son utilisation d'armes chimiques.
« Nous le ferons à nouveau si nécessaire », a affirmé Parly.
Elle a fait ses déclarations alors que le groupe de frappe du porte-avions français (CTF473), est arrivé le 13 mars au large de la Syrie pour soutenir l'opération Inherent Resolve de la Combined Joint Task Force, selon un communiqué du Commandement central des États-Unis.
Le groupe de frappe du porte-avions est composé du porte-avions Charles de Gaulle et de ses navires d'escorte et de soutien, certains fournis par des nations alliées, a fait savoir le communiqué, ajoutant qu'à son arrivée dans la zone, le porte-avions a lancé des Rafales et des Hawkeye pour aider les troupes de la coalition sur le terrain et obtenir des renseignements.
Le groupe de frappe du porte-avions est là pour rappeler la détermination de la coalition à empêcher toute utilisation d'armes chimiques et à y répondre.
Attaques répétées
Dans son dernier rapport, l'OIAC a rejeté les allégations du régime syrien selon lesquelles le gaz provenait d'installations de l'opposition de la région.
« D'après l'analyse des informations collectées lors des visites de l'entrepôt et du bâtiment suspecté produire les armes chimiques, rien n'indiquait que ces deux sites avaient été impliqués dans leur fabrication », a précisé le rapport.
La Russie, qui soutient Assad, a rejeté ce rapport et a prétendu que cette atrocité a été « mise en scène » par les bénévoles des secours syriens, appelés Casques blancs, une organisation humanitaire aussi connue sous le nom de Défense civile syrienne.
Moscou a régulièrement émis de telles accusations dans le cadre d'un effort continu de désinformation pour que la Syrie ne soit pas accusée d'utiliser des armes chimiques.
Avec les « allégations persistantes » d'utilisation d'armes chimiques en Syrie, l'OIAC a mis sur pied sa propre mission d'enquête indépendante en 2014. Celle-ci a enquêté sur plus de 70 cas d'utilisation présumée de gaz toxique en Syrie depuis 2014.
En 2015, l'OIAC s'est associé à l'ONU pour créer une commission d'enquête chargée d'identifier les responsables des attaques chimiques en Syrie.
En octobre 2017, la commission a publié un rapport accablant qui a conclu que l'armée de l'air syrienne avait largué du gaz sarin en avril 2017 sur le village de Khan Sheikhun contrôlé par l'opposition, tuant des dizaines de civils.
La Russie, le principal soutien international d'Assad, et le gouvernement syrien ont déclaré que l'incident n'avait jamais eu lieu, prétendant que les images de victimes, parmi lesquelles des enfants, avaient été mises en scène.
Un autre rapport de l'OIAC a conclu que du gaz sarin avait été « très probablement » été utilisé en mars 2017 dans le village d'al-Lataminah. Le régime syrien a également été accusé d'utiliser du gaz de chlore contre trois villages en 2014 et 2015.
Moscou a régulièrement essayé d'entraver les enquêtes sur les armes chimiques pour protéger son allié. En novembre, la Russie a échoué à bloquer le nouveau pouvoir de l'OIAC lui permettant de distribuer la responsabilité de crimes de guerre, en appelant à un vote sur le budget 2019 de l'organisation.
Inquiétudes pour Idlib
Alors que le régime syrien porte son attention sur Idlib, dernier bastion majeur de l'opposition en Syrie, les inquiétudes grandissent sur la reprise de l'utilisation d'armes chimiques.
Le 14 mars, Washington a accusé la Russie et le gouvernement syrien d'être responsable de « l'escalade de la violence » dans la province d'Idlib après que des avions de chasse russes ont mené des frappes aériennes, la première de ce type depuis une trêve entre la Turquie et la Russie en septembre, a rapporté l'AFP.
Au moins treize civils, dont six nourrissons, ont trouvé la mort, d'après l'Observatoire syrien des droits de l'homme.
« Les États-Unis sont très inquiets de l'escalade de la violence de ces derniers jours à Idlib et dans les régions voisines, déclenchée par des frappes aériennes et des tirs d'artillerie de la Russie et du régime d'Assad », a déclaré le porte-parole du Département d'État Robert Palladino.
« Bien que la Russie prétende prendre pour cible des terroristes, ces opérations ont causé la mort de dizaines de civils et ont attaqué des secouristes qui tentaient de sauver des vies sur le terrain », a-t-il ajouté.
En tant que membre du cessez-le-feu conclu avec la Turquie en septembre, « la Russie porte l'entière responsabilité de ces opérations offensives », a affirmé Palladino.
La trêve était censée reporter une offensive planifiée par le régime et ses partisans russes, des groupes d'aide craignant que cela ne déclenche la pire crise humanitaire du conflit syrien qui dure maintenant depuis huit ans.
L'attaque du gouvernement a été repoussée, mais personne n'a mis en œuvre les dispositions de cette trêve.
Ce dernier incident en date n'est pas la première fois que la Russie tente de raviver la violence à Idlib. En décembre, la Russie a lancé des raids aériens sur Idlib après avoir monté de toutes pièces une histoire d'arme chimique utilisée par les rebelles syriens pour porter atteinte à la trêve.
La Russie et la Syrie ont utilisé cet incident « comme opportunité pour saper la confiance dans le cessez-le-feu à Idlib », avait alors déclaré Palladino.