Criminalité et Justice

Le Liban lutte contre le trafic de Captagon

Junaid Salman à Beyrouth

La police syrienne montre de la drogue et des pilules de Captagon saisies à Damas, dans les bureaux de l'Administration de lutte contre les stupéfiants, le 4 janvier 2016. [Louai Beshara/AFP]

La police syrienne montre de la drogue et des pilules de Captagon saisies à Damas, dans les bureaux de l'Administration de lutte contre les stupéfiants, le 4 janvier 2016. [Louai Beshara/AFP]

Le trafic de Captagon s'est développé dans le chaos de la guerre en Syrie, les pilules d'amphétamines fabriquées en Syrie étant introduites illégalement au Liban, dont l'industrie des médicaments est en plein essor.

Les agences libanaises ont saisi plusieurs grosses cargaisons de Captagon ces dernières années, alors qu'elles s'efforcent de lutter contre la fabrication et la contrebande de médicaments illégaux.

Le 2 juillet, les douanes libanaises ont annoncé la saisie d'une cargaison de 3,7 millions de pilules de Captagon dissimulées dans des chariots de fruits. Les contrebandiers essayaient de passer la frontière avec ces pilules depuis la Syrie.

Ils comptaient les exporter vers d'autres pays de la région depuis le Liban.

Plus tard ce même mois, lors d'une autre opération, les forces libanaises ont déjoué une tentative de faire sortir du pays plus de quatre millions de pilules de Captagon cachées dans des conteneurs thermos.

La police a également saisi de grandes quantités de produits de base utilisés pour la fabrication de Captagon dans un entrepôt de Baalbek.

En octobre 2016, la Direction générale de la sûreté générale du Liban a annoncé avoir saisi une grande quantité de matériel servant à la fabrication de médicaments qu'un commerçant tentait de faire entrer sur le territoire libanais.

Ce matériel était destiné à quatre laboratoires qui fabriquent la base amphétaminique du Captagon ; il aurait permis aux fabricants de produire des millions de pilules chaque jour, a déclaré la Direction.

Répression antidrogue

« Le trafic de Captagon s'est aggravé avec la crise syrienne », a expliqué Joseph Hawat, président de l'association Jeunes contre la drogue (JCD).

Les quantités saisies au Liban ne sont qu'une fraction du total, a-t-il indiqué à Al-Mashareq, car il est estimé que seulement 12 % des pilules produites sont saisies dans le monde.

Ce commerce a fleuri grâce aux faibles coûts de fabrication des pilules, qui sont exportées hors du Liban à un prix élevé, a-t-il expliqué.

« Les personnes impliquées dans le commerce et la fabrication de ces pilules sont des individus appartenant à certains partis [politiques] ou des personnes que ces partis ignorent volontairement, soit parce qu'ils ne peuvent pas les contrôler, soit parce qu'ils appartiennent à des clans ou des familles qui soutiennent un certain parti politique », a-t-il précisé.

« Le Liban est devenu un pays de fabrication et d'exportation de Captagon », a déploré Mohammed Shamsuddin, chercheur à Information International.

Mais « l'augmentation du nombre de saisies de ces pilules ne reflète pas la croissance réelle de ce commerce », a-t-il déclaré à Al-Mashareq.

Elle signale plutôt « l'augmentation de l'efficacité des agences de sécurité dans la traque des trafiquants et le contrôle des opérations de trafic », a-t-il indiqué, notant qu'en 2013, quinze millions de pilules avaient été saisies, contre 40 millions en 2016.

Une industrie ancienne

« La fabrication de produits de contrebande au Liban est une pratique très ancienne », a fait savoir à Al-Mashareq le brigadier général Naji Malaeb, expert en sécurité et ancien officier de l'armée libanaise.

Cela a commencé avec la culture du hachich (cannabis), suivie par l'arrivée de l'opium, qui permet de produire de l'héroïne et qui est cultivé dans de vastes zones dans l'est de la vallée de la Bekaa, relativement loin de tout contrôle de l'État libanais, a-t-il rapporté.

« Aujourd'hui, la fabrication d'hallucinogènes et de psychotropes a évolué, et ils sont désormais produits avec des produits de synthèse, comme c'est le cas pour le Captagon », a-t-il déclaré.

« Les mêmes trafiquants qui étaient auparavant actifs dans le trafic de drogue sont aujourd'hui impliqués dans ce nouveau trafic, et ces gens se sont créé un foyer dans les régions reculées de la Bekaa », a indiqué Malaeb.

Ils ont importé un matériel pouvant être utilisé dans des maisons et qui ne nécessite pas de grands bâtiments, a-t-il fait savoir.

La guerre en Syrie augmente la demande

La crise syrienne a aidé ce commerce à fleurir, a poursuivi Malaeb, car « l'on sait que les combattants ont tendance à utiliser des pilules de stupéfiants pour supporter l'horreur des batailles, des sièges et des combats, et ils constituent donc un marché lucratif pour ces médicaments ».

En raison de la proximité de la vallée de la Bekaa avec la Syrie, cette industrie s'y développe et s'est étendue à l'extérieur de la région avec la croissance de la production, a-t-il ajouté.

Les agences de sécurité en saisissent certes de grandes quantités, mais plusieurs raisons expliquent la difficulté de lancer des raids dans certains endroits où les médicaments sont fabriqués, a-t-il continué.

« La première est la proximité avec la frontière syrienne et l'existence de passages frontaliers illégaux contrôlés par le Hezbollah », a-t-il déclaré.

Deuxièmement, les combattants du Hezbollah offrent leur protection aux trafiquants de drogue en échange d'argent, a-t-il précisé, ce qui représente pour le groupe une source de financement.

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