Ces derniers mois, les Houthis (Ansarallah), soutenus par l'Iran, ont forcé les fonctionnaires de Sanaa et d'autres parties du Yémen à assister à des « cours culturels » et à des conférences qui font l'apologie de l'idéologie sectaire de la milice.
Ces cours sont organisés tous les mercredis, suite à un décret publié le 12 mars, par lequel la direction des Houthis a ordonné l'organisation de réunions éducatives hebdomadaires pour tous les employés des ministères gouvernementaux sous son contrôle.
Selon ce décret, ces réunions et séminaires sont destinés à assurer la cohésion idéologique des employés des ministères, et à renforcer leur détermination.
Les employés des ministères des Communications et des Finances, contrôlés par les Houthis, font partie de ceux qui ont été contraints de respecter le décret.
Par ailleurs, les agences assurant le paiement des revenus ont ordonné l'arrêt du versement des primes aux employés tant qu'ils ne se sont pas inscrits à des cours culturels et religieux.
Conférences obligatoires
Mohammed Saleh, directeur des ressources humaines dans un ministère de Sanaa, a rapporté à Al-Mashareq que les Houthis ont commencé à organiser des « cours culturels » il y a plusieurs semaines pour les employés à temps plein des services où il travaille, ainsi que dans les agences affiliées.
Ces cours et ces conférences sont de nature religieuse et culturelle, a-t-il précisé, et la participation est obligatoire pour les employés, qui ne peuvent s'y soustraire s'ils se trouvent sur leur lieu de travail le jour où ils sont organisés.
Salma Ahmed, directrice d'un service ministériel, a expliqué avoir reçu un SMS l'informant qu'elle devait assister à une formation d'une semaine pour les salariées, et que les participantes seraient payées 1000 riyals yéménites (4 USD) par jour.
« Certaines ont accepté [de participer] pour ces 1000 riyals, afin d'acheter de la nourriture à leurs enfants, en raison des circonstances difficiles qu'elles connaissent », a-t-elle rapporté.
« Ils nous ont éloignés de nos familles pendant douze jours pour assister à un cours culturel », a indiqué pour sa part le fonctionnaire Saleh Hizam à Al-Mashareq.
« Ceux qui n'ont pas participé seront exclus du prochain paiement des salaires et des primes de transport, bien que nous n'ayons pas été payés depuis 20 mois et que notre situation soit misérable », a-t-il ajouté.
Naji Mohammed, employé d'un service de comptabilité ministériel, a fait savoir à Al-Mashareq qu'il n'assistait pas aux conférences et qu'il n'était pas convaincu de leur utilité.
Elles posent les fondations de l'idéologie des Houthis, qui est basée sur la Wilayat al-Faqih (la Tutelle du juriste), a-t-il expliqué.
« Beaucoup de ceux qui assistent à ces conférences y sont forcés, parce qu'autrement ils pourraient perdre les primes qu'ils reçoivent des revenus fiscaux, et ils pourraient voir leurs noms rayés des futures listes de paie », a-t-il déclaré.
Endoctrinement idéologique
« L'endoctrinement idéologique de tous les segments et groupes et des fonctionnaires civils et militaires est une affaire très grave », a affirmé à Al-Mashareq le professionnel des médias Rashad al-Sharaabi.
« Les Houthis ont perdu beaucoup de leurs combattants endoctrinés qui avaient été entraînés par le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) en Iran, et par le Hezbollah au Liban, ou à Saada sous la supervision d'experts iraniens et libanais », a-t-il indiqué.
« Ils ont perdu la majeure partie de la couverture sociale et politique que leur fournissait l'ancien président Ali Abdallah Saleh, qui était leur partenaire jusqu'à ce qu'ils le trahissent et l'éliminent, après quoi ils ont eu recours à de telles pratiques pour mobiliser les masses en les soumettant à un endoctrinement idéologique et des cours culturels ».
Le peuple yéménite, qui a été trompé par les Houthis, « a compris leur système de corruption, la mauvaise utilisation qu'ils font des fonds publics, et leur échec dans l'administration des institutions étatiques », a-t-il rapporté.
« Beaucoup de Yéménites empêchent leurs fils de rejoindre les champs de bataille en tant que combattants de la milice, alors cette dernière doit avoir recours à ces cours », a expliqué al-Sharaabi.
Cette nouvelle directive des Houthis fait partie de « l'approche obscurantiste » du groupe, a précisé à Al-Mashareq le politologue Waddah al-Jalil.
« C'est un groupe partisan fermé, qui craint l'influence des arts, de la littérature et de tout ce qui touche à la liberté de pensées pour ses membres », a-t-il fait savoir.
« Les mouvements sectaires extrémistes sont similaires dans leurs actions, mesures et positions, et bien que leurs idéologies diffèrent, le cadre de base et la substance sont les mêmes », a-t-il noté.
« Pour que ces groupes puissent protéger leur futur et leurs centres d'influence et de contrôle, ils doivent modeler la pensée de plusieurs générations », a indiqué al-Jalil.
« Bien qu'ils possèdent le pouvoir militaire, de sécurité et de renseignement pour asseoir leur contrôle, ils craignent la non-acceptation de leur logique par les masses, et tentent donc de l'établir et de l'enraciner dans l'esprit des gens par le biais de plusieurs méthodes », a-t-il conclu.