Une opération d'infiltration menée par les renseignements libanais sur cinq mois a permis de capturer un agent de haut niveau de « l'Etat islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) et de déjouer une série d'attaques planifiées, ont fait savoir des responsables.
Cette opération, menée par la Division des renseignements des Forces de la sûreté intérieure et portant le nom de code d'opération « Liban en sécurité », a réussi à piéger le dirigeant irakien de l'EIIS Abou Jaafar al-Iraqi et ses collaborateurs au Liban.
Al-Iraqi mettait au point des plans pour prendre pour cible des lieux de culte, des installations de loisir et des bâtiments gouvernementaux au Liban pendant les vacances.
Le ministre de l'Intérieur Nohad al-Machnouk a révélé les détails de l'opération lors d'une conférence de presse vendredi 19 janvier, indiquant qu'Abou Jaafar avait été attiré au Liban par un agent travaillant avec la Division des renseignements.
L'EIIS avait conçu une nouvelle stratégie pour le Liban, qui comprenait l'envoi d'un dirigeant non soupçonné qui avait pour tâche de bâtir un réseau pour l'EIIS au Liban.
Opération d'infiltration sur plusieurs étapes
« L'opération s'est déroulée en quatre étapes », a expliqué al-Machnouk. « Tout d'abord, la source a rencontré deux fois Abou Jaafar en Turquie, puis l'a poussé à venir au Liban le 21 juin. »
« La deuxième étape a eu lieu lorsqu'ils ont tous deux habité dans un appartement équipé de micros dans la région du Mont-Liban, où l'agent irakien a fait connaître le nouveau plan de l'EIIS et a indiqué à la source un citoyen libanais de confiance qui les aiderait à recruter des éléments. »
Ces éléments devaient être utilisés pour mener des attaques au Liban, a-t-il rapporté.
La Division des renseignements a présenté des extraits de leurs réunions, lors desquelles Abou Jaafar a dévoilé que le « juge de la charia » de l'EIIS avait publié des fatwas appelant à décapiter des personnes au Liban et à détruire des ponts, entre autres actions de destruction.
« Les deux hommes ont ensuite rencontré le citoyen libanais, qui a remis à Abou Jaafar une liste de dix personnes choisies pour travailler avec l'EIIS », a continué al-Machnouk.
Al-Machnouk a présenté un enregistrement sonore dans lequel Abou Jaafar demande à la source d'aller dans la vallée de la Bekaa pour y rencontrer un élément de l'EIIS et définir les objectifs des opérations à venir.
« Lorsqu'Abou Jaafar a décidé de retourner en Irak le 27 juin, la décision a été prise de l'arrêter en secret » avec d'autres agents, a-t-il déclaré.
« Puis est venue la troisième étape, lors de laquelle Abou Jaafar a été autorisé à poursuivre ses contacts avec le commandement de l'EIIS en Irak sous la supervision de la Division des renseignements », a rapporté al-Machnouk. « Il a convaincu le groupe qu'il devait rester au Liban, et que d'autres éléments devaient quitter l'Irak pour rejoindre la Syrie. »
« Quant à la quatrième étape, elle a consisté à rassurer le commandement en Irak qu'il existait un plan pour lancer des opérations [au Liban] pendant les vacances », a-t-il ajouté.
« Une fois les fêtes du Nouvel An passées sans incident, la direction du groupe a su qu'Abou Jaafar avait été arrêté », a déclaré al-Machnouk.
Importante victoire pour la sécurité
Avec le succès de cette opération d'infiltration, les agences de sécurité libanaises ont obtenu une importante victoire et ont pu démanteler plusieurs cellules terroristes, a indiqué à Al-Mashareq le général de brigade à la retraite et expert en stratégie Johnny Khalaf.
« Cette victoire a été bien reçue par la communauté des renseignements internationale, car la découverte de réseaux est toujours considérée comme un développement important », a-t-il fait savoir. « Cette opération a été le résultat d'une collecte d'informations, d'une coopération entre toutes les agences de sécurité, et du partage et de l'analyse des informations. »
« Si les agences n'avaient pas coopéré, une opération terroriste de cette amplitude n'aurait pas été dévoilée », a-t-il rapporté.
« Il existe désormais un bureau commun des opérations pour les différentes agences de sécurité, où les informations sont partagées et analysées, et où les informations sont également reçues de sources à l'étranger sur les cellules dormantes et les plans », a-t-il ajouté.
Les agences de sécurité mènent une surveillance permanente, a-t-il déclaré.
« Grâce à cela, nous avons pu obtenir une victoire dans la lutte contre le terrorisme et la sécurité préventive », a-t-il poursuivi.
« Notre pays n'est plus un terreau fertile pour les cellules terroristes, en raison de la surveillance stricte et des actions majeures de sécurité dans le démantèlement des cellules dormantes », a-t-il expliqué.
Renforcement de la sécurité du Liban
Les agences de sécurité libanaises ont reçu des équipements et des formations de pointe de la part d'alliés étrangers, a indiqué Khalaf, ajoutant que « ce sont des choses essentielles qui aident à notre sécurité ».
« Nous envoyons également [des membres de la sécurité] à l'étranger pour des formations, et ils obtiennent de bons résultats », a-t-il déclaré. « Il y a désormais une meilleure application des informations entre le Liban et le reste du monde. »
Avec l'opération « Liban en sécurité », « le Liban est passé de la lutte contre le terrorisme par le moyen d'opérations militaires à une bataille des renseignements », a expliqué à Al-Mashareq le général de brigade à la retraite et expert militaire Khalil al-Helou.
Les forces libanaises ont réussi à pénétrer le groupe terroriste, a-t-il fait savoir.
« Cela souligne la capacité des agences de sécurité libanaises à défendre et à protéger l'unité du Liban », a conclu al-Helou.