Société

Les humoristes saoudiens « détruisent l'extrémisme par le rire »

AFP

Les Saoudiens se sont relayés sur scène pour plaisanter sur le monde – et eux-mêmes – en présentant à un public sifflant et riant une forme d'art largement inconnue dans le royaume conservateur : le stand-up.

Les Saoudiens se sont relayés sur scène pour plaisanter sur le monde – et eux-mêmes – en présentant le stand-up à un public sifflant et riant ; une forme artistique très peu connue dans le royaume conservateur.

Des rires et des gloussements ont parcouru la salle lors d'un festival d'humour amateur la semaine dernière à Riyad, organisé par l'Autorité générale du divertissement, le principal vecteur des réformes que connaît le royaume.

L'autorité augmente les options de divertissement, d'un festival Comic-Con à des concerts interprétés par des musiciennes, aidant le royaume à se débarrasser de la réputation austère et faisant découvrir à de nombreux Saoudiens un concept nouveau – s'amuser en public.

« Je suis un dentiste sans travail », a annoncé Battar al-Battar, humoriste de 26 ans d'une façon lente et sérieuse. « Mes prières ont été exaucées. Je vois beaucoup d'appareils dentaires dans la salle. »

L'humoriste saoudien Hashim Housawi sur scène lors du Stand-up Comedy Festival le 29 novembre au Centre culturel du roi Fahd. [Fayez Nureldine/AFP]

L'humoriste saoudien Hashim Housawi sur scène lors du Stand-up Comedy Festival le 29 novembre au Centre culturel du roi Fahd. [Fayez Nureldine/AFP]

Yousouf Aljarrah, Faisal Alamer et Yasser Baker, membres du Stand-up Comedy Festival, en représentation lors du festival d'humour amateur le 29 novembre au Centre culturel du roi Fahd. [Fayez Nureldine/AFP]

Yousouf Aljarrah, Faisal Alamer et Yasser Baker, membres du Stand-up Comedy Festival, en représentation lors du festival d'humour amateur le 29 novembre au Centre culturel du roi Fahd. [Fayez Nureldine/AFP]

Après lui, un homme petit et corpulent est monté sur scène, tout aussi sérieux alors qu'il abordait le sujet des relations de pouvoir inégales entre les sexes dans le royaume patriarcal.

« J'ai appelé ma fiancée pour lui dire : "écoute, c'est moi l'homme. Si je mange de la poussière, tu manges de la poussière".

"Elle a raccroché. Ça fait une semaine. Toujours pas de nouvelles".

"Dans la panique, je lui ai envoyé un SMS : "ce n'est pas moi l'homme ! Reprends-moi !"

Les hommes dans le public – ainsi que les femmes assises de l'autre côté de l'allée – ont éclaté de rire.

« Un préjugé dit que les Saoudiens n'ont pas d'humour », a déclaré Yaser Bakr, membre du jury du festival et fondateur du premier club de comédie du royaume.

« Les Saoudiens aiment rire. Les chiffres ne mentent pas », a-t-il affirmé, faisant défiler une liste de vidéos humoristiques sur l'application YouTube de son téléphone, chacune ayant des milliers de vues.

« L'humour purifie l'âme »

Le Centre culturel du roi Fahd à Riyad, où s'est tenu ce festival de cinq jours, ressemblait à une bulle de gaz hilarant pendant toutes les représentations.

Le festival a été une rare tentative de faire découvrir le stand-up au grand public.

A part une poignée de stars de l'humour saoudiennes sur YouTube, les artistes ont généralement du mal sans théâtres et sans studios de divertissement, ainsi qu'avec le manque de connaissance de cette forme d'art.

« L'Arabie saoudite a besoin de cultiver cet art », a affirmé Joubran al-Joubran, directeur du festival. « L'humour a un effet purificateur, il nettoie l'âme. Cela soulage de rire de nos propres problèmes».

Aucun des participants n'a franchi ce qui est typiquement considéré comme les limites du royaume conservateur : le sexe, la religion et la politique.

Mais certains ont fait éclater quelques vieux stéréotypes, y compris les rapports imaginés avec les extrémistes, et d'autres ont osé se moquer des élites, qui étaient auparavant intouchables.

« La première fois que je suis venu à Riyad, j'avais peur qu'on m'enferme dans le Ritz », a raconté Rakain al-Zafer, l'un des artistes, provoquant des ricanements et des grognements dans la foule.

Le riche hôtel Ritz-Carlton de Riyad est devenu une prison dorée pour des dizaines de princes, de ministres et de grands entrepreneurs arrêtés lors d'une purge anticorruption.

« Détruire l'extrémisme grâce à l'humour »

Les humoristes en représentation étaient tous des hommes, mais les organisateurs du festival ont déclaré qu'ils attendaient que des femmes participent l'année prochaine, malgré le risque d'agacer les conservateurs religieux.

Ce festival met en évidence une réforme plus large menée par le prince héritier Mohammed ben Salman, le puissant successeur au trône qui a réduit l'influence de la police religieuse, qui était célèbre pour avoir perturbé des événements mixtes de ce genre.

Le prince semble contrebalancer des réductions de subventions peu populaires à une époque où les prix du pétrole sont bas avec davantage de libertés sociales et de divertissement, qui incluent la décision de permettre aux femmes de conduire à partir de juin prochain, ainsi que la réouverture de cinémas.

Le compositeur et pianiste grec légendaire Yanni s'est produit devant une salle pleine et mixte à Riyad la semaine dernière, accompagné par des chanteuses.

Ce changement s'accorde avec la récente promesse qu'a faite le prince Mohammed pour faire retrouver à l'Arabie saoudite un « islam ouvert et modéré » et pour détruire les idéologies extrémistes.

« Nous cherchons à détruire l'extrémisme grâce à l'humour, en faisant rire les gens », a expliqué Joubran.

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