Les hommes armés qui ont massacré plus de 300 fidèles dans une mosquée égyptienne n'ont rien fait pour masquer leur identité, ont rapporté les autorités et les témoins.
Ils ont été vus arborant la bannière noire de « l'État islamique » (Daech), ayant auparavant ordonné à cette mosquée du Nord-Sinaï associée aux soufis de mettre fin à leurs pratiques mystiques que Daech considère comme hérétiques.
Ils se sont même rendus en personne dans la mosquée il y a quelques semaines, a fait savoir un cheikh soufi.
Mais près d'une semaine après le massacre de vendredi, Daech n'a toujours pas revendiqué l'attaque, ce qui, selon des responsables et des analystes, pourrait être le signe que leurs hommes armés sont allés trop loin, même pour les extrémistes.
Malgré tous les carnages sans distinction perpétrés par Daech sur presque tous les continents, cette attaque a choqué jusqu'à ses partisans.
Lorsque l'étendue de l'attaque a été rendue publique sur les canaux extrémistes des réseaux sociaux, des utilisateurs favorables à Daech ont nié l'implication du groupe.
Tous les groupes d'activistes connus opérant en Égypte, parmi lesquels Jund al-Islam au Sinaï, affilié à al-Qaïda, ont condamné ce massacre.
Les partisans de Daech sur les réseaux sociaux étaient furieux lors de la diffusion sur des canaux de réseaux sociaux favorables à al-Qaïda d'une communication sans fil qui aurait eu lieu entre un élément de Daech se vantant de l'attaque et un autre notant les détails.
Changement de mode opératoire
Daech s'en est déjà pris à des mosquées, en général chiites, et aux soufis.
Mais l'attaque contre cette mosquée égyptienne, où se trouvaient des centaines de fidèles soufis et autres pour les prières du vendredi, semble avoir été trop pour les partisans de Daech.
Au moins 27 enfants sont morts dans ce massacre.
« Un événement de cette ampleur, qui a tué plus que 'quelques soufis', serait difficile à justifier », a fait savoir l'analyste Amarnath Amarasingam, chercheur au sein du groupe antiterroriste ISD Global.
L'affilié d'al-Qaïda, Wilayat Sinaï, a par le passé tué des centaines de membres de la sécurité lors d'attentats, et plus d'une centaine de chrétiens dans des attentats à la bombe et des fusillades contre des églises.
L'attaque de vendredi « semble correspondre à un changement graduel sur les quatre dernières années », a déclaré un responsable occidental sous couvert d'anonymat.
Daech est passé « d'une campagne violente menée par les terroristes du Sinaï qui était très locale [...] et qui prenait la peine au début de ne pas s'aliéner la population locale [...] à quelque chose qui semble être bien plus influencé par les motivations djihadistes mondiales », a précisé ce responsable.
Aucun accord central
Il est « possible que cette attaque ait été coordonnée sans accord central. D'où l'absence de revendication », a expliqué un diplomate occidental s'exprimant lui aussi sous couvert de l'anonymat.
Une autre possibilité est qu'il s'est agi d'une attaque destinée à envoyer un message aux soufis et aux villageois perçus comme pro-gouvernement, sans lui donner le sceau d'une revendication officielle de Daech.
Hassan Hassan, spécialiste de Daech de grand renom, a déclaré que le groupe avait qualifié les soufis de « taghuts » dans une publication, un mot utilisé dans le Coran pour décrire le démon et les tyrans.
« Rien n'est hors limite lorsqu'ils les appellent taghuts », a expliqué Hassan, haut responsable du groupe de réflexion TIMEP et auteur du livre « Daech : Au cœur de l'armée de la terreur ».
Cependant, les combattants de Daech sont allés trop loin par le passé et ont été punis pour cela, a-t-il rappelé.
« Lorsqu'ils ont tué les al-Shaitat, ils ont ensuite supprimé les [attaquants] », a-t-il déclaré en parlant du massacre de près de 700 membres de tribu dans la région syrienne de Deir Ezzor.
C'était « soit parce qu'ils voulaient s'en distancer, soit parce qu'ils pensaient qu'ils étaient allés trop loin », a indiqué Hassan.
Quoi qu'il en soit, et étant donné que l'opération médiatique de Daech continue de déconcerter les observateurs, il reste possible mais peu probable que le groupe revendique quand même l'attaque.
Daech avait revendiqué l'attaque contre un péage militaire au sud du Caire en juin trois semaines après les faits – pas comme d'habitude par le biais d'une déclaration sur ses comptes de réseaux sociaux, mais dans sa lettre d'informations hebdomadaire al-Nabaa.
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