Au fur et à mesure de l'apparition d'une faille idéologique croissante au sein de «l'Etat islamique en Irak et en Syrie» (EIIS), plusieurs éléments ont exigé que Abou Bakr al-Baghdadi et son organe de direction révisent les principes sur lesquels le groupe a été fondé.
Après avoir perdu un grand nombre de hauts dirigeants, le chef de l'EIIS a commandé un comité chargé d'administrer les affaires des territoires où le groupe a des filiales.
Le nouveau comité est dominé par les personnes ultraorthodoxes et s'est heurté à la résistance de certains membres du groupe qui se sentent trop loin dans la tentative de codifier et d'appliquer l'application d'une idéologie extrême.
Dans une série de publications des médias sociaux, ces dissidents ont accusé les dirigeants de l'EIIS d'être excessifs dans leur application de la peine des hodoud, au point qui leur a coûté la perte de leurs bases de soutien populaire.
Ils ont également exigé la dissolution du comité et du journal d'al-Nabaa, porte-parole de l'EIIS, qui avait exposé sa doctrine.
Ils ont en outre affirmé que le comité avait été fondé sur des principes religieux erronés et l'ont accusé d'appliquer des principes jurisprudentiels et des interprétations erronées de hadiths.
En réponse, le comité a menacé les éléments dissidents de punition et même d'exécution, les décrivant comme des kharijites.
Pendant ce temps, d'autres utilisateurs des médias sociaux ont participé à la bataille au côté du comité, en publiant leur propre déclaration le 16 septembre, intitulée «Le comité et les médias du califat nous représentent».
Ils ont déclaré leur soutien au comité et ont rejeté l'accusation d'excès et d'extrémisme dirigée contre ses membres.
Deux camps idéologiques
En Egypte en particulier, les groupes affiliés à l'EIIS sont divisés en deux camps idéologiques.
Certains voient un besoin de retour à la doctrine d'al-Qaïda qui n'accuse pas les musulmans sunnites de kufr (incroyants, infidèles).
D'autres préconisent les principes ultra extrêmes adoptés par l'EIIS à sa création et exigent que le groupe se confronte aux musulmans et aux non-musulmans qui ne supportent pas l'EIIS.
Dans un communiqué publié en mai, l'EIIS a demandé à ses détracteurs de cesser d'attaquer sa décision de continuer à combattre les musulmans et les autres personnes qui s'y opposent et à cesser de l'accuser de violence excessive. Il a également menacé de tuer ceux qui envisageraient revenir sur leur serment d'allégeance au groupe pour avoir abandonné la foi.
Cela a aliéné certains combattants et les a empêchés de se battre aux côtés de l'EIIS.
Les détracteurs ont répondu en interrogeant les sources religieuses utilisées par le comité et la compétence de ses membres et ont exigé sa dissolution parce que ses membres n'ont pas les qualifications religieuses nécessaires .
«Les traîtres et les agents étrangers»
Dans des publications sur plusieurs comptes de médias sociaux, l'EIIS a accusé les membres qui appellent à changer leurs principes d'être des traîtres et des agents des services de renseignement qui visent à détruire le groupe, a déclaré Ahmed Ban, un expert des groupes extrémistes.
"L'EIIS est confronté à la possibilité que plusieurs de ses éléments renient leur promesse d'allégeance au motif que le leader du groupe lui-même, al-Baghdadi, s'est détourné de l'idéologie d'al-Qaïda", a-t-il annoncé à Al-Mashareq.
Le groupe s'attaque également à d'autres problèmes", y compris le fait que ses éléments fuient les champs de bataille en Syrie, en Irak et en Egypte", a-t-il signalé.
"Certains membres accusent [al-Baghdadi] d'excès dans son takfir de musulmans sunnites qui n'assistent pas [l'EIIS] dans sa guerre contre les régimes dominants dans les pays musulmans", a dit Ban.
Les attaques internes contre al-Baghdadi et son appareil de direction ont incité le chef de l'EIIS à créer de nouvelles succursales en Irak, en Syrie et en Egypte afin de remplacer ceux qui pourraient retirer leur allégeance.
En Egypte, Ansar Bayt al-Maqdis était à l'origine une filiale d'al-Qaïda, a déclaré l'expert militaire et l'officier de l'armée égyptienne, le général de division Talaat Moussa.
"La raison pour laquelle il a preté allégeance à l'EIIS était la faiblesse des ressources financières d'al-Qaïda, l'incapacité de ce dernier de financer, soutenir et lui fournir des armes", a-t-il déclaré à Al-Mashareq.
"Le serment d'allégeance des groupes affiliés à l'EIIS dans le Sinaï à al-Baghdadi dépend de sa capacité à continuer de leur fournir le soutien nécessaire", a-t-il expliqué.
Sous le feu en Egypte
L'assassinat de l'armée égyptienne de trois principaux dirigeants de l'EIIS au Sinaï dans les raids et les attaques aériennes a poussé les éléments restants à abandonner l'idéologie de l'EIIS, a annoncé Mahmoud Nasr, un journaliste spécialisé dans les affaires des groupes extrémistes.
Ces dirigeants sont Auda al-Hamadeen, tués dans une attaque aérienne le 28 août avec 13 autres, Abu Anas al-Ansari, tué en mars et Abou Khalid al-Maqdisi, tué en septembre dernier.
"Ces dirigeants ont diffusé l'idéologie de l'EIIS à des éléments extrémistes en Egypte", et après leur décès, les autres éléments ont commencé à s'écarter de cette idéologie pure et dure, a-t-il dit.
"Une visite au site de l'agence Amaq, porte-parole officiel de l'EIIS, révèle qu'il n'y a publié que trois déclarations liées à l'Égypte au cours des deux derniers mois".
Nasr a déclaré que cela révèle «l'impact des coups successifs infligés à l'EIIS au Sinaï en particulier et en Egypte en général et l'incapacité des groupes du Sinaï d'assurer un lien direct de communication avec l'EIIS en Irak et en Syrie».