Le fait que le parlement libanais a approuvé un projet de loi définissant une échelle de salaires et de grades pour les employés du secteur public a provoqué des inquiétudes quant au fardeau que cela placerait sur une économie déjà alourdie par la dette publique.
En avril, la dette publique du Liban s'élevait à environ 77,17 milliards de dollars. Le déficit budgétaire annuel est passé à 5,5 milliards de dollars, et atteindra probablement 8 milliards dans les quatre ans à venir, ont expliqué des économistes à Al-Mashareq.
Dans le même temps, l'économie nationale a stagné à 50 milliards de dollars par année, ont-ils précisé, ce qui indique une économie faible ne pouvant pas supporter de pressions supplémentaires.
Les augmentations qu'apporterait l'échelle de salaires et de grades pour les fonctionnaires pourraient ajouter un fardeau de 1,2 milliard de dollars au budget.
Depuis le début de la guerre syrienne, l'économie libanaise est confrontée à des difficultés, a déclaré Antoine Farah, rédacteur économique du journal al-Joumhouriya.
Tous les indicateurs montrent un déclin général de la croissance, du tourisme à l'immobilier, a-t-il indiqué à Al-Mashareq.
Les dépenses du gouvernement pour des projets visant à satisfaire certaines parties sont en hausse, et la facture des salaires a atteint un niveau record, consommant 40 % des revenus de l'État au premier trimestre 2017, selon le ministère des Finances.
Des relations tendues avec certains pays du Golfe concernant le rôle du Hezbollah dans la région ont également un impact négatif sur les opérations commerciales communes entre le Liban et le Golfe, et sur l'afflux d'argent liquide venant de ces pays, a-t-il indiqué.
« La situation est mauvaise et il est difficile de l'inverser sans changement interne, ce qui est peu probable, ou sans changement régional qui apporterait de bonnes surprises », a-t-il fait savoir.
Le fardeau de la dette publique
« L'importance de l'endettement signale bien sûr un problème très grave, car certains pensent que la [dette publique] va atteindre 100 milliards dans les trois prochaines années », a expliqué à Al-Mashareq l'économiste Kamel Wazna.
Cela placerait le Liban « au précipice d'un réel danger », a-t-il ajouté, « car le coût de la dette publique équivaut à 45 % des revenus de l'État, et l'augmentation des taux d'intérêt dans le monde entier pourrait le faire passer à 75 % ».
Le problème de l'endettement peut être résolu, « mais pas avec les procédures politiques habituelles et la méthode de traitement établie ».
Selon Wazna, la classe politique ne souhaite pas réellement concevoir une vision économique qui permet la croissance et le développement, élimine la corruption, modernise le système, élimine le gaspillage et reconstruit l'infrastructure.
La solution commence par la limitation du gaspillage et la lutte contre la corruption en contrôlant davantage le secteur public, a-t-il déclaré, et en gérant la dette publique afin que les rentrées fiscales suffisent à couvrir les dépenses.
Il a mis en doute la capacité du Liban à faire baisser les taux d'intérêt au vu de la tendance à la hausse mondiale, car les coûts des intérêts, lorsque les taux mondiaux augmentent, sont estimés à 1,2 milliard de dollars – ce qui équivaut au coût de l'échelle de salaires et de grades.
« Une phase dangereuse »
« L'économie libanaise est dans une phase relativement dangereuse », a affirmé Maurice Matta, rédacteur sur l'économie du journal An-Nahar à Al-Mashareq.
Moody's Investor Service a abaissé la notation financière du Liban à B3, la jugeant spéculative et comportant un fort risque de crédit, a-t-il rapporté.
De plus, la dette publique a augmenté, la guerre syrienne continue d'avoir des répercussions sur l'économie libanaise, et la croissance est faible, atteignant à peine 1,5 % par an, a-t-il poursuivi.
Il a mis en garde contre le risque lié au fait que le gouvernement continue à emprunter aux banques, car l'accumulation de ces dettes met en péril les notations financières des banques elles-mêmes.
Bien que l'adoption de l'échelle de salaires et de grades permettra de renforcer le pouvoir d'achat d'une grande partie de la population, les mesures fiscales associées auront un effet négatif sur plusieurs secteurs, a-t-il déclaré.
Des inquiétudes sur l'échelle de salaires sont apparues parce que le projet de loi ne propose aucune réforme fiscale structurelle, a-t-il précisé, ce qui pourrait mettre en danger les finances.
Au même temps, des sanctions contre le Hezbollah qui priveraient ceux qui traitent avec lui de l'accès au secteur bancaire pourraient mener à la création de canaux économiques parallèles qui porteraient préjudice à l'économie nationale et aux banques, a-t-il fait savoir.
Appel au dialogue économique
À la mi-août, le président Michel Aoun a appelé à un dialogue économique pour tenter de trouver un terrain commun entre les employés et les organismes économiques, afin de réconcilier des points de vue conflictuels en ce qui concerne l'échelle de salaires et de grades proposée.
Le dernier rapport économique trimestriel publié par la Bank Audi du Liban a montré que de nouveaux impôts dictés et entraînés par l'échelle de salaires et de grades auront probablement un impact contradictoire sur la faible croissance du pays.
« Bien que les augmentations [de salaire] apportées par l'échelle de salaires et de grades stimuleront la dépense des ménages pour l'économie nationale, elles auront également des effets négatifs sur les investissements du secteur privé », a annoncé le rapport.
Selon celui-ci, le plus grand défi auquel est confronté le gouvernement est la réduction de la perte liée à la fraude fiscale, estimée à plus de 4 milliards de dollars, soit 30 % du totale des revenus publics du Liban.