Responsables yéménites et économistes se disent préoccupés par la stabilité du riyal, après une forte baisse la semaine dernière, qui a vu les régulateurs s'acharner à renforcer la valeur de cette devise.
La valeur du riyal face aux devises étrangères a baissé régulièrement depuis le début de la guerre en mars 2015, époque à laquelle le taux de change face au dollar américain était de 215 riyals yéménites (YER) pour un dollar.
Au début du mois de février de cette année, ce taux de change avait augmenté régulièrement, passant à 330 YER pour un dollar, mais le 13 février, il y eut une très forte hausse, à 400 YER pour un dollar, indiquèrent les médias locaux.
La Banque centrale à Aden prit des mesures rapides et mit en oeuvre une série de mesures pour enrayer cette baisse du riyal, le ramenant à près de 330 YER pour un dollar le jour suivant.
Efforts pour stimuler le riyal
Alors que le gouvernement continue de tout faire pour stabiliser le riyal, les économistes préviennent que cette baisse de valeur à près de la moitié de ce qu'il était avant le début de la guerre pourrait avoir des conséquences dramatiques sur la vie quotidienne des citoyens, sous la forme de fortes augmentations des prix alimentaires et une hausse du taux d'inflation.
Pour renforcer la stabilité du riyal, le président Abd Rabbo Mansour Hadi cherche des dépôts d'une valeur de 2 à 3 milliards de dollars auprès de l'Arabie saoudite et du Qatar, qui viendront s'ajouter à plus d'un milliard de dollars se trouvant actuellement à la Banque centrale, a indiqué le ministre de l'Information Muammar al-Aryani à Al-Mashareq.
Hadi est arrivé à Riyad le 13 février pour une visite officielle à l'issue de laquelle l'Arabie saoudite a accepté de déposer 2 milliards de dollars à la Banque centrale du Yémen pour aider le pays à revitaliser son économie, a fait savoir l'agence d'informations Saba dimanche 19 février.
Par ailleurs, le gouverneur de la Banque centrale a rencontré des représentants des banques locales et des compagnies de change pour parvenir à un accord sur un mécanisme conjoint destiné à stopper la baisse de la valeur du riyal, a expliqué al-Aryani.
L'un des principaux résultats de cette rencontre est un accord aux termes duquel les compagnies de change peuvent acheter et vendre des riyals saoudiens et des dollars américains à des taux favorables.
La Banque centrale s'est également engagée à acheter des dollars auprès des agents de change et s'est engagée à couvrir les besoins du marché concernant les produits pétroliers et les produits alimentaires de base pour les citoyens.
La hausse du prix des devises étrangères face au riyal a poussé de nombreuses compagnies de change à suspendre leurs opérations et à limiter leur activité aux transferts d'argent, de manière à éviter d'encourir des pertes, a indiqué Ibrahim al-Houbaishi, directeur de la compagnie de change Yazan Currency Exchange basée à Sanaa.
Cette instabilité du cours du riyal face aux devises étrangères en a inquiété beaucoup, a-t-il déclaré à Al-Mashareq.
Le cours du dollar a atteint 400 YER à Aden et 386 YER à Sanaa, mais les mesures prises à Aden ont graduellement ramené ce cours à 330 YER en quelques heures, a-t-il poursuivi.
« Les mesures gouvernementales destinées à mettre un terme à la dégradation du taux de change du riyal seraient plus efficaces si la Banque centrale injectait des devises fortes sur le marché », a estimé al-Houbaishi.
La guerre impacte l'économie
Taha al-Faseel, professeur d'économie à l'université de Sanaa, a expliqué que cette chute du cours du riyal résulte de la guerre en cours, qui a perturbé l'activité économique et entraîné une baisse des recettes de l'État en devises fortes.
« La hausse soudaine de 70 YER dans le cours du dollar en une seule journée est la preuve que cette hausse n'a pas été causée par des facteurs économiques, mais plutôt par d'autres facteurs liés aux circonstances de la guerre », a-t-il indiqué à Al-Mashareq.
« Il n'y a aucune demande pour le dollar et d'autres devises fortes, parce que les citoyens ne se déplacent pas à l'étranger et que cette période de l'année n'est pas une saison propice aux importations ; il n'y a donc aucune raison économique derrière cette baisse du cours du riyal », a-t-il poursuivi.
Al-Faseel a mis en garde sur le fait qu'un cours élevé prolongé du dollar « exacerbera les souffrances humaines endurées par la majorité des Yéménites au vu des gels des salaires et de l'arrêt de l'activité commerciale, ce qui entraînera des conséquences tragiques pour la majeure partie de la société ».
L'économiste Abdoul Jalil Hassan a lui aussi mis en garde que la guerre a des conséquences très sérieuses sur les conditions de vie, dont la pire est l'augmentation du cours des devises fortes face au riyal.
« La hausse du cours du dollar entraînera des prix plus élevés des denrées alimentaires et d'autres produits de consommation, à un moment où 80% des Yéménites ont besoin d'une aide alimentaire », a-t-il affirmé à Al-Mashareq.
La guerre a entraîné l'arrêt de la production pétrolière du pays et les envois d'argent par les expatriés sont à leur plus bas niveau, a-t-il fait savoir, et ce sont tous ces facteurs qui conduisent à une augmentation du cours du dollar.
Les Houthis ont mis la main sur les réserves de change
La chute des réserves de liquidités est l'une des conséquences indirectes de la guerre, causée par l'un des camps du conflit faisant un mauvais usage des réserves de change, a expliqué Moustafa Nasr, président du Centre d'études et des médias économiques.
« La prise par les Houthis de la Banque centrale à Sanaa et leur dilapidation des réserves de liquidités de change, qui sont tombées d'environ 4 milliards de dollars à moins d'un milliard en août, a incité le président Hadi à relocaliser la Banque centrale à Aden », a-t-il déclaré à Al-Mashareq.
Les réserves de liquidités de change comprennent le milliard de dollars déposé par l'Arabie saoudite à la Banque centrale du Yémen en 2012 pour stimuler la devise yéménite.