Deux jeunes hommes des quartiers rivaux de Tripoli, ville du nord du Liban ont participé à des années de violences sectaires qui ont détruit la plus grande partie des deux zones.
Cependant, après des années d'animosité, Ali Amoun, 23 ans, de Jabal Mohsen, et Atris Samir Husseïn, 26 ans, de Bab al-Tabbaneh, ont déposé les armes et ont établi une solide amitié.
Aujourd'hui, eux et d'autres anciens combattants travaillent à reconstruire des portions de l'ancien marché de l'or qu'ils ont détruit, troquant leurs fusils contre des outils de construction.
Amoun et Husseïn font partie des centaines de jeunes hommes à Tripoli qui ont pris part aux combats entre 2007 et 2014, entre le quartier principalement alaouite de Jabal Mohsen et celui de Bab al-Tabbaneh, à majorité sunnite.
Les tensions se sont accrues entre les deux districts avec le déclenchement de la guerre en Syrie voisine, et les combats entre eux ont été de plus en plus féroces jusqu'à ce que les forces libanaises mettent en place un plan de sécurité début avril 2014.
Dès que les armes se sont tues, plusieurs groupes ont lancé des initiatives pour créer la réconciliation , dont une de l'organisation MARCH, qui a fait de grands progrès dans ce sens.
« J'ai participé à toutes les batailles contre Bab al-Tabbaneh, et j'ai découvert, après m'être joint aux activités de l'organisation MARCH, qu'ils n'étaient pas des terroristes », a déclaré Amoun à Al-Mashareq.
Le processus de réconciliation « a commencé début 2015 avec un atelier de théâtre qui a réuni 16 anciens belligérants », a-t-il relaté.
« Nous avons surpassé nos désaccords et nous nous sommes réconciliés, et j'ai créé de solides amitiés avec les habitants de Bab al-Tabbaneh, où je passe le plus clair de mon temps », a-t-il indiqué.
« Un modèle de véritable réconciliation »
« Aujourd'hui je travaille au café Kahwetna (Notre café), qui a été ouvert par l'organisation et qui, en raison de son emplacement sur la ligne de front de la rue de la Syrie, a consolidé la réconciliation avec ses activités culturelles et artistiques », a-t-il indiqué.
Amoun, qui est électricien, supervise désormais un groupe de travail de dix anciens guerriers qui aident à rebâtir le marché de l'or de la ville, effaçant toutes les traces du conflit et envoyant un message positif à la communauté et au monde.
« Nos cœurs sont purifiés, et nous sommes reliés par une amitié qui nous empêchera d'être à nouveau happés par un conflit armé, car nous avons compris ses conséquences négatives », a affirmé Amoun.
« Notre réconciliation est un modèle de réconciliation véritable », a-t-il ajouté.
Son ami Husseïn, de Bab al-Tabbaneh, a déclaré à Al-Mashareq qu'avant il considérait les résidents de Jabal Mohsen « comme des terroristes devant être éliminés ».
« Mon opinion d'eux a changé depuis, grâce à l'organisation MARCH », a-t-il indiqué. « Nous sommes passés d'ennemis à amis, et maintenant nous nous rendons mutuellement visite et nous trouvons des occasions pour se rencontrer. »
« Je comprends maintenant que nous sommes semblables, même dans nos problèmes et nos inquiétudes », a-t-il poursuivi. « Nous avons été élevés comme des ennemis, mais le dénominateur commun entre nous était le chômage, qui est la raison pour laquelle nous avons pris les armes. »
« Je rencontrais des combattants de Jabal Mohsen en prison, et maintenant nous nous voyons au café Kahwetna », a déclaré Husseïn.
« Ensemble, nous reconstruisons ce que nous avons détruit au marché de l'or, et nous faisons cela main dans la main pour consolider la réconciliation que nous ne renierons jamais », a-t-il affirmé.
Husseïn, peintre de profession, a déclaré qu'il rétablissait les couleurs vives des boutiques afin de « rétablir nos vies ».
Interactions positives, idées constructives
Léa Baroudi, directrice de MARCH, a expliqué à Al-Mashareq qu'au cours des deux dernières années, l'organisation a forgé « la réconciliation entre les anciens belligérants à Bab al-Tabbaneh et Jabal Mohsen à Tripoli en créant un espace pour les interactions ».
Les jeunes sont encouragés à prendre part à des interactions positives plutôt que de « traîner dans les rues et de tomber dans la consommation de drogue », a-t-elle déclaré.
« Nous avons commencé avec seize jeunes hommes et femmes, et aujourd'hui plus de 200 se sont réconciliés et sont devenus amis », a-t-elle rapporté. « Nous les avons rapprochés dans des ateliers d'art et des pièces de théâtre dans lesquelles nous avons exploré leur réalité et leur désir de réconciliation et de paix».
« Ils étaient marginalisés et sans emploi. Après avoir été pris dans les violences, ils ont réalisé qu'elles n'ont rien à voir avec eux », a précisé Baroudi.
Les jeunes ont eu des difficultés à se rassembler au départ, a-t-elle ajouté, mais ils ont ensuite découvert qu'ils étaient très semblables en termes de conditions de vie.
« Nous avons ouvert le café Kahwetna pour eux, et c'est devenu un lieu de rencontre pour les habitants des deux districts, où ils ont organisé des activités artistiques et ludiques et des cours d'anglais, de design graphique, de marketing et de graffiti », a-t-elle indiqué.
« Ils expriment leurs idées à travers la peinture, le théâtre et le rap et participent aux festivals que nous organisons pour eux afin de montrer leurs talents », a déclaré Baroudi.
A ce jour, 80 jeunes hommes et vingt jeunes femmes travaillent à la reconstruction du marché de l'or de Bab al-Dahab que part de la rue de la Syrie, afin de réparer les graves dégâts qui certains d'entre eux y ont causé lors des combats.
« Ils veulent rebâtir ce qu'ils ont détruit pour que ces lieux puissent retrouver leur rôle économique et social, car c'était le centre de la coexistence entre Bab al-Tabbaneh et Jabal Mohsen », a-t-elle ajouté.
Renforcement de la cohésion sociale
Le Mouvement de la paix permanente (MPP), qui vise à promouvoir une culture de paix et à résoudre les conflits armés par le dialogue, travaille aussi à favoriser la réconciliation entre Jabal Mohsen et Bab al-Tabbaneh.
Cela fait partie d'un projet en cours de six mois mis en place dans la vallée de la Bekaa et le nord du pays, a expliqué à Al-Mashareq le président du MPP, Fadi Abi Allam.
Le projet cherche à réconcilier les jeunes en « formant 20 jeunes hommes et femmes à la promotion de la cohésion sociale et aux techniques de communication », a-t-il précisé.
Ces jeunes ont mis sur pied l'initiative de réconciliation entre Bab al-Tabbaneh et Jabal Mohsen, a-t-il fait savoir, ainsi qu'entre al-Beddawi et des zones d'Akkar où il y a eu de violents conflits armés.
Ils implémentent à présent leur initiative dans les deux quartiers de Tripoli, a-t-il indiqué, où ils organisent des réunions pour résoudre les conflits et en traiter les causes afin de préparer le terrain en vue de la réconciliation.
« Nous essayons avec notre initiative de nous aligner sur d'autres initiatives mises en place dans la ville, de mettre fin à la violence et aux luttes intestines qu'elle cause, de promouvoir une culture de tolérance et de développer les capacités des gens à résoudre leurs désaccords par le dialogue », a-t-il expliqué.
Les jeunes de la région « ont besoin d'initiatives pour les aider à surmonter leur passé violent avec des réconciliations qui leur sont bénéfiques », a-t-il poursuivi.
« Lorsque les jeunes voient qu'ils sont entourés d'initiatives de ce genre, ils surmontent les obstacles », a-t-il déclaré. « Il reste au gouvernement à améliorer leurs conditions de vie en développant les infrastructures et les structures sociales afin qu'ils aient un sentiment de citoyenneté. »
Bien.
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