Société

Des initiatives populaires nourrissent les nécessiteux au Yémen

Par Faïssal Darem à Sanaa

Une bénévole yéménite cuisine pour les nécessiteux dans son quartier, dans le cadre de l'initiative « Cœurs tendres ». [Photo fournie par Mansour al-Jaradi]

Une bénévole yéménite cuisine pour les nécessiteux dans son quartier, dans le cadre de l'initiative « Cœurs tendres ». [Photo fournie par Mansour al-Jaradi]

Luwaine Iskandar, habitante de Sanaa, participe à une initiative caritative pour nourrir les pauvres, les nécessiteux et ceux qui ont été déplacés par la guerre au Yémen, sollicitant l'aide d'autres femmes dans son immeuble.

Iskandar et les femmes de sa famille ont fourni des repas aux familles déplacées dans son quartier, a-t-elle déclaré à Al-Mashareq, ajoutant qu'elle était chargée de faire passer le message aux femmes du coin, pour les encourager à aider.

« Nous avons une responsabilité sociale envers nos voisins, les pauvres et les nécessiteux et les déplacées internes (DI) qui vivent dans notre quartier », a-t-elle dit, s'adressant à des femmes de son immeuble.

Iskandar a déclaré qu'elle avait commencé sa mission humanitaire avec sa famille, encourageant les femmes à aider à soulager la souffrance des pauvres et des nécessiteux parmi elles.

« J'ai été surprise de voir une réponse positive de la part des femmes et des jeunes, ce qui m'a poussé à voir plus loin et à fournir des repas préparés aux nécessiteux et aux déplacés dans notre quartier », a-t-elle précisé.

En travaillant avec des partenaires et des donateurs, ces femmes ont réussi jusqu'ici à nourrir 100 familles et un total de 550 individus dans le quartier de Saawan, a-t-elle indiqué.

« Le succès de l'initiative a encouragé d'autres femmes dans des quartiers différents à faire de même en donnant à manger aux pauvres et aux personnes dans le besoin », a fait savoir Iskandar.

Encourager la charité et la compassion

Dans le même temps, la mère au foyer Shujoun Mohammed exhorte les gens à s'occuper de leurs voisins afin d'encourager la charité et la compassion qui sont le propre de la société yéménite.

« J'ai tiré partie de tous les événements sociaux où les femmes se rassemblent, comme les mariages et les enterrements, pour encourager les femmes à prendre des nouvelles de leurs voisins et à rechercher ceux qui ont besoin d'aide, en particulier les DI », a-t-elle expliqué à Al-Mashareq.

Mohammed a indiqué qu'elle avait constaté une réponse extrêmement positive à son initiative, surtout après que les salaires du secteur public ont été gelés , ce qui a causé des difficultés à de nombreuses familles.

Certaines ont été contraintes de mendier dans la rue, a-t-elle signalé, « tandis que d'autres ont fermé leurs portes, une triste représentation de leur souffrance causée par la faim ».

« La charité et la compassion sont deux qualités bien yéménites », a noté Mohammed.

D'un point de vue personnel, a-t-elle poursuivi, elle et d'autres femmes dans son immeuble donnent des repas aux familles dans le besoin dans les 45 quartiers du district d'al-Safia, dans le cadre d'une initiative appelée « Prenez soin de votre voisin ».

Cette initiative et d'autres comme elle sont vitales pour soulager le fardeau économique des gens, a-t-elle indiqué, « particulièrement en fournissant de la nourriture malgré la guerre en cours ».

La guerre a mis fin au commerce et à l'industrie et a fait augmenter le chômage , a-t-elle déclaré, en plus de causer la perte des salaires mensuels des employés du secteur public.

Des repas pour les écoliers

« L'idée de fournir des repas aux nécessiteux est excellente et a atteint directement les bénéficiaires », a déclaré Mansour al-Jaradi, président de l'Institut Wujooh pour les médias et le développement.

« Les habitants et les travailleurs humanitaires peuvent identifier les familles dans le besoin, en particulier celles qui ont été déplacées », a-t-il indiqué à Al-Mashareq.

« De telles initiatives favorisent sans nul doute un esprit caritatif et soulagent les souffrances des gens, surtout depuis que nous avons remarqué que certains élèves viennent à l'école sans avoir pris de petit-déjeuner ou de repas la veille au soir », a-t-il déclaré.

On a également des élèves qui s'évanouissent à cause de la faim pendant des rassemblements à l'école, a-t-il ajouté, notant que certains souffraient de façon évidente de malnutrition.

L'institut, à travers son initiative « Cœurs tendres », a rendu plus facile le fait d'atteindre les bénéficiaires dans chaque quartier grâce aux bénévoles locaux, a-t-il affirmé.

Des bénévoles ont aidé à l'identification des DI et des personnes les plus pauvres dans leurs quartiers et leurs écoles, afin qu'elles puissent recevoir des petits-déjeuners, des repas de midi et du soir, a-t-il indiqué.

L'institut a également distribué 100 paniers alimentaires aux membres les plus nécessiteux et les plus vulnérables de la population à Sanaa début novembre.

Pour l'avenir, a déclaré al-Jaradi, l'institut mène une enquête sur le terrain dans certaines zones pour identifier les personnes dans le besoin et les DI qui auraient besoin de couvertures pour les aider à supporter le froid hivernal.

Dans le district administratif de Sanaa, a-t-il indiqué, 46 000 couvertures ont été distribuées, et d'autres le seront pour les habitants des provinces où les températures devraient baisser.

La guerre exacerbe les souffrances

Fin octobre, l'agence alimentaire de l'ONU a prévenu des niveaux de faim élevés au Yémen, lequel possédait déjà l'un des taux de malnutrition les plus hauts du monde avant la guerre.

Selon l'agence des enfants de l'ONU, 1,5 million d'enfants souffrent de malnutrition, dont 370 000 pour lesquels celle-ci est telle qu'elle affaiblit leur système immunitaire.

Plus tôt ce mois-ci, le directeur du Programme alimentaire mondial pour le Yémen, Torben Due, a averti « qu'une génération entière pourrait être touchée par la faim », a rapporté l'AFP.

L'Organisation mondiale de la santé a également prévenu que « les pénuries de nourriture, de médicaments et d'autres produits de base [...] mettaient des millions de personnes au bord de la famine ».

L'arrête des salaires dans le secteur public a causé une crise humanitaire, car une grande portion de la société yéménite vit de mois en mois grâce à son salaire, a expliqué l'économiste Abdoul Jalil Hassan à Al-Mashareq.

« Les souffrances des gens ont été dédoublées, et ils sont devenus impuissants », a-t-il indiqué.

La rareté des emplois temporaires a obligé de nombreuses personnes à réduire leurs repas quotidiens, a-t-il déclaré, ajoutant que l'arrête des salaires a coïncidé avec le début de l'année scolaire et ses nombreuses demandes, ainsi que l'arrivée de l'hiver.

« De nombreux enfants doivent aller à l'école alors qu'ils ne peuvent pas supporter les matins froids, et sans petit-déjeuner qui les aiderait à affronter le froid et à apprendre », a-t-il conclu.

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