Terrorisme

Des soldats libanais seraient emprisonnés à al-Raqqa

Par Nohad Topalian à Beyrouth

Neuf soldats libanais enlevés par « l'État islamique en Irak et au Levant » dans une photo d'août 2015 publiée par le groupe. [Photo fournie par le père du soldat Mohammed Youssef]

Neuf soldats libanais enlevés par « l'État islamique en Irak et au Levant » dans une photo d'août 2015 publiée par le groupe. [Photo fournie par le père du soldat Mohammed Youssef]

Les familles de neuf soldats libanais enlevés en 2014 par « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) ont récemment appris que le groupe pourrait avoir transféré leurs fils de la région syrienne d'al-Qalamoun à son bastion d'al-Raqqa.

Bien que l'opération des Forces démocratiques syriennes pour libérer al-Raqqa de l'EIIL a donné aux familles l'espoir que la fin du groupe est proche, ils sont toujours extrêmement préoccupés par le destin de leurs fils, ont-ils indiqué à Al-Mashareq.

Ces neuf soldats faisaient partie des 28 membres de l'armée et de la police enlevés par l'EIIL et le Front al-Nosra (FAN), maintenant connu sous le nom de Front Fatah al-Cham (FFC), lors de combats à Arsal entre les forces de sécurité et les deux groupes en août 2014.

Le FAN a relâché les soldats et les policiers en plusieurs fois, les seize derniers ayant été libérés en décembre dernier. L'EIIL a tué deux des soldats enlevés : le sergent Ali al-Sayed et le soldat Abbas Medlej, dont le corps n'a pas été rendu à la famille.

L'on pense que l'EIIL détient toujours Khalid Hassan, Hussein Ammar, Moustafa Wehbe, Ali al-Masri, Ali Hajj Hassan, Ibrahim Mgheit, Abdel Rahim Diab, Mohammad Youssef et Seif Thebian, tous membres des forces libanaises.

Dans un article du 8 novembre dans le journal al-Joumhouria, le journaliste Nasser Sharara a révélé que l'EIIL détenait les soldats à al-Raqqa.

Dans une interview exclusive avec Al-Mashareq, Sharara a déclaré que cette information provenait « d'une source fiable, et les autorités concernées par cette affaire le savent ».

Ceci fut dévoilé lors d'un appel téléphonique d'un médiateur au commandement de l'EIIL, a-t-il expliqué, lequel a confirmé que les soldats avaient été déplacés d'al-Qalamoun, le long de la frontière Syrio-Libanaise, à al-Raqqa, à la frontière avec la Turquie, au nord de la Syrie.

Le médiateur « a eu la confirmation du commandement de l'EIIL que les soldats étaient en vie et qu'ils se tenaient les uns les autres », a-t-il déclaré. « Il a également reçu la confirmation verbale de leur part qu'ils avaient été déplacés vers al-Raqqa. »

En fonction des informations obtenues auprès de sources liées à des organisations internationales des Droits de l'Homme, Sharara a précisé que les soldats enlevés « pourraient être détenus dans la prison du village d'Ayed, qui est un lieu de détention très mystérieux et secret ».

Grave inquiétude

Le père du soldat Mohammed Youssef a déclaré à Al-Mashareq qu'il quitte rarement les tentes devant le quartier général du gouvernement à Beyrouth où les familles des détenus se rassemblent pour leur sit-in quotidien.

« Ces nouvelles ont rouvert la blessure, et elle ne guérira qu'avec le retour des prisonniers », a-t-il indiqué, ajoutant qu'il vit dans l'espoir de revoir un jour son fils.

« Notre inquiétude et notre anxiété quant au destin de notre fils et de ses compagnons n'ont jamais faibli », a-t-il affirmé. « La peur n'a jamais quitté nos cœurs pendant une seconde ; elle n'a fait qu'augmenter de jour en jour pendant plus de deux ans et trois mois. »

« Nous avons le sentiment que la situation sera résolue de façon positive, bien que les faits ne soutiennent pas notre optimisme », a-t-il déclaré.

Youssef a indiqué que les dernières informations mises à disposition des familles « datent d'un an et onze mois, lorsque nous avons parlé à nos fils pour la dernière fois, et la dernière fois que j'ai entendu la voix de mon fils Mohammed ».

Les familles ont reçu des informations contradictoires sur l'emplacement de leurs fils, a-t-il déclaré : « Une fois on nous a dit qu'ils étaient à Mossoul, d'autres fois à Arsal ou al-Raqqa. Malheureusement, personne ne confirme ou infirme ».

Lorsqu'il a appris leur possible transfert vers al-Raqqa, bastion de l'EIIL dans le nord de la Syrie, Youssef a déclaré : « J'étais aussi terrifié que tout le monde ».

Youssef, qui s'occupe de la femme de son fils, Ghinwa, et du fils de 2 ans du couple, a indiqué qu'il pense que les opérations militaires en cours finiront par débarrasser al-Raqqa de l'EIIL et révéleront le destin des soldats.

Suivre les informations sur l'EIIL

Nitham Mgheit, frère de l'adjudant enlevé Ibrahim Mgheit, a déclaré à Al-Mashareq que sa famille, comme celle des autres soldats, « vit une tragédie quotidienne ».

« La nouvelle de leur présence à al-Raqqa a augmenté nos craintes », a-t-il poursuivi. « Nous suivons les informations et nous regardons toutes les chaînes pour apprendre ce qui se passe en Syrie et à Mossoul. »

Comme Youssef, Mgheit a expliqué que les familles avaient reçu des informations contradictoires sur l'emplacement de leurs fils, « quelqu'un nous avait dit qu'ils étaient à Mossoul, et aujourd'hui qu'ils étaient à al-Raqqa ».

« Nos craintes ont été encore intensifiées par la nouvelle de leur présence à al-Raqqa », a-t-il déclaré. « Nous sommes devenus obnubilés par les nouvelles des batailles contre l'EIIL. »

« Nous avons souvent pensé revenir à Arsal pour les chercher », a-t-il avoué. « Je ne sais pas comment répondre aux trois fils de mon frère. Ils me posent des questions sur lui tous les jours, au point que son fils Hamza, âgé de cinq ans, veut aller le chercher lui-même. »

Mgheit a indiqué que la fille de son frère était née après son enlèvement, et qu'elle ne le connaît qu'à travers des photos. Entre-temps, a-t-il ajouté, la femme de son frère vit sous sédatifs et ses parents ne peuvent pas s'arrêter de pleurer.

« Notre état mental est extrêmement mauvais », a confié Mgheit. « Nous ne pouvons pas trouver de nouvelles sur eux ou s'ils sont en vie. »

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