Terrorisme

L'EIIL impose des taxes plus lourdes aux agriculteurs d'al-Raqa

Par Waleed Abu al-Khair au Caire

Un agriculteur syrien récolte ses cultures à al-Raqa. [Photo fournie par Mohammed al-Abdullah]

Un agriculteur syrien récolte ses cultures à al-Raqa. [Photo fournie par Mohammed al-Abdullah]

Alors que le blocus financier se resserre autour de « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL), coupant les routes de son trafic de pétrole et tarissant ses sources de financement, le groupe impose de nouvelles taxes aux habitants pour compenser ses pertes.

Début mai, l'EIIL a distribué un « formulaire de collecte de la zakat » aux agriculteurs de la province syrienne d'al-Raqa, ont expliqué les habitants. Les responsables religieux ont qualifié cet acte de « vol pur et simple », car il ne respecte pas les règles de la zakat stipulées par la charia.

Essam Othman, habitant d'al-Raqa qui a demandé à utiliser un pseudonyme par peur pour sa sécurité, a confié à Al-Shorfa qu'il avait vu un exemplaire du formulaire distribué par le Centre de la zakat et de la charité de Bayt al-Mal, le « ministère des Finances » de l'EIIL.

Ce formulaire définit les taxes devant être payées sur les terres arables cultivées avec des céréales comme le blé et l'orge, des légumes et des fruits, et du bétail comme les chameaux, les vaches, les moutons et les chèvres, a-t-il précisé.

Une autre section est consacrée aux frais devant être payés surf l'or, l'argent, la monnaie et les stocks commerciaux, ou les inventaires de biens détenus par les marchands, a-t-il ajouté.

Collecte non autorisée de la zakat

L'EIIL a commencé une collecte non autorisée de la zakat lorsqu'il a pris le contrôle de la région, a affirmé Othman, mais il est plus strict cette année en raison de l'intensification des frappes aériennes et des pertes des sources de financement qu'elles ont engendrées.

Le groupe a perçu la zakat de tous les agriculteurs, même ceux qui cultivent de petites parcelles et dont les récoltes sont à peine suffisantes pour nourrir leurs familles, a-t-il expliqué.

« L'on sait par exemple que la zakat n'est imposée qu'à ceux qui possèdent plus de 40 têtes de bétail », a-t-il indiqué. « Mais le groupe l'impose à tous, quel que soit le nombre de têtes. »

De plus, la zakat sur les cultures a été fixée à 10 % de la récolte (un pourcentage plus élevé que le montant prescrit), a-t-il déclaré.

La zakat imposée par l'EIIL inclut également ceux qui possèdent des machines agricoles utilisées pour la récolte ou la cueillette des fruits, a indiqué Ali Saeed, un commerçant d'al-Raqa qui a souhaité utiliser un pseudonyme.

« Ces gens avaient déjà payé leurs taxes au groupe, et voilà qu'ils payent encore à la saison des récoltes », a-t-il déclaré à Al-Shorfa.

En plus de leur prendre de l'argent, l'EIIL cherche aussi à contrôler leurs heures de travail et leur accès au carburant nécessaire pour l'utilisation de leurs machines, pour lequel ils font payer des prix astronomiques.

Des éléments de l'EIIL perçoivent la zakat sur les récoltes en nature, puis les revendent à des prix plus élevés pour augmenter leurs profits, a-t-il expliqué.

Les agriculteurs n'ont pas le droit de faire leurs récoltes avant d'obtenir les autorisations nécessaires prouvant le paiement de la zakat, a ajouté Saeed.

L'EIIL enfreint la charia

L'EIIL impose la zakat sur tout le bétail possédé par les agriculteurs, quelle que soit la méthode employée pour l'élever ou la quantité, a indiqué Sheikh Moaz Abdul Karim, ancien prédicateur à la mosquée al-Omar de la ville d'Alep et qui habite maintenant au Caire.

C'est un « non-respect fondamental » de la charia et de ses clauses sur la collecte de la zakat, a-t-il affirmé à Al-Shorfa.

La zakat n'est pas due pour le bétail qui doit trouver sa nourriture pendant cinq mois ou plus, a-t-il expliqué, et elle n'est due que sur un certain nombre de bêtes. Plus précisément, plus de 30 vaches, 40 moutons ou cinq chameaux.

Qui plus est, a-t-il ajouté, le bétail de travail, comme les animaux utilisés pour le labourage, est exempté de zakat.

« Les pratiques de l'EIIL ne sont rien d'autre qu'une forme de paiement de tribut auquel les citoyens sont soumis pendant que la Syrie connaît la guerre », a-t-il déclaré.

Les agriculteurs syriens souffrent des excès de l'EIIL, car leurs récoltes suffisent à peine à assurer leur propre consommation, a-t-il ajouté, notant que la plupart des familles entreposent des réserves pendant la saison des récoltes pour leur consommation de l'année.

« Le concept fondamental de la zakat est la redistribution de l'argent aux pauvres, aux veuves et aux orphelins, mais le groupe terroriste de l'EIIL utilise cet argent pour acheter des armes et payer le salaire de ses militants », a-t-il déclaré.

« L'imposition de la zakat en temps de guerre et de pauvreté généralisée est soumise à des règles qui, par exemple, exemptent les agriculteurs et les pauvres de son paiement, pour les aider à passer les moments difficiles qu'ils traversent », a-t-il ajouté.

Le paiement de la zakat est basé sur le revenu disponible comme forme de solidarité sociale, pas pour rendre les pauvres encore plus pauvres, a conclu Abdul Karim.

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