Les habitants de la ville syrienne de Manbij, dans la province d'Alep dans le nord du pays, ont indiqué à Al-Shorfa qu'ils souffrent sous le siège total qui leur est imposé par « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL), alors qu'une opération de libération de la ville monte en puissance.
« La campagne de Manbij a commencé mardi 31 mai », a déclaré Rami Abdel Rahman, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme à l'AFP.
« Au cours des dernières 24 heures, les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont pris le contrôle de neuf villages à l'ouest de l'Euphrate », a-t-il précisé, s'approchant à 18 km de la ville.
Le conseiller militaire des FDS Nasser Haj Mansour a indiqué que des combattants de l'alliance arabo-kurde se dirigeaient du barrage de Tishreen sur l'Euphrate vers Manbij.
« Les combats sont féroces et intenses », a-t-il déclaré.
Par ailleurs, la coalition a annoncé mercredi qu'elle avait mené dix-huit frappes aériennes près de Manbij, frappant le quartier général de l'EIIL, des tours de communication, six unités tactiques et huit positions de combat de l'EIIL, ainsi que d'autres cibles.
Blocus pour les habitants
À l'intérieur de la ville, l'EIIL a interdit toute forme de communication avec le monde extérieur et a imposé des taxes exorbitantes aux commerces, aux agriculteurs et aux transports, ce qui a conduit à une forte augmentation des prix, ont expliqué des habitants à Al-Shorfa.
« La situation est extrêmement grave », explique Mustafa Khalid, habitant de Manbij, qui a demandé à utiliser un pseudonyme par peur pour sa sécurité.
« Les habitants vivent leurs jours les plus sombres depuis le début des événements en Syrie en 2011 », affirme-t-il à Al-Shorfa.
Il précise que l'EIIL a imposé un blocus à Manbij et aux zones rurales environnantes, et interdit aux habitants de partir.
La région est densément peuplée, car des milliers de Syriens en provenance d'autres zones y ont été déplacés, ajoute-t-il, soulignant qu'il y a actuellement 400 000 habitants dans la ville, et environ 500 000 dans son arrière-pays.
Les résidents ont uniquement le droit de se déplacer entre Manbij et le bastion de l'EIIL d'al-Raqa, explique-t-il, les zones alentours étant contrôlées par d'autres factions d'opposition ; l'EIIL ouvre le feu sur toute personne suspectée de s'y rendre.
Le groupe interdit aux habitants d'utiliser les lignes téléphoniques turques, qui sont les seules fonctionnant dans la région, ajoute-t-il, et impose une amende pouvant aller jusqu'à 400 000 livres syriennes (1 819 USD) par infraction.
Il interdit également de façon permanente aux propriétaires de cybercafés d'utiliser l'internet, explique Khalid, et des membres de la « police religieuse » du groupe mènent des raids dans les boutiques et les maisons pour y débusquer les habitants qui ne se plieraient pas aux règles.
Il ajoute que plus tôt dans l'année, la brigade entièrement féminine al-Hesba a commencé a fouillé des femmes dans la rue et sur des marchés, et que l'EIIL a imposé un couvre-feu de minuit à sept heures du matin, arrêtant toute personne qui ne le respecterait pas.
Les taxes de l'EIIL font augmenter les prix
L'EIIL a augmenté les taxes qu'il prélève aux commerçants de Manbij à 30 000 livres syriennes (136 USD) par mois, explique Fahd Suleiman, commerçant de la ville, qui a demandé à utiliser un pseudonyme par peur pour sa sécurité.
À cela viennent s'ajouter d'autres taxes que le groupe impose aux activités de transport normales ou commerciales, demandant aux propriétaires de taxis de payer au moins 2 000 livres syriennes (9 USD) par mois et 5 000 (23 USD) aux camions de transport, précise-t-il pour Al-Shorfa.
« Les agriculteurs n'ont pas été épargnés par les taxes. Ils doivent s'acquitter de 11 livres (50 USD) par hectare et par saison », ajoute-t-il.
L'EIIL a également imposé des contrôles stricts sur les canaux d'irrigation, n'autorisant que ceux qui paient la taxe à les utiliser, explique Suleiman.
Ces augmentations ont entraîné une montée des prix à des niveaux jamais atteints, le prix du pain atteignant 300 livres (1,36 USD), un kilo de sucre 12 000 livres (55 USD), et un kilo de viande 20 000 livres (91 USD), indique-t-il.
Suleiman explique que le groupe a également fermé les centres de transfert d'argent, ce qui a laissé de nombreuses personnes sans revenus, car elles dépendaient des versements provenant de parents vivant à l'étranger.
« Il est évident que le groupe exerce sa revanche sur les habitants parce qu'ils ont été les seuls à ne pas se laisser faire et a rejeter ouvertement sa présence », ajoute-t-il, faisant référence aux manifestations constantes que connaît la ville depuis novembre pour exprimer sa colère face aux agissements de l'EIIL.
« Les éléments du groupe considèrent que chacun est un agent de la coalition internationale, des FDS ou d'autres factions qui combattent l'EIIL, et ils réagissent en conséquence », explique-t-il.
Préparations pour la libération de Manbij
Depuis que les frappes aériennes de la coalition se sont intensifiées dans la zone, le groupe a commencé à déplacer ses postes et ses abris dans la ville, explique Suleiman.
Cela fait courir un grand risque aux habitants, ajoute-t-il.
En avril, le Conseil militaire de Manbij, composé de sept factions différentes des FDS et dirigé par un conseil de commandement de treize membres, a été mis en place pour défendre les habitants de la ville contre l'EIIL, a déclaré le commandant de peloton du conseil Ghassan Ibrahim.
La bataille pour libérer Manbij comporte plusieurs objectifs, a-t-il précisé pour Al-Shorfa.
« Le premier est de débarrasser les citoyens de l'injustice à laquelle ils sont soumis », a-t-il indiqué. « Le second concerne l'importance stratégique de la région, car la libérer isolerait complètement al-Raqa, qui est connecté aux zones rurales d'Alep à l'est et au nord par Manbij. »
La libération de Manbij préparera le terrain pour l'élimination complète de l'EIIL, ou tout du moins la confinera à al-Raqa, a ajouté Ibrahim.
Le travail est en cours avec les FDS, et la communication est en train d'être établie avec toutes les composantes ethniques, y compris les tribus kurdes, turkmènes et arabes en vue de coordonner les opérations militaires, a-t-il conclu.