Droits de l'Homme

Les Syriens qui reviennent sont arrêtés et torturés par le régime

Nohad Topalian à Beyrouth

Le réfugié syrien Ahmed Ibrahim est rentré chez lui dans la ville d'Hama, où il a été arrêté et torturé par les forces du régime syrien, qui ont utilisé une perceuse pour lui faire des trous dans le dos. [Photo fournie par Ahmed Ibrahim]

Le réfugié syrien Ahmed Ibrahim est rentré chez lui dans la ville d'Hama, où il a été arrêté et torturé par les forces du régime syrien, qui ont utilisé une perceuse pour lui faire des trous dans le dos. [Photo fournie par Ahmed Ibrahim]

Certains réfugiés syriens qui ont choisi de rentrer dans leur pays d'origine ont été arrêtés et torturés par le régime syrien, malgré le fait que le régime ait assuré qu'il fournirait un passage sûr aux rapatriés, militants et anciens détenus.

Ahmed Ibrahim, âgé de 35 ans, a déclaré à Al-Mashareq qu'il ne savait pas que son retour à Hama, sa ville natale, lui coûterait si cher et qu'il serait soumis à des séances de torture entraînant une perte de mémoire.

« Quand le régime a donné des garanties de sécurité, j'ai fait mes valises et je suis revenu à Hama depuis la Turquie », a-t-il raconté, utilisant un pseudonyme pour sa sécurité.

Mais quelques jours seulement après son retour, a-t-il rapporté, il a été arrêté par des agents de la branche d'Hama de la Direction du renseignement de l'armée de l'air, et conduit à leur quartier général à l'aéroport militaire d'Hama.

« Marques permanentes de torture »

« J'ai été détenu dans une cellule de groupe et soumis à des interrogatoires et toutes sortes de tortures », a rapporté Ibrahim.

« Ils voulaient savoir avec qui j'avais manifesté, les militants et les membres de l'opposition avec qui je communiquais », a-t-il indiqué, entre autres informations.

« La torture que m'ont infligée les directions du renseignement et de l'information de l'armée de l'air s'est poursuivie pendant une semaine entière, jusqu'à ce que je m'effondre complètement », a-t-il déclaré.

« Ils me pendaient au plafond tous les jours », a-t-il relaté. « Je me tenais sur mes orteils, et ils perçaient des trous dans mon dos avec une perceuse électrique, et ont essayé de faire des trous dans mes orteils avec un tournevis».

« Le perçage des trous dans mon dos était si douloureux que j'ai perdu connaissance, et ils ont dû me transporter à l'hôpital national [d'Hama] pour que j'y sois soigné », a-t-il rapporté.

Ibrahim a ensuite été renvoyé au centre de détention puis relâché, avant d'être ramené quatre jours plus tard à la Direction du renseignement de l'armée de l'air, où il a subi une nouvelle série de tortures et a été condamné à mort par pendaison.

« Cependant, mon envoi à l'hôpital une deuxième fois m'a sauvé, car l'imam de la mosquée est intervenu auprès de la Commission nationale de réconciliation, et j'ai été libéré », a-t-il fait savoir.

« J'ai à nouveau fui vers la Turquie, portant sur mon corps des marques permanentes de torture».

Détention documentée de rapatriés

Le Réseau syrien pour les droits de l'homme a documenté « pas moins de 1 916 détentions par les forces du régime de Syriens revenus dans leur lieu de résidence d'origine », a fait savoir Nour al-Khatib, responsable du département des détenus du réseau.

Ces chiffres, qui incluent les rapatriés des pays d'accueil de réfugiés ou des pays de résidence, ont été documentés entre début 2014 et mai 2019, a-t-elle indiqué à Al-Mashareq, et comprennent 219 enfants et 157 femmes.

Au moins 784 des personnes détenues sont toujours incarcérées, dont 638 ont disparu de force dans les centres de détention de Damas.

« Nous avons documenté la libération des autres, certains étant recherchés pour le service militaire et ayant été emmenés pour l'effectuer », a précisé al-Khatib.

Beaucoup de réfugiés sont rentrés du Liban par les passages frontaliers dans le cadre du programme de retour volontaire lancé par la Direction générale de la sûreté générale du Liban début 2018, a-t-elle expliqué.

D'autres sont revenus de Jordanie par le point de passage de Jaber-Nassib, ou depuis la Turquie.

La plupart des rapatriés « ont communiqué avec des comités de réconciliation et des comités de réinstallation basés dans les ambassades des pays d'accueil de réfugiés afin de régler leur statut, ou avec des intermédiaires en Syrie », a-t-elle déclaré.

« La plupart de ceux qui ont communiqué avec ces comités ont reçu la garantie qu'ils ne seraient pas harcelés, mais ces garanties et ces promesses ne sont que des mots », a déploré al-Khatib.

« Beaucoup d'entre eux sont arrêtés aux postes-frontière ou quelques jours après leur retour », a-t-elle ajouté, signalant que les branches locales de la sécurité effectuent des raids à leur domicile.

Nombre d'entre eux « disparaissent de force, meurent sous la torture ou sont renvoyés devant des tribunaux de terrorisme, militaires ou civils, selon les charges retenues contre eux », a rapporté al-Khatib, à l'exception de quelques-uns qui sont libérés après avoir versé des pots-de-vin.

La promesse du régime de ne pas poursuivre ceux qui sont recherchés pour le service militaire « n'a pas été tenue, car ces hommes sont détenus et torturés, puis emmenés pour accomplir leur service dans l'armée ou la réserve et envoyés sur les champs de bataille actifs », a-t-elle déclaré.

Un certain nombre de rapatriés viennent des provinces de Damas, Homs et Daraa, la plupart ayant entre 19 et 50 ans, a-t-elle indiqué, notant que la plupart sont arrêtés pour des accusations qui remontent à avant leur départ de Syrie.

« Torture physique et psychologique »

Qassim, âgé de 38 ans et ayant demandé à utiliser un pseudonyme, a déclaré à Al-Mashareq qu'il avait été arrêté à son retour du Liban en septembre 2018, à un poste de contrôle près d'Hama.

« J'ai été emmené au [quartier général] de la branche de la sécurité militaire, où j'ai été placé en cellule d'isolement pendant une semaine entière, puis transféré dans une cellule contenant un grand nombre de détenus », a-t-il raconté.

« J'ai été accusé d'avoir soutenu des groupes armés et terroristes dans la ville, et j'ai été soumis à des tortures physiques et psychologiques », a-t-il rapporté.

« Celles-ci comprenaient l'utilisation de la méthode de torture al-doulab (pneu), par laquelle les jambes et la tête d'un détenu sont placées dans la cavité d'un pneu, et al-Falaqa (fouet sur les pieds), ainsi que l'humiliation et les insultes », a-t-il déclaré.

« Ils m'ont accusé de tout ce qu'ils pouvaient, mais j'ai affirmé que j'étais au Liban pendant tout ce temps, ce qui les mettait en colère et les poussait à me torturer, parce qu'ils voulaient que j'avoue ce que je n'avais pas fait », a-t-il rapporté.

« j'étais mené à l'enquête les yeux bandés et les mains liées derrière le dos, de sorte que je ne pouvais pas voir ce qui se passait autour de moi, pas même le visage de l'interrogateur », a-t-il ajouté.

Après deux mois, il a été établi que Qassim n'était pas coupable des accusations portées contre lui, et il a été libéré.

« Ma peur extrême de revivre ce que j'ai vécu m'a poussé à fuir la Syrie et à vivre loin de ma famille », a-t-il conclu.

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1 COMMENTAIRE (S)

Politique Commentaire * INDIQUE CHAMP NÉCESSAIRE 1500 / 1500

Dieu me suffit et il est le meilleur préposé aux affaires! Où sont les organisations de défense des droits de l'homme? Où est l’opinion publique mondiale? Où sont les dirigeants arabes? Où sont les sommets? Ne devrait-il pas être une priorité de discuter des souffrances du peuple syrien? Les peuples opprimés ne devraient-ils pas avoir le droit de demander à quelqu'un de les défendre, même avec un seul mot?! La conscience du monde est-elle morte?! Il y a beaucoup de questions auxquelles il faut répondre. Il y a beaucoup de victimes qui ont besoin de justice. Cependant, où est la justice?! Nous devrions seulement attendre la justice divine.

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