Politique

Des analystes critiquent les tentatives de l'Iran de museler ses opposants en Irak

Faris Omran

Shawkqi al-Haddad, assassiné le 3 juillet après avoir accusé l'Iran d'avoir falsifié les élections irakiennes, sur une photo publiée sur son compte Facebook personnel le 11 août 2016.

Shawkqi al-Haddad, assassiné le 3 juillet après avoir accusé l'Iran d'avoir falsifié les élections irakiennes, sur une photo publiée sur son compte Facebook personnel le 11 août 2016.

Politologues et spécialistes irakiens de la sécurité font part de leurs préoccupations concernant l'ingérence de l'Iran dans les affaires de leur pays, affirmant que l'Iran a tenté d'abattre des personnalités irakiennes opposées à sa politique interventionniste.

Dans un article daté du 29 novembre, le quotidien britannique The Telegraph fait état de l'utilisation par Téhéran « d'équipes de frappe en Irak pour faire taire les critiques sur les tentatives iraniennes de s'immiscer dans les affaires du nouveau gouvernement irakien ».

Selon le Telegraph, ces équipes auraient été déployées sur les ordres du major général Qassem Suleimani, commandant de la force d'élite Qods du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI-FQ).

Parmi leurs cibles se trouvait le responsable irakien Adel Shaker al-Tamimi, fervent critique du régime iranien et allié de l'ancien Premier ministre Haider al-Abadi, qui aurait été assassiné par une unité de la force Qods en septembre, a poursuivi le Telegraph.

Des combattants de la milice pro-iranienne Harakat al-Nujaba participent à un défilé à Bagdad. [Photo extraite de la page Facebook d'Harakat al-Nujaba]

Des combattants de la milice pro-iranienne Harakat al-Nujaba participent à un défilé à Bagdad. [Photo extraite de la page Facebook d'Harakat al-Nujaba]

En août, Rady al-Tai, conseiller auprès de l'imam chiite Ali al-Sistani, avait survécu à une tentative d'assassinat après avoir appelé à une réduction de l'influence iranienne dans le nouveau gouvernement.

Et le 3 juillet, Shawkqi al-Haddad, allié de l'imam Moqtada al-Sadr, avait été assassiné après avoir accusé l'Iran d'avoir truqué l'élection irakienne.

« Une politique d'élimination »

Ces récents assassinats s'inscrivent dans « la politique d'élimination par le régime iranien » de ses opposants, a déclaré à Diyaruna le politologue irakien Adel al-Ashram Ben Ammar.

L'Iran a « une longue tradition » de tels crimes contre ceux qui résistent à son influence et ses ambitions, a-t-il ajouté.

L'Iran a tenté de collecter des informations sur tous les responsables politiques et religieux et les militants qui ne lui sont pas favorables, a-t-il poursuivi.

Cela est surtout vrai après les récentes manifestations anti-Iran qui ont eu lieu en Irak et le fort ressentiment quant au rôle destructeur que l'Iran joue en Irak au travers des milices affiliées au CGRI.

Sur le plan politique, a-t-il expliqué, l'Iran s'est attaché à tenter d'attirer l'Irak dans son orbite alors qu'il est face à des sanctions économiques et à la pression internationale.

« Il existe une forte volonté d'ouvrir le marché iranien [sur l'Irak] et de contourner les sanctions et d'atténuer leur impact sur l'économie iranienne », a-t-il ajouté.

Déploiement iranien en Irak

Les forces du CGRI-FQ, les forces paramilitaires Basij et les agences de renseignement iraniennes se sont déployées en secret dans Bagdad et dans les provinces du sud de l'Irak, a expliqué à Diyaruna Sheikh Muzahim al-Huweit, porte-parole des forces tribales de Ninive.

« Ces équipes ont reçu des ordres des dirigeants iraniens, notamment du commandant de la Force Qods, Qassem Suleimani, pour procéder à des assassinats sélectifs », a-t-il précisé.

Ces ordres ont visé « des personnalités politiques et religieuses et des militants patriotiques qui s'opposent à la politique iranienne et critiquent ouvertement son ingérence dans les affaires irakiennes », a-t-il ajouté.

Selon al-Huweit, il s'agit-là « d'une tentative de faire taire les voix irakiennes libres qui suivent un chemin patriotique et rejettent l'expansion iranienne ».

L'Iran se trouve actuellement dans une sérieuse impasse, avec une économie qui s'effondre par suite des sanctions américaines et un isolement de plus en plus prononcé sur la scène internationale, a poursuivi al-Huweit.

Ces récents assassinats « s'inscrivent dans le cadre d'une politique hégémonique » et font peser une forte pression politique sur la souveraineté irakienne « par la force de l'intimidation », a-t-il expliqué.

« Il s'agit d'un tournant dangereux et nous avions déjà mis en garde sur le fait que Téhéran pourrait avoir recours à des moyens plus violents pour maintenir son influence dans la région en réponse aux pressions qu'il connaît », a-t-il ajouté.

« Un message menaçant »

L'Iran a l'intention d'exporter ses problèmes et ses crises avec la communauté internationale aux pays voisins, a expliqué à Diyaruna le spécialiste en stratégie Alaa al-Nashou.

« Le but de l'Iran est de renforcer son hégémonie sur ces pays et de les contraindre à se soumettre à sa volonté en liquidant ses opposants », a-t-il ajouté.

Ces assassinats sont exécutés par « les renseignements iraniens et le CGRI, avec l'aide des milices irakiennes appuyées par l'Iran », a-t-il indiqué, et cherchent à éliminer les personnalités irakiennes qui « se mettent en travers des ambitions iraniennes ».

L'Iran cherche également à « envoyer un message menaçant au monde », a-t-il conclu, en tentant de montrer qu'il peut « plonger l'Irak et toute la région dans le chaos et les conflits internes » en réponse au renforcement des pressions et des sanctions.

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