Analyse

La propagande iranienne inquiète la région

Waleed Abou al-Khair au Caire

Al-Manar TV, qui appartient au Hezbollah, est l'une des principales branches médiatiques affiliées à l'Iran. [Photo diffusée sur internet]

Al-Manar TV, qui appartient au Hezbollah, est l'une des principales branches médiatiques affiliées à l'Iran. [Photo diffusée sur internet]

L'Iran diffuse une propagande qui cherche à influencer l'opinion publique mondiale à travers des dizaines de sites d'actualités dans le monde, sous couvert d'organes de presse locaux, a révélé l'agence Reuters dans un rapport spécial publié le 30 novembre.

Dans son rapport, Reuters a identifié plus de 70 sites internet dans quinze pays qui font de la propagande iranienne.

« Ces sites mettent en avant la façon dont les acteurs politiques du monde entier font de plus en plus circuler sur internet des informations fausses ou déformées afin d'influencer l'opinion publique », a précisé le rapport.

Ces sites ont été découverts grâce à des recherches menées par des firmes de cybersécurité comme FireEye, a indiqué le rapport, et ils ont été actifs à différents moments depuis 2012.

Ce site internet, destiné à un public égyptien, est en fait affilié au régime iranien.

Ce site internet, destiné à un public égyptien, est en fait affilié au régime iranien.

Le journal iranien Kayhan, qui publie une édition en langue arabe distribuée au Moyen-Orient, sert de tribune à l'idéologie du CGRI.

Le journal iranien Kayhan, qui publie une édition en langue arabe distribuée au Moyen-Orient, sert de tribune à l'idéologie du CGRI.

Ils proposent un mélange d'informations et sont conçus comme des médias d'actualités classiques, selon le rapport de Reuters.

« Un problème très grave »

Le rapport de Reuters sur la machine d'influence médiatique iranienne « met en lumière un problème très grave », a déclaré Mazen Zaki, directeur du nouveau département médias du Centre égyptien Ibn al-Waleed d'études et de recherche sur le terrain.

Ces efforts pour influencer l'opinion publique « sont menés selon un plan bien pensé, qui exige un plan encore plus puissant pour le contrer et l'éliminer », a-t-il affirmé à Al-Mashareq.

Avec ces médias, a-t-il expliqué, l'Iran exploite les technologies modernes de communication pour mener « une politique de saturation médiatique afin de répandre ses idées de façon indirecte en déformant et en manipulant les faits ».

« En plus des chaînes et des sites dont l'orientation [favorable à l'Iran] n'est pas un secret, comme al-Manar [au Liban] et d'autres, il existe des dizaines de chaînes et de sites qui sont totalement anonymes et qui publient des actualités dirigées », a-t-il rapporté.

Par exemple, a-t-il poursuivi, « un site internet qui porte un nom égyptien et a une adresse au Caire » répand de la désinformation qui nuit aux relations étrangères de l'Égypte, « en particulier avec les États-Unis et les États du Golfe ».

« Au Yémen, certains sites incitent à rejeter le gouvernement légitime et glorifient les milices houthies, les présentant comme les sauveurs du peuple yéménite », a-t-il ajouté.

La même chose se produit à Deir Ezzor en Syrie, a-t-il fait savoir, où les efforts de la coalition internationale et de ses alliés pour lutter contre « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) sont sapés par des sites qui répandent des informations fausses du même type.

En plus de faire circuler des rumeurs, a déclaré Zaki, ces médias « disséminent de la désinformation sur le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) », partageant des nouvelles de fausses victoires pour glorifier le groupe.

Apologie de Wilayat al-Faqih

« La prolifération du CGRI au Moyen-Orient est basée sur la fomentation de divisions, de crises, de troubles et de guerres sectaires et religieuses internes », a déclaré Hassan Afifi, conférencier à la faculté des médias de l'université du Caire.

« Cela nécessite bien sûr une énorme machine médiatique chargée de propager de fausses informations et de la désinformation », a-t-il expliqué à Al-Mashareq.

« En 1979, après la prise de pouvoir du CGRI en Iran, l'effort médiatique avait d'abord commencé en interne, pour répandre l'idéologie de Wilayat al-Faqih, puis il s'est ensuite rapidement étendu au-delà des frontières de l'Iran », a-t-il déclaré.

La doctrine de Wilayat al-Faqih (Tutelle du Juriste) appelle à l'allégeance au leader suprême de l'Iran, Ali Khamenei.

Les premières mesures trompeuses prises par les médias iraniens à l'étranger l'ont été au Liban, avec la diffusion d'éditions en langue arabe de journaux iraniens, en tête desquels le journal Kayhan, a indiqué Afifi.

Celles-ci portaient principalement sur les affaires du Liban et du Golfe, et ont posé les fondations des nouvelles idées et de la nouvelle idéologie qui émanaient d'Iran, a-t-il fait savoir.

« Des milliers d'exemplaires de ces journaux ont été distribués gratuitement par le biais du bureau de l'attaché culturel de l'ambassade d'Iran à Beyrouth », a-t-il rappelé.

« La presse écrite, comme les journaux et les magazines, a ensuite été publiée depuis le Liban avec l'augmentation de l'influence du Hezbollah, à commencer par le journal al-Ahd, distribué gratuitement à grande échelle dans toutes les régions sous le contrôle du parti, ainsi que celles qu'il essayait de contrôler », a raconté Afifi.

Sont venues s' ajouter par la suite une station de radio (al-Nour) et une chaîne de télévision (al-Manar), qui continuent d'émettre encore aujourd'hui, a-t-il rapporté.

Manipulation de la technologie

« Les progrès technologiques rendent difficile la traque des sites internet et des chaînes satellite pour les arrêter », a expliqué Mahmoud Shahin, professeur à la faculté d'ingénierie de l'université d'Helwan et conseiller technique d'une société de télécommunications.

« Ces technologies permettent de publier depuis n'importe où dans le monde et de cacher la source », a-t-il précisé à Al-Mashareq, pointant en particulier la dissimulation des adresses IP et l'utilisation d'adresses web frauduleuses (URL).

« Il en va de même pour les chaînes de télévision, car il est possible de diffuser par le biais d'un satellite et de relayer le signal vers un autre, en profitant de la proximité des satellites et de leurs fréquences », a-t-il ajouté.

« Ce qui est plus dangereux qu'un site en particulier, ce sont les comptes de réseaux sociaux qui font la promotion de ce site et rediffusent les actualités qu'il publie », a prévenu Shahin.

« Le CGRI dispose d'un arsenal médiatique en ligne spécialisé, et d'énormes quantités d'argent sont dépensées pour que ces médias agissent comme ils le font », a-t-il conclu.

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