Éducation

En pleine guerre, un enseignant yéménite transforme sa maison en école

Nabil Abdoullah al-Tamimi à Aden

Des élèves se mettent en rang devant l'école Al-Nahda dans le district de Wadi al-Salmi, dans l'ouest de Taez, pour commencer leur journée d'école. [Photo fournie par Adel al-Shurihi]

Des élèves se mettent en rang devant l'école Al-Nahda dans le district de Wadi al-Salmi, dans l'ouest de Taez, pour commencer leur journée d'école. [Photo fournie par Adel al-Shurihi]

Lorsque l'année scolaire 2014-2015 a été perturbée par le début de la guerre, l'enseignant yéménite Adel al-Shurihi et ses collègues ont décidé de prendre les choses en main en ouvrant une école temporaire.

Certaines écoles de la province de Taez, dans l'ouest du pays, ont été détruites lors des combats contre les Houthis (Ansarallah) soutenus par l'Iran, et la plupart des établissements ont été contraints de fermer pour le deuxième semestre, dans un contexte de poursuite du conflit.

« Les élèves ont été privés du deuxième semestre de l'année scolaire 2014-2015, et nous avons constaté au début de l'année 2015-2016 qu'ils allaient encore une fois se retrouver sans école », a raconté al-Shurihi à Al-Mashareq.

Pour répondre à cette situation, a-t-il poursuivi, « plusieurs enseignants et moi-même avons décidé d'ouvrir une école en transformant ma maison en établissement temporaire ».

Une salle de cours remplie de chaises dans l'école Al-Nahda dans l'ouest de Taez, un établissement temporaire où habitait auparavant l'enseignant Adel al-Shurihi. [Photo fournie par Adel al-Shurihi]  

Une salle de cours remplie de chaises dans l'école Al-Nahda dans l'ouest de Taez, un établissement temporaire où habitait auparavant l'enseignant Adel al-Shurihi. [Photo fournie par Adel al-Shurihi]  

Des enfants yéménites suivent un cours le 3 octobre 2018 dans une maison transformée en école de fortune dans la ville de Tez, dans le sud-ouest du pays. [Ahmad al-Basha/AFP]

Des enfants yéménites suivent un cours le 3 octobre 2018 dans une maison transformée en école de fortune dans la ville de Tez, dans le sud-ouest du pays. [Ahmad al-Basha/AFP]

« La première année, nous avons reçu 500 garçons et filles », a-t-il rapporté, notant que pour l'année scolaire en cours, ce chiffre est passé à 762 élèves, du primaire au collège.

L'école Al-Nahda accueille des élèves du district de Wadi al-Salmi, dans l'ouest de Taez, payant les mêmes frais de scolarité symboliques que dans les écoles publiques, a-t-il précisé.

Après trois ans de guerre, le système éducatif du Yémen est en ruines, et près de deux millions d'enfants dans tout le pays sont déscolarisés, selon l'UNICEF.

L'école Al-Nahda est le seul espoir des habitants de la région pour que les enfants poursuivent leur éducation, a expliqué al-Shurihi, ajoutant que l'école la plus proche est à plus de cinq kilomètres.

Bien qu'elle réponde à un besoin vital, cette école n'a reçu que la moitié de l'aide dont elle a besoin de la part du Bureau de l'éducation, telle que des manuels et des fournitures.

Enseignants rémunérés et bénévoles

L'école Al-Nahda emploie 38 enseignants rémunérés et bénévoles, a fait savoir al-Shurihi.

Vingt-deux d'entre eux perçoivent un salaire du ministère de l'Éducation, et les seize autres travaillent bénévolement pour aider les habitants de la région.

Certains enseignants bénévoles se rendent à l'école depuis des zones éloignées et demandent une indemnité de déplacement d'environ 200 riyals (0,80 $) par jour, a-t-il précisé.

Mais pour ce qui est de l'aide financière, « l'école dépend entièrement d'elle-même », a-t-il déclaré.

Le gouvernorat de Taez a salué cette initiative, et a promis une somme d'argent à l'école, a-t-il indiqué, qui sera destinée « à terminer l'installation des fenêtres de l'école pour protéger les élèves des vagues de froid pendant l'hiver ».

« L'école continuera de fonctionner jusqu'à ce que le Croissant-Rouge des Émirats arabes unis tienne sa promesse de bâtir une école dans la région, à 80 mètres de la nôtre », a-t-il indiqué..

Quant à son propre logement, al-Shurihi a précisé qu'il utilise le bâtiment adjacent à l'école pour lui et sa famille, bien qu'il soit très petit, afin de soutenir l'intérêt primordial pour l'éducation des enfants de la zone.

Soutien du gouvernement

Le Bureau de l'éducation de Taez soutient toutes les initiatives qui cherchent à assurer la poursuite du processus pédagogique, « notamment dans ces circonstances critiques », a déclaré Adel Shadad, directeur général du Bureau de l'éducation.

Le ministère de l'Éducation « soutient l'initiative de l'école Al-Nahda [...] et d'autres actions dans les districts d'al-Muzaffar et de Salh », a-t-il fait savoir à Al-Mashareq.

Le ministère fournit à ces écoles des manuels scolaires et des enseignants de la même manière que pour les écoles publiques, a-t-il expliqué.

Le ministère soutiendra l'initiative d'al-Shurihi tant qu'elle reste temporaire pour assurer la fonction d'école publique dans cette région, a déclaré Shaddad.

Après cela, a-t-il fait savoir, al-Shurihi aura deux options : transformer son établissement en école privée ou continuer comme école publique et recevoir une aide du gouvernement.

Éducation des générations futures

« L'initiative d'al-Shurihi est superbe et unique et elle nous a permis de découvrir un homme qui recherche la connaissance en temps de guerre, et un esprit qui souhaite un meilleur avenir en éduquant les générations futures », a déclaré Najeeb Qahtan, directeur général du Bureau d'informations de Taez.

L'école Al-Nahda a pour but de nourrir l'intellect et l'esprit, et est « une initiative lumineuse pour une génération qui a besoin d'être armée de connaissances constructives plutôt que d'armes de guerre et d'ignorance », a-t-il affirmé à Al-Mashareq.

« Al-Shurihi a donné son foyer et celui de sa famille pour le transformer en résidence de centaines d'esprits qui brilleront de tous feux », a ajouté Qahtan.

Al-Shurihi fait partie des hommes de Taez qui vivent selon l'adage que « le savoir passe avant tout », a-t-il poursuivi, appelant le gouvernement et l'autorité locale à lui apporter la reconnaissance appropriée pour ce qu'il a fait pour la communauté.

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