Politique

La Russie veut élargir son influence au Moyen-Orient

Waleed Abou al-Khair au Caire

Des soldats russes dans l'antique ville syrienne de Palmyre (Tadmor). [Vasily Maximov/AFP]

Des soldats russes dans l'antique ville syrienne de Palmyre (Tadmor). [Vasily Maximov/AFP]

La Russie cherche à élargir son influence au Moyen-Orient à travers une intervention militaire directe et l'utilisation de tactiques de puissance indirecte, qui comprend des accords commerciaux et le développement des institutions sociales et culturelles, ont déclaré des experts.

Après des années de baisse de son influence au Moyen-Orient, la Russie tente de toute évidence de s'immiscer dans les affaires régionales, a affirmé à Al-Mashareq l'avocat syrien Bashir al-Bassam.

Suite à l'intervention directe de la Russie dans le conflit syrien, qu'elle a rejoint en 2015 du côté du régime syrien de Bachar el-Assad, l'influence russe, qui se porte également sur le Liban et l'Égypte, a graduellement commencé à augmenter.

La Russie « a renforcé sa présence militaire historique » en Syrie, qui avant 2011 se limitait à des bases à Tartous et Banias, et à quelques sites de missiles anti-aériens, a expliqué al-Bassam.

Deux femmes visitent une exposition photographique au Centre culturel russe de Beyrouth. [Photo diffusée sur les réseaux sociaux]

Deux femmes visitent une exposition photographique au Centre culturel russe de Beyrouth. [Photo diffusée sur les réseaux sociaux]

Depuis 2015, la Russie a accès à « de nombreux aéroports et bases [militaires] » en Syrie, et « possède une présence militaire directe sur le terrain ».

La Russie tente aussi de renforcer ses « liens indirects » avec la Syrie en augmentant le nombre d'étudiants syriens faisant leurs études en Russie, et le nombre de bourses qui leur sont octroyées, a ajouté al-Bassam.

Elle a réussi à convaincre le régime syrien d'ajouter le russe comme lange de base dans ses programmes scolaires, a-t-il indiqué, soulignant que cela ne s'est pas limité aux zones contrôlées par le régime.

Avec ces mesures, a-t-il poursuivi, la Russie compte étendre son influence à toute la Syrie en promettant protection, influence et emplois, des entreprises russes étant prêtes à faire leur entrée dans les secteurs des mines, du pétrole et du gaz en Syrie une fois que la guerre aura pris fin.

Implantation au Liban

Au Liban, pays voisin, l'influence de la Russie remonte à longtemps, « et elle essaie aujourd'hui de tirer parti de ce passé » pour faire à nouveau ressentir son influence, a déclaré Mounir Wehbe, un homme d'affaires libanais ayant demandé à utiliser un pseudonyme.

La Russie a récemment proposé un contrat d'armement d'une valeur d'un milliard de dollars à l'armée libanaise à des conditions avantageuses, mais cela n'a pas abouti à cause du manque de consensus politique au Liban, a-t-il rapporté à Al-Mashareq.

Cet accord menaçait l'existence de programmes d'aide américains et britanniques en cours et aurait pu soumettre le pays à des sanctions, ont fait savoir plusieurs organes de presse.

« Des institutions culturelles comme le Centre culturel russe jouent également un rôle dans l'expansion et le renforcement des relations au niveau populaire », a expliqué Wehbe.

De nouveaux centres ont ouvert à Aley, Tripoli, Batroun, Baalbek, Beït Mery, Baaqlin, Nabatieh et Rashaya, a-t-il ajouté.

Malgré leur façade culturelle, le rôle principal de ces centres est la normalisation de la présence russe « et la dissémination des idées russes au Liban », a déclaré Wehbe.

Ils sont aidés en cela par les citoyens libanais ayant été éduqués en Russie, a-t-il souligné, et par des organisations comme l'Association de l'amitié libano-russe, et le Conseil d'affaires libano-russe.

« Par l'utilisation de cette puissance indirecte, la Russie cherche à s'établir d'importantes bases populaires au Liban, aidée à l'heure actuelle par ses bonnes relations avec le Hezbollah, le parti communiste libanais » et d'autres groupes qui soutiennent le régime syrien, a déclaré Wehbe.

Investissements en Égypte

« La Russie tente d'envahir l'Égypte économiquement », a déclaré à Al-Mashareq Rashad Amer, membre du comité d'investissement de l'Association des hommes d'affaires d'Égypte.

« Actuellement, les investissements russes en Égypte s'élèvent à plus de cinq milliards de dollars », a-t-il fait savoir, notant qu'il « existe plus de 400 entreprises opérant dans tous les secteurs ».

Ceci inclut tout, comme l'agriculture, l'industrie, les télécommunications, la finance, l'information et le pétrole, a-t-il détaillé.

En plus de l'expansion économique, « le Centre culturel russe et les délégations populaires russes augmentent les interactions avec de nombreux étudiants et hommes politiques égyptiens ».

« Le Centre culturel russe, à travers ses deux succursales principales au Caire et à Alexandrie offre beaucoup de services gratuits ou presque gratuits pour attirer les jeunes Égyptiens, et un grand nombre de bourses partielles ou complètes chaque année pour les Égyptiens qui partent étudier en Russie », a-t-il précisé.

La Société d'amitié égypto-russe, dirigée par Guevara al-Jafi, a aussi été très active ces derniers mois pour promouvoir la présence russe en Égypte, par le biais d'activités diverses, a-t-il ajouté.

Base stratégique

En mai, l'Égypte et la Russie ont signé un accord de sept milliards de dollars pour l'établissement d'une Zone industrielle russe (ZIR) dans l'est de la région de Port-Saïd.

Cet accord de 50 ans donnera aux entreprises russes le droit de transformer un terrain de la Zone économique du canal de Suez en une zone industrielle pour les entreprises russes, qui sera construite en trois phases.

Cela offre à la Russie une base stratégique en Égypte pour faciliter les exportations vers le reste du Moyen-Orient et l'Afrique.

La ZIR, qui doit ouvrir prochainement, a déjà attiré de nombreuses entreprises sociétés russes, a fait savoir Amer, comme Russian Helicopters, qui est spécialisée dans la fabrication d'hélicoptères civils, et Kamaz, qui produit des camions lourds.

Amer a noté que les Russes se focalisent sur les secteurs du pétrole et du gaz, des étapes initiales d'exploration au forage, à l'extraction et au raffinage.

« L'attention qu'ils portent à ce secteur est due à sa vitalité économique et au fait qu'il assure à la Russie une présence clef dans la région », a-t-il déclaré.

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