Sécurité

La menace iranienne de fermer le détroit d'Ormuz n'est pas sérieuse, affirment des analystes

Nabil Abdoullah al-Tamimi à Aden et Sultan al-Barei à Riad

Cette photo prise le 12 mars 2017 montre un pétrolier iranien gagnant la plateforme de l'installation pétrolière de l'Île de Kharj, sur les rives du golfe Persique. [Atta Kenare/AFP] 

Cette photo prise le 12 mars 2017 montre un pétrolier iranien gagnant la plateforme de l'installation pétrolière de l'Île de Kharj, sur les rives du golfe Persique. [Atta Kenare/AFP] 

Mardi 4 septembre, l'Iran a annoncé qu'il déplacerait son terminal d'exportation pétrolière principal du golfe Persique au golfe d'Oman. Une décision qualifiée par des experts militaires de « menace directe » à la sécurité de la navigation dans le détroit d'Ormuz.

Le président Hassan Rouhani a déclaré que les exportations étaient déjà déviées du terminal de l'Île de Kharj, loin dans le golfe, vers Bandar-e-Jask, dans le golfe d'Oman, et que cette transition serait achevée d'ici la fin de son mandat en 2021.

Cet acte constitue une « menace directe pour la sécurité du couloir de navigation internationale dans le détroit d'Ormuz », a indiqué le major général et expert militaire Mansour al-Shehri, retraité de l'armée saoudienne.

Le futur déplacement des opérations pétrolières de l'Iran « signifie que toutes les menaces et tous les incidents de sécurité auxquels les pétroliers sont confrontés [dans le détroit d'Ormuz] se dérouleront loin des installations et des opérations d'exportation pétrolières iraniennes », a-t-il expliqué.

Des pétroliers franchissent le détroit d'Ormuz le 15 janvier 2012. [Marwan Naamani/AFP] 

Des pétroliers franchissent le détroit d'Ormuz le 15 janvier 2012. [Marwan Naamani/AFP] 

« Les États du Golfe seront ainsi les seuls touchés », a-t-il affirmé.

Manipulation du pétrole dans le Golfe

Les exportations de pétrole constituent une part importante de l'économie des États du Golfe, a indiqué al-Shehri, ajoutant qu'un tiers de l'approvisionnement mondial passe chaque jour par le détroit d'Ormuz.

La décision de l'Iran, ou sa menace de décision de déplacer ses opérations d'exportation, pourrait modifier le prix du pétrole dans le monde entier, a-t-il poursuivi, ce qu'il pourrait exploiter en annonçant la reprise d'exportations depuis un autre port à des prix plus élevés.

« La fermeture du détroit en raison d'une intervention militaire iranienne causerait du tort aux pays du Golfe », a-t-il déclaré. « Mais il est très peu probable que cela se produise, car cela a un impact sur la sécurité stratégique mondiale, pas seulement la sécurité du Golfe. »

« L'Iran pourrait menacer de saper la stabilité avec des opérations mineures qui créeraient de la tension dans la région », a noté al-Shehri.

Cela s'inscrirait dans le cadre d'une action visant à faire pression sur les pays de la région et mettre sous tension leurs opérations de sécurité, a-t-il précisé.

Cependant, a-t-il souligné, « le récent discours de Rouhani est de la propagande iranienne classique » cherchant à proférer des menaces, à amplifier la situation et à présenter le gouvernement iranien « comme étant le plus fort et le plus à même de contrôler la situation ».

Des menaces qui ne sont que des paroles en l'air

L'annonce récente de l'Iran selon laquelle il « contrôle totalement » le golfe Persique et le détroit d'Ormuz est vide de sens et n'a aucun fondement, ont déclaré des experts.

Cette annonce fait suite au lancement début août d'un exercice naval iranien dans le Golfe, et reprend une menace perçue en juillet du président Rouhani de fermer cette voie essentielle de transit du pétrole.

Le général Alireza Tangsiri, récemment promu au commandement naval du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI), a annoncé le 27 août que l'Iran contrôlait pleinement le golfe Persique et le détroit d'Ormuz, selon les médias.

« La déclaration faite par le commandant de la marine du CGRI a eu lieu quatre jours après sa nomination », a précisé à Al-Mashareq le politologue yéménite Adnan al-Humairi.

Cette annonce ne constitue pas une « menace évidente », a-t-il concédé, mais est plutôt destinée à souligner le fait que l'Iran « partage le contrôle du détroit d'Ormuz avec les forces internationales et qu'il a la capacité de le fermer, alors qu'en réalité il ne le pourra pas ».

Le secrétaire à la Défense des États-Unis, James Mattis, a déclaré le 28 août que les menaces de blocage du trafic maritime dans le détroit d'Ormuz par l'Iran sont « des paroles en l'air ».

« Nos forces sont positionnées dans le Golfe depuis des dizaines d'années pour garantir la liberté de navigation, et nous continuerons à le faire », a fait savoir le général Joseph Dunford, chef d'état-major des armées des États-Unis.

Le plan de l'Iran échouera

La décision de l'Iran de déplacer son terminal d'exportation pétrolière principal est une tentative désespérée « de maintenir un certain niveau d'exportation pétrolière », a fait savoir Fathi al-Sayyed, chercheur au Centre du Moyen-Orient d'études régionales et stratégiques, spécialiste des questions iraniennes.

« Mais le succès de ce nouveau plan sera limité », a-t-il affirmé à Al-Mashareq.

Cet acte a été motivé par une « décision de la communauté internationale de punir l'Iran pour ses actions menaçant la paix et la sécurité internationales », a-t-il poursuivi, indiquant que « très peu de pays continueront à acheter du pétrole iranien ».

« Des rapports publiés par des compagnies d'assurance internationales confirment un quasi-consensus sur la chute des commandes d'importation de pétrole iranien, et ce ne sont certainement pas ces mêmes compagnies qui se risqueront à assurer ces transports », a-t-il déclaré.

Avant l'application des sanctions contre l'Iran en novembre, la plupart des pays européens avaient déjà commencé à réduire graduellement les importations de pétrole iranien, tout comme la majorité des grandes compagnies pétrolières mondiales, a ajouté al-Sayyed.

La seule chose que l'Iran peut encore faire est « d'employer les anciennes méthodes d'exportation de son pétrole par contrebande, et le nouveau port sera essentiel à cette fin », a-t-il expliqué.

« L'Iran utilisera aussi ses relations bilatérales avec certains pays pour transférer des stocks de pétrole sur le marché mondial et pour commercer avec des entreprises qui répondront à ses différents besoins », a continué al-Sayyed.

Mais ces quantités seront relativement limitées, a-t-il déclaré, précisant que les alliés principaux de l'Iran et les quantités existantes de pétrole sont parfaitement identifiés, et que toute augmentation pour tenter de transférer du pétrole iranien sera forcément révélée.

Provocations

Malgré des menaces antérieures, l'Iran ne peut pas fermer unilatéralement le détroit d'Ormuz, a affirmé le politologue yéménite Adel al-Shogaa à Al-Mashareq.

Sa dernière menace est donc simplement un plan pour « faire pression sur les États du Golfe, et l'Arabie saoudite en particulier », a-t-il indiqué.

« Près de 40 % du pétrole mondial passe par le détroit d'Ormuz, et les menaces de fermeture, qu'elles soient réelles ou pas, affectent l'activité commerciale », a-t-il expliqué.

En plus de sa provocation verbale, l'Iran a cherché à déstabiliser le Golfe en armant ses intermédiaires dans des pays comme Bahreïn et le Yémen, a déclaré al-Shogaa.

Les États-Unis sont « conscients d'une augmentation » des opérations navales iraniennes dans le Golfe, le détroit d'Ormuz et le golfe d'Oman, a fait savoir le capitaine Bill Urban, porte-parole de CENTCOM dans un communiqué le 2 août.

« Nous surveillons cela de près, et nous continuerons à travailler avec nos partenaires pour garantir la liberté de navigation et la libre circulation commerciale dans les eaux internationales », a assuré Urban.

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