Environnement

Les Libanais s'occupent eux-mêmes du nettoyage

Par Nohad Topalian à Beyrouth

Des plongeurs libanais participent à une initiative visant à nettoyer la côte de la ville de Tabarja, à 25 km au nord de Beyrouth. [Photo fournie par Maya Saad]

Des plongeurs libanais participent à une initiative visant à nettoyer la côte de la ville de Tabarja, à 25 km au nord de Beyrouth. [Photo fournie par Maya Saad]

La crise de la gestion des déchets que traverse actuellement le Liban a entraîné l'émergence de plusieurs campagnes populaires de nettoyage, car les solutions gouvernementales se sont jusqu'ici avérées insuffisantes, ont expliqué des militants à Al-Mashareq.

Dans le cadre de ces actions, des organisations libanaises de la société civile et de protection de l'environnement ont annoncé le 14 décembre qu'elles s'unissaient pour former un groupe de pression appelé Coalition pour la gestion des déchets.

Cette coalition, lancée en réponse à l'absence d'une vision nationale et d'une stratégie complète de nettoyage, appelle à la conception et à la mise en œuvre d'une stratégie durable pour gérer les déchets solides.

Initiative sous-marine

Live Love Beirut, un groupe de Libanais travaillant pour montrer une image positive de leur pays, a récemment organisé une action de deux jours qui a rassemblé plus de cent plongeurs pour un nettoyage sous-marin, a rapporté l'AFP le 26 novembre.

Lors de cette initiative, qui s'est déroulée au large de Tabarja, à 25 km au nord de Beyrouth, les plongeurs sont à plusieurs reprises remontés portant des filets remplis de bouteilles en verre et en plastique, des boîtes de conserve et des canettes rouillées, et même des pneus.

« Ce que l'on voit sous l'eau, ça fait mal à la tête », a déclaré Christian Nader, un étudiant de 19 ans qui plonge depuis cinq ans.

Maya Saad, expatriée libanaise de 29 ans, a dirigé la plongée.

Saad, qui travaille dans la publicité numérique, a raconté avoir eu cette idée pour « nettoyer la côte, qui est devenue une décharge ».

Frustrée par « l'image que mon pays renvoie au reste du monde », elle a indiqué à Al-Mashareq avoir « lancé une campagne modeste pour nettoyer certains sites côtiers en coopération avec l'initiative en ligne de Live Love Beirut ».

Plus de cent plongeurs « ont travaillé de Tabarja jusqu'à Bouar, Jbeil (Byblos), Chekka, et enfin Anfeh, dans le nord du Liban », a expliqué Saad.

« Nous avons retiré des tonnes de déchets sur sept sites, principalement des pneus, des chaises, des chaussures, des sacs plastiques contenant des déchets alimentaires, des boîtes de conserve et des canettes, qui ont été triés et recyclés », a-t-elle précisé.

Les déchets récoltés par cette initiative sont un « exemple de ce qui est jeté dans la mer », a-t-elle rapporté, qualifiant la campagne de « symbolique » et « destinée à rappeler aux gens de garder la mer propre et de trier les déchets à la source pour qu'ils puissent être recyclés ».

La plongée seule n'est pas suffisante pour résoudre le problème, a-t-elle déclaré, « il faut une campagne nationale de sensibilisation dans tout le Liban, et des solutions scientifiques permanentes au problème des déchets ».

Déversement des déchets dans la mer

« Nous constatons une détermination à déverser les déchets dans la mer », a rapporté Ziad Abi Chaker, fondateur et PDG de Cedar Environmental, entreprise spécialisée dans le recyclage des déchets solides.

« Les Libanais produisent quotidiennement 5 000 tonnes de déchets en hiver, et 7 500 tonnes l'été », a-t-il relaté à Al-Mashareq.

La plupart des déchets sont déversés dans les décharges de Burj Hammoud et Costa Brava, « autrement dit dans la mer, ce qui mène à sa pollution », a-t-il déploré. « Pendant ce temps, le gouvernement souhaite construire des incinérateurs de déchets, ce qui créerait un nouveau problème. »

La vraie solution au problème des déchets nécessite la création d'un plan complet basé sur la décentralisation du traitement des déchets, a affirmé Abi Chaker.

Le Liban devrait être divisé en 26 régions administratives, chacune possédant son propre centre pour traiter la quantité quotidienne de déchets générée par cette région, a-t-il expliqué.

Cette division territoriale « protégerait l'environnement, créerait de nouveaux emplois et opportunités d'emplois, et améliorerait les économies régionales », a précisé Abi Chaker.

Une « décision politique » est nécessaire

Les racines de la crise actuelle des déchets remontent aux années 1990, lorsqu'il a été décidé de « créer de nouvelles terres » en déversant des déchets dans la mer et en remblayant, a expliqué Raji Maasri, propriétaire et gérant de MORES Environmental Services.

« Un plan a été conçu pour déverser des déchets dans la mer afin de créer de nouvelles parcelles de terrain côtier en plusieurs endroits », a-t-il rapporté à Al-Mashareq.

Ces lieux comprenaient la zone comprise entre le nord de la côte de Metn à la décharge de Burj Hammoud, en passant par Beyrouth et au sud jusqu'à Sidon, où une montagne de déchets trône désormais sur le rivage, a-t-il indiqué.

« Le problème se retrouve dans tout le Liban », a déclaré Maasri. « Lorsque la crise des déchets a empiré à l'intérieur du pays, les eaux souterraines et artésiennes ont été polluées à cause du déversement et de l'enfouissement aveugles des ordures. »

« Nous voyons maintenant des municipalités et des organisations de la société civile prendre de sérieuses mesures pour mettre fin à ces pratiques », a-t-il rapporté.

Tout en saluant ces initiatives, al-Maasri a expliqué que la solution permanente réside dans « la prise d'une décision politique pour voir les déchets comme un projet national qui sert l'agriculture et l'industrie ».

La crise de gestion des déchets encourage l'émergence de centres spécialisés dans le tri, le recyclage et le compostage, rendant ainsi les ordures utilisables, en particulier dans le secteur agricole, a-t-il ajouté.

Traitement des déchets solides

La crise des déchets actuelle au Liban est devenue critique au milieu de l'année 2015, lorsque la décharge principale de Naameh a fermé, sans qu'aucune solution alternative ne soit établie.

L'accumulation des déchets a déclenché une série de protestations, les manifestants utilisant le slogan « Vous puez » pour exprimer leur colère envers le gouvernement.

En mars 2016, le gouvernement du Premier ministre Tammam Salam a approuvé un plan pour résoudre la crise des déchets en créant deux centres de traitement temporaires et deux décharges sanitaires sur la côte libanaise.

Mais aucune solution permanente n'a encore été trouvée.

Les municipalités et les citoyens brûlent des déchets en plein air, ce qui a poussé Human Rights Watch à avertir les autorités libanaises début décembre sur les risques de santé publique.

« Selon des données du ministère de l'Environnement et du Programme des Nations unies pour le développement, il existe en 2017 dans le pays 941 décharges à ciel ouvert, parmi lesquelles 617 décharges municipales de déchets solides », a fait savoir HRW. « Plus de 150 de ces décharges sont brûlées à ciel ouvert, au moins une fois par semaine en moyenne. »

Un nouveau programme de traitement des déchets solides a été lancé le 6 décembre.

Il sera mis en œuvre en coopération avec l'Union européenne, qui a fourni deux financements pour un total de 35 millions de dollars visant la construction d'un centre de tri et de compostage des déchets ménagers et des décharges sanitaires dans la plupart des régions, en particulier celles touchées par la crise des réfugiés syriens.

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