Économie

L'augmentation des impôts au Liban divise l'opinion

Par Junaid Salman à Beyrouth

Des Libanais manifestent pour appeler le parlement à approuver une loi d'augmentation du salaire des employés du secteur public. Cette loi a été approuvée par le parlement en juillet. [Al-Mashareq]

Des Libanais manifestent pour appeler le parlement à approuver une loi d'augmentation du salaire des employés du secteur public. Cette loi a été approuvée par le parlement en juillet. [Al-Mashareq]

Le parlement libanais a récemment adopté une loi mettant en place une série d'augmentations d'impôts servant apparemment à financer une augmentation des salaires du secteur public préalablement approuvée.

Alors que les législateurs affirment que ces nouveaux impôts, approuvés le 9 octobre, sont nécessaires pour financer l'augmentation des salaires, des économistes affirment à Al-Mashareq que leur but réel est de garantir des revenus à l'État.

Le Liban a actuellement l'un des ratios dette/PIB les plus élevés au monde, qui atteignait 148 % l'année dernière. Le gouvernement lutte pour baisser son déficit budgétaire et se retrouve avec une dette publique d'environ 77,3 milliards de dollars.

L'augmentation des salaires du secteur public multipliera largement les dépenses budgétaires, a déclaré le Fonds monétaire international (FMI) dans un rapport du 13 septembre, prévenant que « bien que le parlement a adopté des mesures visant à compenser l'impact budgétaire de la hausse des salaires, elles sont pour l'instant suspendues ».

Les annonces récentes de modifications des taux d'imposition prévoient une augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 10 à 11 %, une augmentation du taux d'imposition sur les intérêts bancaires de 5 à 7 %, et une augmentation du taux d'imposition sur les bénéfices des entreprises de 15 à 17 %.

Les factures de téléphone fixe ont été augmentées de plus de 1,50 $, les cartes de débit prépayées de 0,16 $, et une taxe de 20 % a été imposée sur certains prix de loterie libanaise et étrangère.

Des frais de 3,30 $ vont également être imposés aux voyageurs étrangers entrant au Liban par les voies terrestres, ainsi qu'une taxe de 100 $ par personne pour les passagers sur les vols de première classe, et 266,6 $ pour ceux arrivant en avion privé.

De plus, une taxe d'impôt sur le revenu de 15 % a été mise en place, ainsi qu'une taxe sur les contrats immobiliers équivalente à 2 % du prix de vente.

Financement des salaires publics

« Ces nouvelles taxes s'inscrivent dans le contexte du financement de l'échelle des salaires et des grades du secteur public, qui a déjà été approuvé par le parlement », a fait savoir le ministre des Finances Ali Hassan Khalil le 9 octobre, lorsqu'elles ont été approuvées.

Ces taxes ont pour but de réduire le déficit budgétaire et de protéger le statut fiscal du Liban, a-t-il déclaré, précisant que les dépenses publiques étaient passées d'environ 6,6 milliards de dollars en 2005 à 16 milliards cette année, sans augmentation de l'assiette fiscale.

« Les nouvelles taxes ne servent pas à financer l'échelle des salaires et des grades », a affirmé Jad Shaaban, professeur agrégé d'économie à l'université américaine de Beyrouth.

« Les projections indiquent que le prix des produits et des biens va augmenter entre 10 et 15 % à cause de cette taxation », a-t-il rapporté, ajoutant que l'accroissement de ces coûts fera grimper le prix des services, car les entreprises devront absorber ces augmentations.

Le Premier ministre Saad Hariri avait par ailleurs prévenu que l'alternative à l'augmentation des impôts serait l'effondrement de la livre libanaise sous six mois.

« Si nous mettions en place la [loi sur les salaires du secteur public] sans revenus, cela serait un désastre pour le pays », a-t-il déclaré le 9 octobre.

Contrôle du déficit budgétaire

La hausse des salaires pour les fonctionnaires augmentera certes la consommation, mais elle sera contrée par une diminution des investissements à cause de l'augmentation des impôts, a déclaré Marwan Barakat, économiste en chef et chercheur principal de Bank Audi.

« L'augmentation attendue de la consommation se traduira par davantage d'importations pour un pays comme le Liban qui est classé comme importateur majeur », a-t-il déclaré à Al-Mashareq, notant que cela accroîtra le déficit de la balance commerciale.

La banque Audi a récemment effectué une étude qui montre que ces nouvelles taxes entraîneront une hausse de l'inflation de 4 %, a-t-il rapporté.

« Ces taxes, qui visent également le secteur bancaire, auront un impact d'environ 325 millions de dollars sur le profit annuel des banques, qui est de 2 milliards », a-t-il précisé.

« La plupart des taxes approuvées concernent les citoyens, et modifieront donc leur pouvoir d'achat », a déclaré Violette Ghazal al-Balaa, rédactrice en chef d'Arab Economic News.

L'augmentation des salaires profitera à environ 370 000 fonctionnaires, a-t-elle expliqué à Al-Mashareq, mais ne s'applique pas aux employés du privé, qui sont deux fois plus nombreux.

« Le véritable objectif de ces nouvelles taxes est de réduire le déficit du budget général », a-t-elle affirmé, ajoutant que la réduction du déficit devrait être traitée par la loi de finance, qui n'a pas encore été approuvée, et non pas par une loi distincte.

« Nous devons contrôler l'indicateur de déficit pour nous assurer que les nouvelles taxes remplissent bien leur objectif », a conclu al-Balaa.

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