Éducation

L'UNESCO prépare la Syrie d'après le conflit

Par Nohad Topalian à Beyrouth

Le représentant de l'UNESCO au Liban et en Syrie Hamed al-Hammami inspecte les dégâts causés par « l'État islamique » à Palmyre. [Photo fournie par le Bureau régional de l'UNESCO à Beyrouth]

Le représentant de l'UNESCO au Liban et en Syrie Hamed al-Hammami inspecte les dégâts causés par « l'État islamique » à Palmyre. [Photo fournie par le Bureau régional de l'UNESCO à Beyrouth]

L'UNESCO met en œuvre une double stratégie de crise en Syrie, qui vise à améliorer l'éducation et à restaurer les sites du patrimoine du pays, a fait savoir Hamed al-Hammami, représentant de l'UNESCO au Liban et en Syrie.

Pour ce faire, l'agence a contribué à la construction et à la réhabilitation d'écoles à Alep et dans ses environs, et au renforcement des sites archéologiques et du patrimoine d'Alep et de Palmyre qui risquent l'effondrement, a-t-il précisé.

En se préparant à accueillir des enfants qui reviennent de pays voisins dans des zones sûres en Syrie, l'UNESCO facilitera leur réintégration future dans le système scolaire, a-t-il déclaré à Al-Mashareq dans un grand entretien.

Al-Mashareq : Quelles sont les activités principales menées par l'UNESCO en Syrie ?

Hamed Al-Hammami : Depuis le début de la crise, l'UNESCO est représentée par quatre membres en poste à Damas et Alep.

Au commencement de la crise, nous avons lancé une stratégie de crise répondant aux deux objectifs de l'agence : « L'éducation est un droit pour tous » et « Protection du patrimoine culturel et naturel du monde ».

Notre stratégie porte principalement sur l'éducation, la jeunesse et le patrimoine mondial. Nous mettons cela en place en Syrie et dans les pays voisins qui ont accueilli des réfugiés.

Elle a pour but de faire revenir les élèves à l'école, surtout ceux qui ne l'ont pas fréquentée depuis trois ou quatre ans à cause du conflit.

En coopération avec le ministère syrien de l'Éducation, nous avons développé un programme alternatif d'éducation intensive pour les élèves de primaire et de secondaire, qui leur permettra d'aller à l'école après avoir passé des examens pour obtenir un certificat.

Le programme d'enseignement intensif sera mis en place dans toutes les provinces syriennes, y compris dans les zones tenues par l'opposition, et dans chaque région où le conflit recule.

Près de 70 000 écoliers avaient été inscrits pour la première année du programme il y a trois ans. Aujourd'hui, ce chiffre a atteint un million, incluant ceux qui sont revenus à l'école et les élèves d'Alep qui ont rejoint le programme cet été.

À ce jour, nous avons formé plus de 8 000 enseignants pour qu'ils puissent s'occuper des élèves ayant besoin de soutien psychosocial et sur la façon d'encourager les élèves à s'aider les uns les autres dans leur apprentissage.

Al-Mashareq : Parlez-nous de l'initiative pédagogique à Alep.

Al-Hammami : Les écoles d'Alep manquent d'infrastructure, de chaises et de bureaux.

L'UNESCO, avec l'UNICEF et d'autres organisations internationales, a contribué à la réparation et la réhabilitation de douze écoles à Alep et dans ses environs.

Nous avons fourni des groupes électrogènes à quelques écoles, et sur des indications du ministère de l'Éducation, nous avons offert du bois à des instituts d'enseignement technique, que les élèves ont utilisé pour construire des bureaux et des chaises.

Nous avons également renforcé notre coordination avec d'autres organisations pour accueillir les élèves qui reviennent, afin de pouvoir les intégrer dans les écoles.

Pour arriver à cela, et en coordination avec le ministère, un programme d'enseignement en trois périodes par jour a été mis en place dans les écoles pour garantir l'éducation pour tous.

Al-Mashareq : Vous préparez-vous à l'implémentation des zones sûres ?

Al-Hammami : Oui. Nous intensifions nos actions pour accueillir autant d'écoliers que possible, surtout ceux qui reviendront.

En plus des programmes que nous avons développés, nous avons publié et distribué aux enseignants et aux élèves une brochure dans toute la Syrie portant sur l'aide psychosociale, la façon de répondre à la crise, les priorités et d'autres questions.

Al-Mashareq : Qu'en est-il des sites archéologiques et du patrimoine ? Existe-t-il des plans pour leur réparation ?

Al-Hammami : La phase de reconstruction, en particulier à Palmyre et Alep, devrait être précédée par des plans de développement, notamment pour les sites classés patrimoine mondial par le Comité du patrimoine mondial. Nos efforts portent donc sur l'arrêt des destructions et des attaques contre les sites figurant sur la liste du patrimoine mondial.

La directrice générale de l'UNESCO a réussi à faire passer une résolution au Conseil de sécurité de l'ONU condamnant et criminalisant les attaques contre les sites du patrimoine mondial en Syrie et ailleurs.

Cette résolution s'applique aussi aux commerçants d'antiquités qui entrent en activité pendant les guerres et les crises et procèdent à des fouilles aveugles pour déterrer des antiquités.

[...] À Palmyre, nous avons mené une enquête de terrain et évalué les dégâts infligés aux sites antiques, ce qui nous a permis de déterminer que 80 % d'entre eux étaient en bon état, et que le contenu des musées avait été préservé par les personnes qui en étaient chargées.

Quant à Alep, ce qui a été détruit nécessite un plan de restauration.

Nous travaillons en ce moment avec le ministère de la Culture, en coopération avec certaines organisations et donateurs, afin de réhabiliter les sites qui risquent de s'effondrer, comme la mosquée omeyyade [de Damas], dont les piliers sont renforcés.

Un comité exécutif a été mis en place à Alep pour développer un plan de reconstruction des sites de la ville, sous la supervision de l'UNESCO. Ce plan sera soumis au Comité du patrimoine mondial afin d'être examiné et approuvé.

Al-Mashareq : Menez-vous des formations avant le début de la restauration ?

Al-Hammami : Nous avons commencé à rassembler et à former des équipes syriennes afin qu'elles puissent jouent leur rôle dans le processus de reconstruction, et nous avons organisé plusieurs ateliers, le plus récent ayant porté sur le recyclage des matériaux fabriqués localement.

La Direction syrienne des antiquités est experte en ce qui concerne la restauration.

Ces sites attirent l'attention internationale, et les efforts conjoints de l'UNESCO et d'autres organisations visent à empêcher le trafic d'antiquités.

Nous avons organisé des conférences et des ateliers au Liban, avec participation de parties prenantes locales et internationales comme INTERPOL.

Nous nous sommes aussi coordonnés avec des pays voisins comme le Liban, la Jordanie et la Turquie, et nous avons récupéré des artefacts d'Europe et d'autres pays.

Nous avons une vidéo montrant des antiquités volées qui est diffusée dans les aéroports et les sites touristiques afin de combattre le vol, car c'est la responsabilité collective de tous les pays.

Nous avons également lancé la campagne #Unite4Heritage dans toutes les écoles de Syrie après que l'UNESCO eut fait de même en Irak puis au Liban pour sensibiliser les jeunes au besoin de protéger leurs antiquités.

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