Politique

Avec les Houthis, l'Iran cherche à alimenter le conflit au Yémen

Par Abou Bakr al-Yamani à Sanaa

De nouvelles recrues houthies participent à un rassemblement à Sanaa le 3 janvier pour mobiliser davantage de combattants sur les champs de bataille de plusieurs villes du Yémen. [Mohammed Huwais/AFP]

De nouvelles recrues houthies participent à un rassemblement à Sanaa le 3 janvier pour mobiliser davantage de combattants sur les champs de bataille de plusieurs villes du Yémen. [Mohammed Huwais/AFP]

Le soutien iranien aux Houthis (Ansarallah) alimente et prolonge le conflit au Yémen, et rend les conditions de vie difficiles pour des civils confrontés à une grave détérioration de leur situation humanitaire, ont expliqué des politologues.

L'Iran utilise les Houthis comme point d'appui pour ses propres intérêts sans se préoccuper de la sécurité de la population civile, ont-ils déclaré, soulignant que le fait d'attiser le conflit entrave la livraison d'aide humanitaire.

« Le soutien iranien est grave, car il va plus loin qu'un simple appui en argent et en armes », a fait savoir le politologue Yassin al-Tamimi.

Avec son ingérence au Yémen, a-t-il expliqué à Al-Mashareq, l'Iran cherche à diviser le pays selon des critères sectaires « et à créer des causes de conflit perpétuelles ».

Une nouvelle recrue des Houthis participe à un rassemblement à Sanaa pour mobiliser d'autres combattants le 3 janvier. [Mohammed Huwais/AFP]

Une nouvelle recrue des Houthis participe à un rassemblement à Sanaa pour mobiliser d'autres combattants le 3 janvier. [Mohammed Huwais/AFP]

« L'un des outils de l'Iran »

« L'Iran se sert des Houthis comme de l'un de ses outils et a réussi à les contrôler parce qu'il les a façonnés sur le même modèle qui a produit le Hezbollah au Liban », a-t-il déclaré.

Sachant que la plupart des Houthis viennent de zones rurales où les opportunités sont limitées, l'Iran les a attirés grâce à la migration vers de nouveaux environnements, a-t-il ajouté.

Il a attisé les tensions sectaires et a ravivé d'anciennes convictions de la même manière que pour la révolution iranienne, a-t-il poursuivi, qui englobait tout, de l'entraînement militaire aux histoires et slogans dans les médias.

« Il est cependant difficile d'accepter l'idée que les Houthis ne sont que de simples marionnettes, car ils possèdent leur propre structure interne et leur propre réseau d'intérêts », a-t-il indiqué.

Leur projet politique reste clairement défini, a-t-il précisé, « à tel point qu'il est difficile de l'incorporer ou de le soumettre, même par l'Iran ».

« L'Iran a joué un rôle majeur dans le renforcement des contrôles sur les importations yéménites en raison de son rôle dans la contrebande d'armes aux Houthis », a fait savoir al-Tamimi, ce qui a eu un impact sur les livraisons d'aide humanitaire.

Les principaux ports d'entrée sont toujours sous le contrôle des Houthis, a-t-il fait remarquer, « ce qui a permis le passage illégal et continu d'armes ».

« Je pense que les armes ordinaires qui sont découvertes entrent illégalement au Yémen à bord de bâtiments commerciaux par le port d'al-Hodeidah », a-t-il ajouté.

« Ceci a bien entendu un effet sur le transit de l'aide humanitaire par le port d'al-Hodeidah, qui n'atteint pas ses destinataires car les Houthis la confisquent, l'utilisent pour leur effort de guerre ou bloquent simplement sa livraison aux bons destinataires », a-t-il indiqué.

Exportation de la violence

« Les actions externes de l'Iran sous le régime des mollahs se caractérisent par l'exportation de la violence partout où le pays est présent », a déclaré Abdoulmalik al-Yousefi, politologue à l'université de Taez.

« Tout le monde sait ce qu'il s'est passé en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen », a-t-il dit à Al-Mashareq.

Ce qui s'est passé en Irak se reproduit plus ou moins en Syrie et au Yémen, seuls les outils et les détails diffèrent, a-t-il indiqué.

« Le flux ininterrompu du soutien iranien aux Houthis alimente le conflit et étend l'influence des groupes extrémistes », a-t-il ajouté.

Si la situation est globalement préoccupante, a-t-il poursuivi, le cas humanitaire varie d'une région à l'autre au Yémen, le dénominateur commun à toutes les zones affectées étant l'intervention directe des Houthis.

« À Tehama par exemple, l'intervention des Houthis et le blocage de l'arrivée de nourriture et de l'entrée des organisations d'aide ont eu un impact direct sur la situation, qui a atteint le stade de la famine », a-t-il rapporté.

« Les pillages et le détournement de l'aide en faveur de l'effort de guerre et de la vente au marché noir ont eu un impact direct sur la région », a ajouté al-Yousefi.

À Taez, a-t-il précisé, « le difficile siège imposé à la ville a été la cause principale de la détérioration de la situation humanitaire, et tous ceux qui suivent les affaires yéménites peuvent trouver de nombreuses preuves de la corrélation entre la détérioration de la situation humanitaire et les interventions intentionnelles et non intentionnelles des Houthis ».

Celles-ci « ne se sont pas limitées au pillage de l'aide humanitaire, au blocage de sa livraison et au siège, car le bombardement aveugle de Taez, par exemple, a été un facteur majeur d'inquiétude et de tension qui a eu un énorme impact sur la détérioration de la situation », a-t-il poursuivi.

Rejet de solutions politiques

Selon l'activiste et auteur politique Faisal al-Safwani, la stabilité politique et sécuritaire au Yémen n'est pas dans l'intérêt de Téhéran.

« Les plans de l'Iran nécessitent un ancrage dans le nord du Yémen pour empêcher toute solution au Yémen et menacer la sécurité de la région du Golfe à l'avenir », a-t-il affirmé à Al-Mashareq.

« Téhéran a donc trouvé dans le mouvement des Houthis l'outil politique et sectaire qu'il cherchait et qui lui faisait défaut. »

« Pour les observateurs et tous ceux qui suivent [la situation au Yémen], il apparaît désormais évident que le commandement des milices houthies est décidé à rejeter tous les efforts externes ou internes pour apporter une solution politique ou pour mettre fin à la guerre », a-t-il expliqué.

Le Yémen est devenu synonyme de guerre et de souffrances, a-t-il déclaré, « car ses habitants sont blessés ou handicapés par la guerre, sans abri ou déplacés ».

« À la fin du mois d'août, cela fera un an que la majorité des fonctionnaires n'auront pas reçu leur salaire, et que l'épidémie de maladies infectieuses aura tué des centaines des centaines de civils », a-t-il ajouté.

Cette situation aura été rendue possible par suite du soutien de l'Iran aux Houthis, a-t-il indiqué, ce qui les a rendus obstinément réticents à accepter la paix.

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La charia islamique est en route vers Hadramawt.

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