Droits de l'Homme

Nouvelles découvertes sur les effets sociaux et psychologiques de la guerre urbaine

Par Nohad Topalian à Beyrouth

Pawel Krzysiek, directeur des communications du Comité syrien international de la Croix-Rouge se tient à côté d'une affiche annonçant le rapport « J'ai vu ma ville mourir », qui documente l'impact de la guerre urbaine sur les habitants de la ville. [Nohad Topalian/Al-Mashareq]

Pawel Krzysiek, directeur des communications du Comité syrien international de la Croix-Rouge se tient à côté d'une affiche annonçant le rapport « J'ai vu ma ville mourir », qui documente l'impact de la guerre urbaine sur les habitants de la ville. [Nohad Topalian/Al-Mashareq]

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a présenté le 14 juin les résultats d'un nouveau rapport examinant les effets sociaux et psychologiques de la guerre urbaine en Irak, en Syrie et au Yémen.

Le rapport « J'ai vu ma ville mourir » inclut les témoignages d'habitants de plusieurs villes ayant connu des conflits armés. Il révèle que plus de la moitié des pertes civiles causées par des guerres au cours des dernières années ont eu lieu en Syrie, en Irak et au Yémen.

Pawel Krzysiek, directeur des communications du CICR syrien, s'est entretenu avec Al-Mashareq à Beyrouth sur le rapport et ses conclusions.

Al-Mashareq : Quel est le but de ce rapport ?

Pawel Krzysiek : Le rapport « J'ai vu ma ville mourir » est un [projet de] recherche mené par le CICR au cours des trois dernières années en Syrie, en Irak et au Yémen pour examiner les effets sociaux et psychologiques subis par les habitants vivant au milieu des conflits armés dans les villes.

Ce rapport est basé sur les témoignages de résidents d'Alep en Syrie, de Mossoul en Irak, et de Taïz au Yémen.

Des adultes, des enfants, des hommes, des femmes et des personnes âgées ont évoqué leurs souffrances quotidiennes et la terreur qu'ils ont ressenties pendant les batailles qui ont fait rage chez eux et autour d'eux, dans les rues, les écoles et les hôpitaux, et de l'expérience d'être assiégés au milieu de combattants, et de vivre parmi les bruits d'explosions.

Le rapport présente des témoignages actuels des tragédies auxquelles ils sont confrontés, à cause des bombardements quotidiens et de la perte d'êtres chers dans la guerre en cours.

Al-Mashareq : Pourquoi est-ce que le rapport n'a traité que des villes ?

Krzysiek : Parce que l'impact de la guerre et des conflits dans les villes est plus important que dans les zones rurales. Il y a une grande différence entre les guerres se déroulant dans les villes et celles prenant place dans les campagnes.

Les batailles et les combats dans les villes, incluant de l'artillerie et des missiles, se font bâtiment par bâtiment, et rue par rue. Les cibles militaires dans les villes sont très proches des habitants, et très souvent parmi eux.

Al-Mashareq : Quelle est la conclusion la plus importante du rapport en ce qui concerne les effets sociaux et psychologiques ?

Krzysiek : Les effets sociaux et psychologiques sont les mêmes dans toutes les zones de conflit. En plus de la peur visible dans leur comportement, [les civils] parlent également de leur besoin d'eau, de nourriture, de médicaments et de soins de santé.

Les mères expriment leur profonde inquiétude pour la sécurité de leurs enfants, à cause de leur simple présence dans des zones pleines de danger et de mort. Dans le même temps, les enfants ne connaissent que la guerre. Ils vivent dans une peur, une panique et une terreur extrêmes.

Cela varie d'une personne à une autre, certaines exprimant leurs sentiments, tandis que les enfants ne disent pas grand-chose, étant pris par la peur et pleurant constamment.

Les effets sociaux et psychologiques sur les habitants sont similaires entre les zones urbaines et les zones rurales.

Al-Mashareq : Qu'en est-il d'Alep, qui fait partie de l'étude ?

Krzysiek : La ville d'Alep est grande et a une population d'environ deux millions d'habitants. Aucune zone ni aucun quartier n'y a été épargné, la guerre a eu lieu rue par rue, de fenêtre en fenêtre, juste au-dessus des têtes des civils.

Tout cela a laissé de profonds effets psychologiques et de graves blessures. Les résidents d'Alep ont raconté leurs vies quotidiennes pendant les combats, et comment ils ont agi.

Ils ont raconté leurs besoins et les besoins d'Alep, qui sont énormes, en raison de l'infrastructure détruite, tout comme la plupart des bâtiments.

Al-Mashareq : Est-ce que le rapport comprend d'autres régions syriennes ?

Krzysiek : L'effort de recherche a également examiné les activités de déplacement et l'apparition des problèmes économiques auxquels sont confrontés les déplacés internes (DI), et les effets psychologiques que cela a eu sur eux.

Le rapport a aussi couvert des zones qui étaient assiégées jusqu'à récemment, comme Madaya, Zabadani et Daraya. Il a relevé que les besoins sociaux y sont différents de ceux des villes, en raison de la différence dans la forme et les méthodes de combat.

Al-Mashareq : Est-ce que le rapport a dévoilé le nombre de pertes humaines ?

Krzysiek : Le rapport a fait savoir que la moitié des pertes de la guerre en Syrie, en Irak et au Yémen étaient des civils.

Notre recherche a révélé que la guerre urbaine est responsable de 70% du total des morts parmi les civils. C'est un pourcentage terrifiant, et il reflète l'impact dévastateur des batailles en cours. [...]

Le rapport a également examiné le déplacement massif depuis les zones de conflit en Syrie, en Irak et au Yémen, car l'on sait que 17 millions de Syriens, Irakiens et Yéménites ont été déplacés intérieurement et extérieurement.

Quant aux pertes en termes d'infrastructure et de bâtiments, l'ampleur des destructions est énorme, à cause de la nature des combats urbains, où les belligérants ne font pas de différence entre les cibles militaires et l'infrastructure, et prennent directement ces bâtiments pour cible.

Al-Mashareq : Quelles sont les conclusions du rapport ?

Krzysiek : Le rapport conclut que les problèmes psychologiques ne prendront pas fin avec les guerres, mais qu'ils dureront de nombreuses années, et il faut que les autorités locales et les organisations humanitaires mettent en place des programmes pour répondre aux effets psychologiques de la guerre.

Le rapport a également souligné l'importance de reconstruire l'infrastructure et d'apporter des services publics.

Il appelle les parties prenantes du conflit et les Etats qui les soutiennent à respecter les lois humanitaires internationales, qui mettent l'accent sur le besoin de traiter les civils comme des éléments neutres dans les conflits, et de ne pas les prendre pour cibles.

Le rapport que nous avons préparé est un outil fournissant un aperçu de la situation actuelle dans ces villes et qui met l'accent sur le fait que les solutions doivent inclure une réponse forte à tous les besoins.

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