Terrorisme

Al-Qaïda au Yémen confronté à des grèves et des désertions

Par Abou Bakr al-Yamani à Sanaa

Des jeunes Yéménites se rassemblent autour d'un véhicule brûlé dans la ville d'Houta, dans la province de Lahij, le 3 septembre, où une mine que les soldats transportaient hors de la ville a explosé, tuant trois soldats et blessant au moins sept civils. Les forces yéménites ont repris Houta à al-Qaïda en avril. [Saleh al-Obeidi/AFP]

Des jeunes Yéménites se rassemblent autour d'un véhicule brûlé dans la ville d'Houta, dans la province de Lahij, le 3 septembre, où une mine que les soldats transportaient hors de la ville a explosé, tuant trois soldats et blessant au moins sept civils. Les forces yéménites ont repris Houta à al-Qaïda en avril. [Saleh al-Obeidi/AFP]

Al-Qaïda au Yémen se fracture à cause des désertions et des divisions internes dans ses rangs, alors que ses combattants sont traqués par les forces yéménites et internationales et chassés des zones que le groupe contrôlait, ont indiqué des analystes à Al-Mashareq.

Les forces d'élite d'Hadrami, appuyées par des frappes aériennes de la coalition, ont lancé un assaut la semaine dernière sur un repaire d'al-Qaïda dans une ferme à l'ouest de la ville portuaire d'al-Moukalla, tuant 30 hommes armés et en capturant d'autres au cours des 24 heures de l'opération , a fait savoir l'armée.

Cet assaut faisait suite à des renseignements indiquant que le groupe prévoyait de mener des attaques pour saper la sécurité d'Hadramaout, a déclaré l'armée, ajoutant que quatre soldats yéménites avaient été tués, et douze blessés lors de l'opération.

Ce raid n'est que le dernier en date d'une série de coups que le groupe a subi depuis sa défaite dans les provinces d'al-Moukalla et d'Abyan, ce qui prouve son état actuel de faiblesse et de vulnérabilité , ont affirmé des analystes.

Aggravation des luttes internes

Des désaccords et des divisions sont apparus entre les chefs d'al-Qaïda au Yémen, en particulier ceux de second niveau, a expliqué Saeed Obeïd al-Jamahi, chercheur spécialisé dans les affaires d'al-Qaïda.

Certains dirigeants intermédiaires sont même passés à « l'Etat islamique en Irak et au Levant » (EIIL), a-t-il déclaré à Al-Mashareq.

Pour l'instant, a-t-il ajouté, « ces désaccords n'ont pas encore atteint un niveau de confrontation directe », les luttes intestines et les conflits se jouant devant les médias.

Le principal désaccord entre les leaders d'al-Qaïda au Yémen porte sur la question de l'allégeance à l'EIIL, a expliqué al-Jamahi.

L'EIIL voit cela comme un devoir, a-t-il poursuivi, tandis qu'al-Qaïda pense que jurer fidélité à l'émir de l'EIIL est optionnel, et pas obligatoire.

« Chaque camp croit en la légitimité de son action sur le terrain, tandis qu'al-Qaïda émet des réserves sur certaines actions de l'EIIL », a indiqué al-Jamahi.

Les désaccords entre les dirigeants d'al-Qaïda ont conduit certains à rejoindre l'EIIL, a-t-il déclaré, ce qui peut être déduit des « diatribes médiatiques entre les deux camps, indiquant que des défections ont eu lieu ».

« Ces différends ont sans nul doute ébranlé et troublé les groupes terroristes et ont affaibli leur discours médiatique », a-t-il ajouté.

Les deux groupes sont dans un état de faiblesse, a-t-il déclaré, compte tenu des succès répétés des frappes aériennes, qui leur ont infligé de lourdes pertes.

Dépôt des armes

La situation de sécurité dans la ville de Jaar, à Abyan, est relativement stable depuis qu'al-Qaïda a été chassé, a déclaré Cheikh Nasr Ahmed, un ancien de la région.

« Nous ne voyons pas de prolifération des éléments du groupe comme c'est en général le cas après que l'armée ait mené une opération militaire contre eux, ni les tentatives suivantes de contre-attaques visant des soldats et des habitants », a-t-il confié à Al-Mashareq.

Des éléments d'al-Qaïda ont déposé les armes et sont retournés dans leurs régions pour reprendre leurs vies après des années passées à combattre sous la bannière du groupe, a déclaré Ahmed, ajoutant qu'ils s'étaient « débarrassés du manteau du groupe ».

« Par le passé, al-Qaïda a recruté des gangsters dans la région qui ont intégré ses rangs du jour au lendemain », a-t-il indiqué.

La plupart de ces combattants sont revenus dans leurs régions suite à la récente défaite d'al-Qaïda et son éviction de la province d'Abyan, a-t-il poursuivi.

Ces gangs ont rejoint al-Qaïda pour leur propre intérêt, a affirmé Ahmed, et leur retour chez eux est « une preuve de la défaite et de la faiblesse du groupe ».

« Lorsque l'intérêt [mutuel] entre ces gangs et le groupe a pris fin, les membres de ces groupes criminels ont abandonné leurs positions et les raisons qu'ils avaient données lors de leur intégration au groupe, et les slogans qu'ils avaient créés se sont dissipés lorsque l'intérêt a cessé d'exister et que la défaite [était assurée] », a expliqué Ahmed.

Une série de défaites

« Al-Qaïda est affaibli et fracturé à cause des divisions dans ses rangs, et de l'établissement d'une présence de l'EIIL dans des zones qui furent des incubateurs sociaux pour al-Qaïda », a déclaré à Al-Mashareq l'expert en stratégie Adnan al-Houmaïri.

La série de défaites qu'il a subies aux mains des forces yéménites et internationales a également porté un sérieux coup au groupe, a-t-il ajouté.

« L'EIIL et al-Qaïda annoncent l'organisation d'opérations militaires qui n'ont jamais eu lieu juste pour dire au monde qu'ils existent, alors que la vérité est toute autre », a-t-il indiqué.

« Leurs buts médiatiques comprennent l'annonce, sur leurs sites internet djihadistes, qu'ils ont repoussé une attaque de l'armée dans la province d'al-Bayda, alors que nous n'avons rien entendu de l'autre côté concernant des mouvements militaires dans cette zone », a précisé al-Houmaïri.

« Suite aux défaites qu'a subies al-Qaïda à al-Moukalla et dans la province d'Abyan, de nombreux combattants du groupe sont revenus pour se réhabituer à vivre dans leurs régions et leurs environnements », a-t-il déclaré.

Le groupe connaît également des difficultés financières, car ses sources de revenus se sont épuisées, comme les revenus pétroliers dont il bénéficiait lorsqu'il contrôlait al-Moukalla, a-t-il indiqué.

Les chefs d'al-Qaïda sont gravement affaiblis mais ne peuvent pas admettre la défaite, a expliqué al-Houmaïri, ajoutant que le groupe avait connu la défaite à al-Moukalla et Abyan, et qu'il était poursuivi par les forces de sécurité et touché par des frappes aériennes.

« La mort de 30 éléments d'al-Qaïda lors d'une opération sans précédent dans les affrontements entre le groupe et l'armée montre l'étendue de la faiblesse et de la détresse d'al-Qaïda », a-t-il affirmé.

Le groupe a été abandonné par ses éléments « et est devenu une proie facile, bien loin de l'époque où il régnait sur des villes et des provinces pendant de longues périodes », a-t-il conclu.

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