Économie

La guerre en Syrie continue de paralyser l'industrie de la pomme

Par Nohad Topalian à Beyrouth

Des pommes jonchent le sol au pied de pommiers à Nabaa al-Safa, sur le mont Liban. Les producteurs de pommes libanais ont du mal à vendre leur production à cause de la fermeture des routes terrestres vers la Syrie. [Nohad Topalian/Al-Mashareq]

Des pommes jonchent le sol au pied de pommiers à Nabaa al-Safa, sur le mont Liban. Les producteurs de pommes libanais ont du mal à vendre leur production à cause de la fermeture des routes terrestres vers la Syrie. [Nohad Topalian/Al-Mashareq]

Les producteurs de pommes du Liban, ne pouvant à nouveau pas vendre leurs fruits sur les marchés régionaux à cause de la fermeture des routes terrestres vers la Syrie, ont cherché à attirer l'attention sur leur détresse avec une « journée de la colère » le 1er octobre.

Confrontés à une nouvelle année de pertes catastrophiques alors que la récolte approche, les producteurs de pommes ont demandé des subventions du gouvernement et la création de routes alternatives vers les marchés extérieurs.

Leurs contestations ont été partiellement entendues, le gouvernement ayant décidé, lors d'une réunion jeudi 6 octobre, de verser une compensation de 5 000 livres libanaises (3,30 dollars) pour chaque cageot de 20 kg de pommes, directement aux producteurs.

Le gouvernement accordera également un prêt du Trésor de 40 milliards de livres libanaises (26,5 millions de dollars) qui sera mis à la disposition de la Commission de secours, qui aide les réfugiés syriens en leur apportant de la nourriture et des services.

De plus, il a été demandé à l'armée libanaise de mener une évaluation de la production de cette saison, sous la supervision du ministère de l'Agriculture et avec l'aide d'autorités locales, et des pays donateurs ont été appelés à acheter 500 000 cageots de 20 kg, en coopération avec le ministère des Affaires sociales. Les recettes de ces ventes iront aux réfugiés syriens au Liban et dans d'autres pays.

Le conflit syrien bloque les exportations

La production libanaise de cette saison a atteint environ 160 000 tonnes, selon le ministère libanais de l'Agriculture.

Malgré des initiatives du secteur privé pour soutenir la production en stimulant les achats, « la fermeture de la frontière syrienne a eu un impact énorme sur les ventes », a déclaré le 27 septembre Akram Shouhaib, ministre de l'Agriculture.

La raison principale des ventes faibles est « la fermeture des routes terrestres traditionnelles vers l'Irak, la Jordanie, l'Arabie saoudite et l'Égypte via la Syrie, qui sont utilisées pour exporter des fruits et légumes », a expliqué Daoud al-Dhahir, directeur de la coopération des agriculteurs pour al-Aqoura à Jbeil.

La guerre en Syrie et le fait que des routes utilisées par les camions libanais ont été saisies par des groupes extrémistes comme « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) ont récemment perturbé l'exportation de pommes et d'autres fruits, a-t-il indiqué à Al-Mashareq.

« L'exportation par voie terrestre via la Syrie était devenue un pari au début de la crise, puis elle s'est complètement arrêtée il y a deux ans, lorsque des groupes terroristes ont attaqué les conducteurs de camions et en ont enlevé certains », a-t-il relaté.

« Depuis, nous avons été confrontés à une crise grandissante année après année, et nous faisons aujourd'hui face à une véritable catastrophe qui a touché des dizaines de milliers de producteurs qui comptaient vendre leurs fruits», a-t-il ajouté.

À al-Aqoura, a-t-il déclaré, 10 000 personnes vivent des revenus de la vente de pommes toute l'année, produisant environ 750 000 cageots, « une quantité semblable étant produite dans les villages et les villes du district de Byblos, amenant le total à un demi-million de cageots ».

Demandes de soutien aux producteurs de pommes

Les exportations terrestres à travers la Syrie vers l'Irak, la Jordanie, l'Égypte et certains pays du Golfe représentaient auparavant environ 75 % de la production, a indiqué al-Dhahir.

Les routes maritimes ont été utilisées à la place des routes terrestres, mais à des prix plus élevés, qui dépassent les coûts des agriculteurs, a-t-il déclaré, notant qu'un cageot de pommes coûte aux producteurs 12 000 livres libanaises (8 $), les acheteurs en offrant moins de 5 $.

À l'heure actuelle, a indiqué al-Dhahir, il y a « 30 000 producteurs de pommes, avec une production nationale pouvant atteindre 160 000 tonnes », dont un maximum de 14 000 tonnes est destiné à l'exportation.

« C'est pourquoi nous demandons qu'en attendant que la route syrienne soit rouverte, le gouvernement libanais soutienne les agriculteurs et mette à leur disposition des marchés alternatifs avec un transport et des coûts d'exportation subventionnés », a-t-il précisé.

Al-Dhahir a également exprimé l'espoir que des organisations humanitaires internationales au Liban puissent acquérir une partie de la production et les livrer aux réfugiés syriens.

À Tannourine, dans le district de Batroun, avec une production atteignant les 300 000 cageots, des milliers de producteurs sont confrontés à des « ventes faibles », a indiqué Nehme Harb, producteur de pommes et ancien directeur de la coopérative des agriculteurs.

« Les producteurs de pommes de tout le Liban ne peuvent pas vendre leurs fruits à l'extérieur », a-t-il déclaré à Al-Mashareq. « À Tannourine, nous pouvions exporter 90 % de notre récolte à travers la Syrie vers un grand nombre de pays arabes. »

Mais avec la fermeture de la frontière syrienne et l'émergence de l'EIIL et du Front Fatah al-Cham, ancien Front al-Nosra (FAN) à certains points d'entrée, associés à des incidents avec les chauffeurs, les exportations libanaises se sont presque complètement arrêtées, a-t-il déploré.

Les producteurs sont contraints de vendre leurs fruits à de gros acheteurs à des prix très bas, et ils ne peuvent pas récupérer leur coût de production par cageot, a-t-il indiqué, ajoutant que la solution temporaire à cette situation est le subventionnement des producteurs par l'État.

Impact de la crise syrienne

Comme pour d'autres produits, la crise de l'exportation des pommes « a débuté avec les événements en Syrie et a empiré début 2014 », a déclaré à Al-Mashareq Alain Hakim, ministre de l'Économie et du Commerce.

« J'avais demandé au gouvernement l'ouverture de nouveaux marchés pour les produits libanais avec des méthodes d'exportation alternatives dans le cadre d'une stratégie nationale qui contribuerait au renforcement du secteur agricole », a-t-il expliqué.

Plus de 165 millions de cageots de pommes, 160 000 tonnes, ont été perdus à cause de la crise, a-t-il annoncé, et cela a affecté des dizaines de milliers de producteurs de pommes.

Afin d'éviter que cette situation se répète, des solutions alternatives doivent être mises en place, a-t-il affirmé, comme l'utilisation de pommes dans l'industrie alimentaire.

Adopter des solutions de ce genre, avec le partenariat majeur du secteur privé, stimulerait le secteur industriel et créerait de nouveaux emplois, a-t-il ajouté.

Bien que l'économie libanaise ait subi des pertes conséquentes en ce qui concerne l'exportation de sa production agricole à cause des événements en Syrie, a déclaré Hakim, « nous devons trouver rapidement des solutions alternatives ».

Aimez-vous cet article?

0 COMMENTAIRE (S)

Politique Commentaire * INDIQUE CHAMP NÉCESSAIRE 1500 / 1500