Terrorisme

La guerre entrave les efforts de lutte contre le financement du terrorisme au Yémen

Par Faisal Darem à Sanaa

Al-Mashareq a rencontré Ahmed Jaber al-Sanabani, président de la Commission nationale de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, dans son bureau à Sanaa. [Faisal Darem/Al-Mashareq]

Al-Mashareq a rencontré Ahmed Jaber al-Sanabani, président de la Commission nationale de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, dans son bureau à Sanaa. [Faisal Darem/Al-Mashareq]

La guerre au Yémen a très sensiblement affaibli un programme national de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, en rendant difficile la surveillance de l'activité commerciale et des mouvements de fonds par les agences de l'État.

Lors d'un entretien exclusif qu'il a accordé à Al-Mashareq dans son bureau de Sanaa, le président de la Commission nationale de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (AML/CFT), Ahmed Jaber al-Sanabani, a expliqué que les groupes extrémistes cherchent à exploiter la situation actuelle pour blanchir des fonds et financer leurs activités.

Plusieurs régions du sud et de l'est du Yémen, où des groupes comme al-Qaïda et « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) sont actifs, sont particulièrement exposées à ce type d'activités, a-t-il expliqué.

Le conflit en cours entrave également la capacité du Yémen à honorer les engagements pris envers le Groupe d'action financière (GAFI), afin d'être retiré de sa liste noire, a-t-il indiqué, car il lui reste à remplir certaines de ses obligations.

Malgré ces défis, la commission AML/CFT envisage de continuer à mener son action, a-t-il ajouté, soulignant que le Yémen a pris, à un niveau élevé, l'engagement politique de travailler avec le GAFIMOAN (Groupe d'action financière du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord) pour répondre aux lacunes stratégiques de l'AML/CFT.

Al-Mashareq : En quoi la guerre a-t-elle affecté les activités AML/CFT de la commission ?

Ahmed Jaber Al-Sanabani : Ce climat de guerre a eu un impact négatif important sur les activités de la commission et le programme de l'AML/CFT, car les organes et les institutions de l'État ont été sérieusement affaiblis, en particulier les 19 agences de réglementation et de surveillance qui opèrent dans le cadre de ce programme, y compris des banques commerciales.

La commission souffre d'une sérieuse pénurie de moyens financiers en raison de la guerre, et le climat ambiant favorise donc la perpétration des crimes de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, en particulier dans le sud et l'est du Yémen, où les groupes terroristes sont actifs.

La guerre a également gêné les engagements pris par le Yémen envers le GAFI. Le pays figure en effet toujours sur la liste noire du groupe, car il lui reste à remplir certaines de ses obligations, notamment l'amélioration de sa politique fiscale et la mise en place de normes AML/CFT prescrites par le GAFI.

La guerre a empêché l'équipe du GAFI chargée de cet examen de se rendre au Yémen pour s'assurer que les procédures [prescrites] sont bien suivies, et a également empêché une délégation de cette commission de se rendre à l'étranger dans le même but.

De plus, la commission ne bénéficie d'aucun statut financier indépendant et son budget provient entièrement du ministère des Finances. Une grave pénurie de revenus a entravé les activités de l'État dans son ensemble, et la commission a également été affectée.

Al-Mashareq : Quelles sont les conséquences de l'exclusion du Yémen du GAFI ?

Al-Sanabani : Le Yémen ne peut entreprendre seul les efforts AML/CFT, parce que le monde est interconnecté et est devenu un petit village mondial.

De surcroît, la législation AML/CFT traite de la lutte contre ce type de crime tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Yémen, et il y a de graves conséquences économiques pour les banques internationales qui suspendraient leurs opérations au Yémen dans le cas où le pays manquerait à honorer ses engagements en la matière.

Al-Mashareq : Quelles mesures la commission prendra-t-elle pour retrouver son efficacité dans les circonstances extraordinaires actuelles que traverse le Yémen ?

Al-Sanabani : La commission a tenu une réunion début août, lors de laquelle elle a approuvé la mise en place de groupes de travail chargés de préparer des rapports et de répondre aux demandes afin d'activer les canaux de communication avec les organisations et commissions régionales et internationales de même nature.

La principale d'entre elles est le GAFIMOAN, dont le Yémen est membre, pour garantir que nous puissions tirer profit des expériences des autres [pays membres] et souligner le rôle du Yémen dans le domaine de l'AML/CFT.

Au niveau local, la commission organisera trois séminaires, destinés aux imams des mosquées, aux professionnels des médias et aux organisations de la société civile, pour mieux les sensibiliser aux délits AML/CFT et tarir les sources du terrorisme, car des crimes sont également commis dans cette sphère.

On y trouve [des crimes] délibérés ou par négligence, notamment la contrebande, qui appartient à la catégorie des crimes AML et est le fruit de certains acteurs qui ne sont pas conscients du fait qu'elle tombe dans cette catégorie de crimes.

En organisant ces séminaires, notamment ceux destinés aux prédicateurs dans les mosquées, qui font l'objet d'une telle attention parce qu'ils sont en contact étroit avec le public, nous souhaitons mieux sensibiliser, lutter efficacement contre ce phénomène et minimiser les dangers qui en découlent.

Al-Mashareq : Quelles sont les conséquences néfastes des opérations de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme ?

Al-Sanabani : La baisse des liquidités en devises à la fois nationales et étrangères, parce que le blanchiment d'argent entraîne des transferts en dehors du pays au travers des banques, et contribue à une plus forte inflation et à des taux de chômage plus élevés.

Elles affaiblissent également le revenu national, induisent des départs de fonds vers l'étranger, génèrent une instabilité monétaire et financière, alourdissent le travail du gouvernement par des dépenses supplémentaires dues à la propagation des délits et du non-respect de la loi, et renforcent les centres de la criminalité parce qu'ils contrôlent les capitaux.

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