Sécurité

Les agriculteurs de la vallée de la Bekaa sentent l'effet de la violence à la frontière

Nohad Topalian à Beyrouth

Les raisins attendent la récolte dans un vignoble à al-Qaa, dans la vallée nord de la Bekaa. Les agriculteurs de la région disent que la violence près de la frontière syrienne a gravement affecté la production agricole et les revenus. [Photo d'Elie Chdid]

Les raisins attendent la récolte dans un vignoble à al-Qaa, dans la vallée nord de la Bekaa. Les agriculteurs de la région disent que la violence près de la frontière syrienne a gravement affecté la production agricole et les revenus. [Photo d'Elie Chdid]

Les agriculteurs libanais des villes situées le long de la frontière syrienne disent à Al-Shorfa qu'ils sont confrontés à des difficultés économiques dues à la présence de groupes extrémistes qui les empêchent d'accéder à leurs terres et l'exportation de cultures qu'ils sont capables de produire.

Les agriculteurs des villes d'al-Qaa, Arsal et Ras Baalbek dans la vallée de la Bekaa disent que la production agricole est proche de son niveau le plus bas en raison des actions de "l'Etat islamique en Irak et au Levant" (EIIL), le front al-Nosra (FAN) et le Hezbollah.

A al-Qaa, l'une des zones les plus fertiles et productives du pays, les projets agricoles englobent environ 180.000 donams, dit l'agronome Elie Chdid, qui supervise l'un des plus grands projets agricoles de la région.

"La peur et l'anxiété qui règnent dans la région en raison des événements en cours en Syrie et la prolifération des éléments de l'EIIL et le FAN aux frontières d'al-Qaa ainsi que les attaques terroristes qu'ils mènent ont conduit à une baisse de la production agricole,et de l'investissement et de l'arrêt des exportations vers les pays du Golfe", a-t-dit à Al-Shorfa.

Les projets agricoles à al-Qaa sont parmi les plus importantes au Liban et ont traditionnellement attiré des ouvriers de Syrie, dit-il, ajoutant que la région abrite actuellement jusqu'à 30.000 réfugiés, dont la plupart travaillent dans l'agriculture.

Bien qu'il n'y ait pas de pénurie de main-d'œuvre, "la production dans la région a diminué en raison du terrorisme qui s'est infiltré à al-Qaa et ses environs et à la frontière avec la Syrie", a déclaré Chdid.

Les résidents sont préoccupés par l'infiltration de groupes extrémistes armés dans la région en provenance de la Syrie voisine, dit-il, en particulier à la suite des récents attentats-suicides à al-Qaa.

Le mercredi 13 juillet, l'armée libanaise a utilisé l'artillerie lourde contre des positions de groupes extrémistes dans la périphérie d'Arsal, ont rapporté les médias libanais.

L'armée a également ciblé les positions des militants à la périphérie de Ras Baalbek et al-Qaa, en intensifiant les bombardements durant l'après-midi.

Les exportations terrestres bloquées

Les agriculteurs font face à une crise majeure en ce qui concerne les exportations, dit Chdid.

"Nous exportions 70% de notre production aux Etats arabes et ceux du Golfe, mais les exportations terrestres ont été suspendues après que l'EIIL et le FAN ont pris le contrôle des frontières terrestres et nous sommes incapables d'exporter par voie maritime ou aérienne parce que le coût est prohibitif," dit-il.

"Tous ces facteurs nous ont fait subir des pertes financières importantes qui s'accumulent année après année, ce qui a causé l'arrêt de nouveaux investissements agricoles", at-il ajouté, notant que la production dans ses propres vignobles et vergers, où poussent les pêches, les abricots, les prunes et les pommes, a été gravement touchés par le terrorisme de l'EIIL.

Dans la ville voisine d'Arsal, environ 70% des habitants sont des agriculteurs, avec des terres agricoles couvrant environ 460 kilomètres carrés, dit l'agriculteur local Mahmoud al-Fleiti dans une interview avec à Al-Shorfa.

"Aujourd'hui, nous vivons des jours sombres, car les habitants dépendaient sur la production de 8000 tonnes de cerises et d'abricots [générant] 15 milliards de livres libanaises (10 millions de dollars) de chiffre d'affaires annuel," a-t-il dit.

"Nous avons de vastes terres agricoles fertiles disséminées dans les vallées, les cols de montagnes, les pentes et les zones périphériques à des altitudes variées qui reçoivent des quantités variables d'eau de pluie", a-t-il précisé, notant qu'ils produisent les meilleurs fruits.

Accès à la terre coupé

Depuis le début de la guerre en Syrie, la prolifération de l'EIIL et du FAN dans les zones périphériques, et l'intervention du Hezbollah en Syrie, "aucun agriculteur n'a été en mesure d'accéder à sa terre, et la même chose est vraie pour les propriétaires de carrières et pour les travailleurs", dit al-Fleiti.

De ce fait, dit-il, les agriculteurs et les autres entités commerciales dans la vallée de la Bekaa du Nord ont "vécu des circonstances économiques difficiles et étouffantes".

"Nos économies des saisons précédentes ont été épuisées et il est impossible pour nous d'accéder à nos terres dans les zones périphériques car elles sont sous le contrôle de l'EIIL et du FAN", dit-il.

Il y a quelque temps, poursuit al-Fleiti, l'EIIL et le FAN a publié une circulaire indiquant que les agriculteurs seraient autorisés à récolter les cultures de cerises et d'abricots, "à condition qu'ils obtiennent la permission écrite des émirs des deux groupes".

Les agriculteurs ont rejeté cet accord, a-t-il dit.

"Je n'ai pas été en mesure de me rendre dans les zones périphériques hautes pour m'occuper de ma terre pendant trois ans, et maintenant je travaille uniquement sur ma terre dans la région nord, près d'un poste de contrôle de l'armée, comme mes collègues agriculteurs," a-t-il ajouté.

Difficultés économiques croissantes

Al-Fleti dit que lui et un certain nombre d'autres agriculteurs d'Arsal survivent sur ce que leurs terres dans la région nord produisent.

"Nous vendons des tomates et des concombres aux magasins à Byblos et Tripoli, mais le revenu ne résout pas nos difficultés économiques et financières, parce que notre travail est perturbé par les affrontements entre les groupes extrémistes," a-t-il dit.

"La saison de récolte était pour nous un pique-nique et une sortie pour les familles, mais elle s'est transformée maintenant en un voyage de mort", a-t-il ajouté. "Le terrorisme de l'EIIL et d'autres groupes à la frontière et sur notre terre nous a privé de nos moyens de subsistance et ruiné nos vies".

Dans la ville frontalière de Ras Baalbek, l'agriculteur Naji Nasrallah a déclaré à Al-Shorfa que l'EIIL et le FAN contrôlent de "vastes zones agricoles prometteuses dans les régions périphériques de la ville".

"Dès que nous avons commencé à investir en ces terres, y compris dans un projet de 400 donams, tous les projets ont été interrompus après qu'une bataille féroce a eu lieu entre les militants et l'armée et la zone a été transformée en une zone militaire", a-t-il dit.

Les agriculteurs de Ras Baalbek sont actuellement incapables d'accéder à 150 kilomètres carrés de terres agricoles, dit Nasrallah.

"Nous avons subi d'énormes pertes dans cette région, et nous l'avons remplacée avec des zones plus sûres", a-t-il souligné. "Alors que nos pertes agricoles se multiplient en raison du terrorisme qui nous guette à notre frontière et dans certaines de nos terres, les superficies agricoles diminuent, et tout cela a eu un impact négatif sur notre situation économique".

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