Terrorisme

Les frappes aériennes poussent l'EIIL à construire une « ville souterraine » à al-Raqa

Par Waleed Abu al-Khair au Caire

« L'État islamique en Irak et au Levant » creuse des tunnels dans la ville syrienne d'al-Raqa pour abriter ses éléments lors des frappes aériennes. [Photo fournie par Al-Raqa est massacrée en silence]

« L'État islamique en Irak et au Levant » creuse des tunnels dans la ville syrienne d'al-Raqa pour abriter ses éléments lors des frappes aériennes. [Photo fournie par Al-Raqa est massacrée en silence]

Pour tenter de se protéger des frappes des avions de la coalition internationale, des éléments de « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) poursuivent la construction de tunnels dans la ville syrienne d'al-Raqa.

Des témoins oculaires de la province ayant récemment parlé à Al-Shorfa ont rapporté que l'EIIL creuse un réseau de tunnels et de bunkers souterrains dans les villes d'al-Raqa et d'al-Tabqa, forçant ses prisonniers à travailler.

Hamad al-Matar, un vendeur de rue et habitant d'al-Raqa qui préfère utiliser un pseudonyme par peur pour sa sécurité, a raconté à Al-Shorfa qu'à son arrestation par des éléments de l'EIIL fin 2015 pour avoir été en retard à une prière, il avait été amené un poste d'al-hesba (la « police religieuse ») et condamné à une peine de 15 jours de prison.

Le matin suivant, il avait été emmené sur un lieu qu'il n'avait « pas pu identifier car les fenêtres du véhicule de transport dans lequel j'étais transporté avec quatre autres personnes étaient noircies, mais c'était proche du centre-ville, à en juger par le court trajet », a relaté al-Matar.

« Nous avons été débarqués directement dans l'entrée d'une maison. Nous avons descendu une échelle pour arriver dans des chambres souterraines dans lesquelles nous avons été forcés de creuser pendant dix heures d'affilée », a-t-il expliqué.

La même chose s'est reproduite chaque jour de sa détention, a-t-il ajouté.

Al-Matar a appris d'autres prisonniers que l'EIIL forçait ses détenus à construire un réseau de tunnels et de chambres souterraines pour protéger ses combattants des frappes aériennes.

« Ville souterraine »

Qasim al-Khatib, membre du secrétariat général du mouvement al-Ghad al-Soury (Syrie demain) et originaire d'al-Raqa, a indiqué à Al-Shorfa qu'il a été confirmé par des militants de la région opposés au groupe que l'EIIL construit un réseau de tunnels à al-Tabqa.

L'EIIL aurait expulsé les habitants d'un groupe de logements et y aurait « installé ses éléments et leurs familles, avant de commencer à creuser un réseau de tunnels sous la zone », a-t-il déclaré.

Ce réseau couvre une zone de 2,5 km², a-t-il précisé, et comprend « des chambres utilisées comme quartiers d'habitation pour que les éléments de l'EIIL s'abritent des frappes aériennes », ainsi qu'un hôpital de campagne et des cellules de prison.

Al-Khatib a affirmé qu'un militant arrêté quatre fois par le groupe pour diverses raisons, avant de fuir la Syrie pour la Turquie, lui avait indiqué que « l'EIIL a bâti une autre ville sous la surface ».

Elle a probablement été creusée par des Syriens détenus par l'EIIL et « qui ont été forcés à creuser des tranchées et des tunnels pour le groupe », a-t-il ajouté.

En cours depuis 2015

Ces récits de témoins oculaires correspondent à de précédents rapports des médias publiés en 2015 qui faisaient état d'activités similaires de l'EIIL.

Selon un rapport du 27 septembre 2015 publié sur le site de campagne du groupe « Al-Raqa est massacrée en silence », Abu Mohammed, habitant d'al-Tabqa, a expliqué avoir été arrêté par l'EIIL pour avoir fumé, et son châtiment, avec plusieurs autres détenus, a été de creuser des chambres souterraines renforcées avec du béton et du fer.

« La dernière tâche que j'ai effectuée avant ma libération fut de déménager des meubles d'une des maisons dans ces chambres souterraines, auxquelles on accède par des tunnels en pente, et qui sont entièrement équipées, y compris en eau courante », a-t-il déclaré.

Ce rapport citait un autre prisonnier, Abu Abdullah, qui a expliqué que les excavations étaient effectuées par des prisonniers, mais aussi par des travailleurs embauchés par le groupe.

Toujours en novembre 2015, l'hebdomadaire français Le Point avait cité des témoins oculaires racontant que l'EIIL creusait des tunnels à al-Raqa pour se cacher des frappes aériennes.

Les tunnels ne « protégeront pas complètement l'EIIL »

« Le fait que l'EIIL ait recours aux tunnels à al-Raqa n'est pas nouveau. Le groupe a déjà utilisé cette tactique dans d'autres zones sous son contrôle, comme à Mossoul et Falloujah, en Irak, comme cela a été confirmé par plusieurs sources médiatiques », a indiqué Yahya Mohammed Ali, major général retraité de l'armée égyptienne.

« Un vaste réseau de tunnels a également été découvert par les Unités kurdes de protection du peuple (YPG) dans la ville de Tel Abyad, près de la frontière avec la Turquie, lorsqu'elles ont libéré la zone », a-t-il précisé à Al-Shorfa.

« L'existence de réseaux similaires a été confirmée dans la ville de Jarablus, qui est toujours contrôlée par le groupe », a-t-il ajouté.

Il peut être difficile de localiser précisément l'emplacement de ces tunnels, a-t-il indiqué, mais il est probable qu'ils se trouvent sous du terrain rocheux, car les zones sablonneuses nécessitent beaucoup plus de matériaux, comme le béton et le fer, pour être renforcées.

Les nouveaux types de missiles capables de pénétrer la pierre et le béton pourraient facilement détruire les tunnels si leur emplacement exact est connu, et donc « ces tunnels ne protégeront pas complètement les éléments de l'EIIL contre les frappes aériennes », a-t-il affirmé.

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